L’artiste Cristòbal a été retrouvé mort à la suite d’un étrange accident de voiture. Un flic enquête sur cette star locale. Flashback sur un être hors norme. Cristòbal est né à Lanzarote à une époque où l’île était encore vierge de touristes. Fasciné par le volcan situé en face de sa maison, le petit garçon enrage de ne pouvoir le dessiner comme il le souhaite. Quelques années plus tard, pour fuir un père qui le bride, il s’échappe à New York où sa notoriété en tant que peintre et sculpteur surréaliste ne se fait pas attendre. Et il revient dans son île où il découvre avec effarement que des chantiers gigantesques et des blocs de béton tendent à supprimer la belle nature de son enfance. Ses trois amis artistes plutôt hippies vont l’aider à réaliser son projet : que l’art et la nature ne fassent plus qu’un. Sculptures géantes, musée de la paysannerie, palace écologique, nouvelles routes plus sinueuses que jamais,… l’homme se fait connaître et aduler par certains, détester par d’autres. Altruisme ou mégalomanie ? L’histoire ne répond pas à la question mais sème le doute, l’alternative du meurtre est alors possible.
Largement inspirée de l’histoire vraie d’un homme appelé -non pas Cristòbal- mais César Manrique, cette BD a pour première qualité de m’avoir fait découvert une histoire que je ne connaissais absolument pas. Il est vrai que les îles Canaries ont été abîmées par les constructions laides destinées au tourisme de masse. Manrique a voulu les sauver à sa manière en faisant de sa terre une gigantesque œuvre d’art… où il impose sa vision de la vie alors qu’il louait tant l’œuvre de la nature. Duhamel ouvre le débat sur les desseins de l’artiste et sur ses finalités. Il n’en demeure pas moins que Manrique a permis de faire reculer le tourisme stupide et sur-consommateur et de préserver authenticité et identité culturelle de l’île, ce qui est déjà tout à fait honorable. D’ailleurs, depuis sa mort en 1992, les constructions illégales auraient proliféré, menaçant sérieusement l’avenir de l’île. Quant aux dessins, le bleu-gris est réservé au présent et à l’enquête du flic, les couleurs au passé. J’ai beaucoup apprécié cet album au sujet insolite !
« 17/20 »