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13 janvier 2015 2 13 /01 /janvier /2015 21:04

 

 

           Ecrite en 1933, cette pièce ne vaut pas La Guerre de Troie n’aura pas lieu écrite deux ans plus tard, disons-le clairement.

            En rase campagne, les rumeurs vont bon train : le maire, le droguiste, l’inspecteur, le contrôleur sont en pleine discussion pour savoir si la remplaçante de l’institutrice, Isabelle, fait correctement son travail. En effet, elle ose emmener les fillettes dans la nature pour leur apprendre le nom des plantes ! Mais les hommes soupçonneux ont d’autres griefs contre la jeune femme : c’est le monde à l’envers dans le village, les enfants battus quittent leur foyer, les épouses quittent leur mari ivrogne, ce n’est plus le plus riche qui gagne à la loterie mensuelle, bref, rien ne va plus et Isabelle est sans doute responsable. Responsable aussi de l’arrivée fréquente et nocturne d’un spectre. En effet, un beau jeune homme vient s’entretenir avec la jeune femme tous les soirs, il semblerait même qu’Isabelle soit tombée amoureuse de lui.

          De prime abord fort surprenante par sa dimension absurde, cette pièce en trois actes se laisse cependant doucettement apprivoiser. Certains passages sont délicieusement lyriques (cette vision de la mort complètement onirique ferait presque envie !), d’autres très drôles, d’une subtilité et d’une dérision rares de nos jours. Les thèmes de l'amour, de la mort mais aussi du conformisme sont traités avec originalité. Première lecture théâtrale de 2015 : réussie !

 

ISABELLE. Cher monsieur le Contrôleur, je me suis  obstinée toute ma jeunesse, pour obéir à mes maîtres, à  refuser toutes autres invites que celles de ce monde. Tout  ce qu'on nous a appris, à mes camarades et à moi, c'est  une civilisation d'égoïstes, une politesse de termites. Petites  filles, jeunes filles, nous devions baisser les yeux devant les oiseaux trop colorés, les nuages trop modelés, les hommes  trop hommes, et devant tout ce qui est dans la nature  un appel ou un signe. Nous sommes sorties du couvent  en ne connaissant à fond qu'une part bien étroite de l'univers,  la doublure intérieure de nos paupières. C'est très beau,  évidemment, avec les cercles d'or, les étoiles, les losanges  pourpres ou bleus, mais c'est restreint, même en forçant sa  meilleure amie à appuyer de son doigt sur vos yeux.

LE CONTRÔLEUR. Mais vous avez été reçue la première  au brevet, mademoiselle Isabelle. On vous a appris le  savoir humain?

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 LE SPECTRE. – Vous m'attendiez?

ISABELLE. Ne vous excusez pas. Moi aussi, si j'étais  spectre, je m'attarderais dans ce crépuscule et ces vallons  où je n'ai pu jusqu'ici mener qu'un corps opaque. Buissons,  ruisseaux, tout me retiendrait de ce qui ne m'arrêterait plus.  Je ne serais pas encore là si je pouvais, comme vous, envelopper  de mon ombre tout ce que je ne peux que toucher ou que  voir, et me donner pour squelette, selon mon humeur, à travers  moi, un oiseau immobile sur sa branche, ou un enfant, ou de  biais un églantier avec ses fleurs. Contenir, c'est la seule façon  au monde d'approcher. Mais ce que je vous reproche, c'est de  revenir ce soir encore seul, toujours seul. Aucun des vôtres n'a  pu encore être atteint par vous, se joindre à vous?

 

 

Et je participe au challenge d’Eimelle !

 

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commentaires

E
je ne connais pas cette pièce, merci pour le challenge!
Répondre
E
J'aime beaucoup cet auteur! Et j'aime cette pièce!
Répondre
V
je vais essayer de lire ou relire Giraudoux !
H
Je l'ai joué au collège, j'en garde un très bon souvenir, tu me donnes envie de la relire !
Répondre
V
oh ça a dû être chouette ! c'est vrai que les décors ne doivent pas poser trop de complication.

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