Ça fait quelques années que je me fais la promesse de revenir vers Bobin. Pour la tenir, il me suffisait de chaparder le livre de mon père…
A travers des lettres adressées à des proches, à des inconnus, à des animaux ou à des objets, Christian Bobin propose, avec des mots simples, de nouvelles définitions de la vie. Il rend hommage au poète et moine Ryokan, il célèbre régulièrement la musique de Bach, il parle aux êtres inanimés et, à la manière de Francis Ponge, redonne de la valeur aux choses. Amitié, amour, lecture, écriture, enfance, vie et mort sont autant de thème effleurés, caressés et revisités par le poète.
A la fois recueil épistolaire, poésie et récit, cet ouvrage étonne et détone aussi bien par sa forme que par son fond. Impossible à résumer, il offre une nouvelle perspective du monde, s’ouvre vers une possibilité qui ne semble n’avoir été jamais explorée, fouille un univers à part. Certaines phrases - de très nombreuses phrases - sont des pépites qu’il faut se hâter de recopier. Je ne suis pas certaine d’avoir tout compris, je suis certaine qu’il me serait impossible de lire un Christian Bobin toutes les semaines mais je suis ressortie de cette lecture un peu autre, j’ai eu l’impression d’avoir été touchée par l’aile d’un ange, d’avoir pu entrer dans une pièce interdite, d’avoir pu frôler du doigt quelque chose qui s’appelle Vérité… A lire
« je n’ai rien fait de ma vie, rien, juste bâti un nid d’hirondelle sous la poutre du langage. »
« les cailloux rissolaient. »
« je ne crois pas à ce qu’on me dit. Je crois à la façon dont on me le dit. »
" Le grincement d'une balançoire vide résonne jusqu'à la fin du monde."
« La vie écrit au crayon. La mort passe la gomme. »
Celle-là, je l’offre à ma fille : « Lire quand on est enfant, c’est quitter sa famille et devenir jeune mendiant, tendre la main aux princes de passage. C’est aller en Sibérie, avec loups et cris de neige, si loin que votre mère ne vous retrouvera plus, criant « à table » dans le désert, loin, très loin du petit contemplatif aux yeux brun-vert gelés comme un lac. La lecture est un billet d’absence, une sortie du monde. »
« aucune lumière donnée ne se perd. Nous sommes des paillettes d’or détachées d’une statue vivante. Nous sommes des instants de son souffle, des pollens de sa voix, des petites gouttes de pluie qui prennent le train sans billet jusqu’à l’éternel qui est ceci, ici, maintenant. »