J’avais envie de me poser et de lire un gros livre. Nord et Sud a rempli sa mission avec ses 673 pages. Le roman, soutenu par Dickens, a été publié en feuilleton dans la revue Hard Times en 1854.
Margaret Hale est une jeune Anglaise de caractère. Fille d’un pasteur qui a renoncé à son sacerdoce pour vivre en ville, Margaret quitte à contrecœur son village du Hampshire pour rejoindre la cité industrielle de Milton. A 18 ans, elle découvre le monde ouvrier mais aussi la pauvreté et la lutte des classes. Après avoir rencontré le propriétaire d’une filature, John Thornton, la jeune femme oscille entre attirance et répulsion, et ces deux-là vont jouer au chat et à la souris tout le long du roman. Lors de la maladie de sa mère, Margaret se montre bien plus courageuse et endurante que son père ; elle ne peut compter sur son frère exilé depuis si longtemps qu’elle le reconnaît à peine quand il assiste au dernier soupir de leur mère. Mais Margaret se fait petit à petit à cette vie citadine âpre et imprévisible, elle secourt une famille d’indigents, les Higgins, et joue indirectement un rôle dans le mouvement des grévistes qui opposera, entre autres, Thornton et Higgins. Malgré sa vaillance et sa droiture, il arrivera à Margaret de faire de mauvais choix et les aléas malheureux de la vie la conduiront dans une direction inattendue.
On a beaucoup comparé ce roman à ceux de Dickens, de Jane Austen, des Brontë ou encore de Zola et, effectivement, j’ai apprécié la fine psychologie britannique, la subtilité des portraits mais aussi l’ancrage précis dans un contexte historique. J’ai un peu redouté la dimension industrielle de l’histoire mais jamais je ne me suis ennuyée, jamais je n’ai bâillé, on découvre l’évolution de la réflexion d’un patron, Thornton, qui finit par se tourner vers ses ouvriers pour mieux les comprendre et coopérer avec eux. Sans avoir été totalement passionnée par l’intrigue, j’ai lu ce roman avec plaisir. Une histoire d’amour accompagne le parcours initiatique de Margaret mais il faut vraiment attendre la fin pour savoir de quoi il en retourne !
A la fois doux et impressionniste, désuet et féministe, édifiant et émouvant. Oui, c’est à lire.
« Margaret ne pouvait rien à son apparence ; mais sa courte lèvre supérieure ourlée, son menton solide, rond et retroussé, son port de tête, sa façon de bouger si résolument féminine, donnaient toujours à ceux qui ne la connaissaient pas une impression de supériorité. »
« Réfléchir m’a parfois rendu triste, petite sœur, mais agir, jamais de toute ma vie. »
Quand Thornton tombe amoureux de Margaret : «Il avait beau haïr parfois Margaret, lorsqu’il repensait à ses attitudes familières gracieuses et à tous les détails qui s’y associaient, il éprouvait le plus vif désir de contempler à nouveau l’original de l’image gravée dans son esprit, et l‘envie de respirer le même air qu’elle. Il était pris dans un maelström de passion et condamné à tourner, tourner toujours, pour se rapprocher du centre fatal. »