Voilà bien un roman que je n’aurais sans doute jamais lu s’il n’avait pas été glissé dans ma boîte aux lettres !
Nous sommes en Inde, dans les années 50. Raju vient de sortir de prison, il trouve refuge dans un vieux temple, au bord d’une rivière. Un paysan nommé Velan, passe par là et se méprend : Raju a l’air d’un saint qu’on consulte et qui a réponse à tous les problèmes. De bouche à oreille, grâce à quelques sentences bien placées, Raju se fait un nom bien malgré lui. Il aime voir défiler les gens prendre conseil auprès de lui et même le prier, le vénérer comme un émissaire de Dieu. Il faut dire que les offrandes ne sont pas désagréables non plus, Raju vit ainsi bien confortablement. En parallèle, on découvre sa vie d’avant, sa jeunesse marquée par une rencontre amoureuse impossible. En effet, Rosie est une danseuse mariée à un riche archéologue qui la délaisse complètement au profit de ses recherches. Raju, commerçant devenu guide, saisit l’occasion pour faire de Rosie son amante. Il parviendra même à vivre avec elle et la hissera sur les plus grandes scènes du pays, l’incitant à pratiquer sa danse, art que son mari considérait comme de la prostitution… L’histoire d’amour finira si mal que Raju se retrouvera en prison… avant de se retrouver gourou de tout un village. Ses mensonges lui retombent dessus puisqu’un frère de Velan comprend que Raju, en période de sécheresse et de famine, va jeûner, jusque la pluie revienne…
Au début de cette lecture, j’étais un peu sceptique, j’ai eu peur de m’ennuyer mais je me suis vite aperçue que je m’étais trompée : ce récit aussi doux qu’édifiant tient le lecteur en haleine, nous emmène dans un pays où les croyances ont la vie dure. Et tout ça emballé proprement, sur un ton subtilement drôle et sarcastique. Raju est un personnage complexe, désireux de faire le bien, il peut aussi se monter égoïste, sournois, mauvaise langue et surtout paresseux. On s’identifie à lui, il nous agace, il nous émeut, il nous fait rire… Lorsque les villageois se relaient pour ne pas le laisser seul lors de sa période de jeûne alors qu’il rêve de grignoter un morceau en cachette, c’est assez jouissif. Et puis, cette satire finalement moderne avec cet homme devenu gourou en deux temps trois mouvements et ces villageois perclus de naïveté bienheureuse, on peut faire des liens avec des histoires plus récentes. Une bien belle découverte en somme !
« Sa vie ne lui appartenait plus, les disciples étaient devenus si nombreux qu’ils débordaient dans les couloirs extérieurs et refluaient jusqu’au bord de la rivière. »
« Ce n’était pas dans sa nature de s’exprimer clairement et avec sincérité. »
« Il mesura à ce moment l’énormité de sa propre création. De sa pauvre petite personne il avait fait un géant, et de cette dalle de pierre un trône. »
Citation sur la prison qui s’oppose tellement parfaitement à ce que j’ai pu lire dans Surtensions ! « Aucun endroit n’est plus agréable : à condition d’observer le règlement, vous vous y attirez lus de considération que de l’autre côté du mur. J’étais nourri, j’avais la compagnie des autres prisonniers et des gardiens, je me déplaçais en toute liberté à l’intérieur d’un vaste périmètre. Eh bien ! c’est un avantage non négligeable quand on y réfléchit, beaucoup de gens n’ont ont pas autant. »