Encore une lecture que je dois à ma Box. Encore une jolie surprise.
L’auteur-narrateur est un étudiant américain désœuvré qui suit des études de biologie un peu à contrecœur et découvre par hasard les romans de grands aventuriers, ces baroudeurs solitaires qui affrontent les ours. C’est donc un peu rapidement et sans réfléchir qu’il accepte une mission proposée par l’organisme de réglementation de la chasse et de la pêche : surveiller, sept mois durant, l’éclosion des œufs de saumon dans une rivière de l’Idaho. Pete vivra dans une grande tente, à 60 kms de la route la plus proche et à 90 kms de la civilisation. Il regrette d’avoir accepté avant même d’être parti ! Ses copains lui font la fête, les filles sont admiratives, les adieux sont longs et voilà Pete qui se retrouve en pleine montagne, accompagné d’une jeune chienne, Boone.
Si les débuts de notre aventurier sont empreints de maladresse et de naïveté, si les conversations, les rires et les beuveries lui manquent, si la déprime guette régulièrement à l’entrée de sa tente humide et froide, il se fait, petit à petit, une raison, et marche, explore, découvre les environs, apprend à couper du bois et conduire un camion (avant que les neiges rendent cela impossible), à chasser même. Le rude hiver le coupe complètement de toute présence humaine, et même pour téléphoner, Pete doit parcourir de nombreux miles en raquette. Pourtant, il s’en sort bien, peut se vanter d’avoir obtenu quelques victoires et surtout d’avoir survécu dans des situations extrêmement hostiles. Entre froid, lynx, grouses, chasse, motoneiges, mouflons, éclipse, solitude, rivière gelée, le dépaysement est total, le voyage glacial.
L’auteur fait preuve d’autodérision, surtout au début du livre mais il faut bien admettre qu’il se débrouille très bien et que la solitude et les grands espaces qui lui pesaient tant les premières semaines vont lui manquer à la fin de son aventure. Cette histoire vraie est joliment racontée, on assiste à l’évolution d’un personnage humain et sensible qui se retrouve métamorphosé après sept mois de vie « à part ». J’ai beaucoup aimé ce récit initiatique même si j’ai trouvé les passages de chasse (et de sang, et de dépeçage, et d’orgie de viande… ) redondants et un peu nauséabonds (bon courage aux végétariens et aux antispécistes !) Bref, si vous aimez le genre du nature writing, l’authenticité d’une expérience insolite et les récits autobiographiques qui ne seraient pas creux, c’est parfait !
« Le froid persistait. Il faisait toujours dans les moins vingt ou moins trente la nuit, et le jour on ne dépassait jamais les moins dix. Chaque nuit se répétait le même dilemme : valait-il mieux garder la tête à l’air libre, au risque de geler ou bien la conserver au chaud sous les couvertures, quitte à imposer à mes narines les odeurs d’un homme qui ne se baigne qu’un fois par mois ? Je dormais avec un bonnet sur la tête. Quand arrivait le matin, ma respiration glacée avait ourlé les couvertures, et des lisérés de givre se lovaient autour de mon cou comme des serpents. »
« Quand le beau temps arriva, une multitude de petits papillons bleu ciel fit son apparition : ils voletaient autour de mes jambes lorsque je marchais. Boone, elle, ne se lassait pas de les chasser. Je me mis à préparer mes repas dehors plutôt que de rester enfermé dans la tente enfumée et surchauffée. J’attendais allongé dans l’herbe que le repas soit prêt, observant les fourmis et les mouches vertes irisées, lourdes et rondes, qui se déplaçaient sur le sol humide. De minuscules fleurs sauvages surgissaient de partout en petites taches jaunes et bleues. Je fus étonné de ne m’être pas vraiment aperçu que tout cela avait disparu durant l’hiver. »