Eh non, je n’avais jamais lu ce classique de la littérature !
Le narrateur vit et grandit dans un village africain, Kouroussa, en Haute-Guinée, dans la case de sa mère. Trois univers composent son quotidien : la forge de son père à qui il arrive de transformer de l’or, le travail des champs de son oncle et l’école. Différentes étapes rythment l’existence de cet « enfant noir » des années 30 : les grands qui maltraitent les petits à l’école, la cérémonie des lions (celle qui précède celle de la circoncision et qui fait tant peur aux petits garçons), les études faites à Conakry la capitale, les premières amours, l’éloignement du fils. Au final, Laye va faire le choix de poursuivre ses études et de rejoindre Argenteuil.
En ces temps difficiles, j’ai aimé me détendre au pied de ce grand fromager (pour qui en a déjà vu un, c’est un arbre extraordinaire), écouter le tam-tam et rire dans les champs avec les autres. Dans ce court récit d’apprentissage, la simplicité côtoie l’authenticité et permet au lecteur de découvrir les traditions guinéennes et de mieux appréhender cette délicate question de l’exil. La fin est touchante, la mère ne veut pas laisser partir son fils en France, le cri du cœur « ils veulent l’emmener chez eux » est déchirant. C’est un roman autobiographique et Camara Laye reviendra dans son pays après avoir obtenu un diplôme d’ingénieur, il deviendra ensuite ambassadeur au Ghana avant de devoir fuir son pays avec sa famille.
Hommes, femmes et enfants moissonnent les champs et d’être ensemble suffit à supporter la corvée : « ils chantaient en chœur, ils moissonnaient ensemble : leurs voix s’accordaient, leurs gestes s’accordaient ; ils étaient ensemble ! – unis dans un même travail, unis par un même chant. La même âme les reliait, les liait ; chacun et tous goûtaient le plaisir, l’identique plaisir d’accomplir une tâche commune. »
La mère de Laye est tellement en colère en apprenant le départ de son fils pour la France : « Mais à présent elle savait que partirais et qu’elle ne pourrait pas empêcher mon départ, que rien ne pourrait l’empêcher ; sans doute l’avait-elle compris dès que nous étions venus à elle : oui, elle avait dû voir cet engrenage qui, de l’école de Kouroussa, conduisait à Conakry et aboutissait à la France ; et durant tout le temps qu’elle avait parlé et qu’elle avait lutté, elle avait dû regarder tournée l’engrenage : cette roue-ci et cette roue-là d’abord, et puis cette troisième, et puis d’autres roues encore, beaucoup d’autres roues peut-être que personne ne voyait. Et qu’eût-on fait pour empêcher cet engrenage de tournée ? On ne pouvait que le regarder tournée, regarder le destin tourner : mon destin était que je parte ! »