J’ai L’Insouciance dans ma PAL depuis sa sortie, je ne l’en ai jamais extrait, j’ai eu bien tort car cette lecture des Choses humaines m’a prouvé que Karine Tuil est vraiment une autrice à suivre…
Jean Farel a 70 ans mais il reste un journaliste très couru, apprécié, dynamique et jeune dans sa tête. Son épouse Claire, de 27 ans sa cadette, suit le modèle de son mari : toujours en première ligne, elle est une essayiste renommée, jadis assistante de Bill Clinton. Leur fils Alexandre, un jeune adulte, brillant étudiant, a tout pour lui également. Mais ce portrait de famille idéal se désagrège quand Claire prend un amant juif en même temps que Jean se fait lyncher dans un article de journal. Simultanément, sa maîtresse, Françoise, tente de se suicider et Alexandre est accusé de viol sur Mila, la fille de l’amant de sa mère… Tout bascule.
Deuxième partie – autre ambiance. Le procès et les préliminaires du procès sont décrits avec précision, on suit les personnages pendant deux ans, on assite au procès d’Alexandre, on écoute les deux parties. Plaidoirie et réquisitoire sont tellement bien exposés qu’on a tendance à changer d’opinion (ce qui est horrible dans ce cas d’abus sexuel).
Ce qui surprend d’emblée dans ce roman, c’est le rythme alerte, vif et efficace. Il y a une énergie indéniable qui rend le contenu tout à fait passionnant. J’avais l’impression que ça causait de politique et de journalisme. Certes. Mais ce sont les dessous de la politique, les masques qui craquellent, les apparences de perfection qui s’effritent, les clichés qui s’effondrent. Et c’est complètement jouissif ! Je ne suis pas une adepte des romans qui parlent de l’actualité mais c’est fait ici avec un tel brio qu’on dévore les pages en s’instruisant tout en s’amusant. Allez : COUP DE CŒUR !!! Ça fait un peu série télé en ôtant tout le péjoratif que cette comparaison peut supposer. Karine Tuil s’est largement inspirée de l’affaire de Stanford où un étudiant a été accusé d’avoir violé une fille mais n’a été condamné qu’à 6 mois de prison parce qu’il était un étudiant brillant, parce qu’il était un sportif de haut niveau, il ne fallait donc pas trop gâcher sa vie… L’autrice a repris les mots du père : « C'est un prix lourd à payer, 20 ans de sa vie pour 20 minutes d’action ». Quelle situation douloureuse et complexe ! Alexandre « s’est raconté une autre histoire », persuadé qu’il n’avait pas violé Mila, et c’est le plus effrayant : cette société où coucher dix minutes après la rencontre est devenu anodin, banal, où insulter sa partenaire et la traiter de « salope » est devenu monnaie courante.
Prix Goncourt des Lycéens amplement mérité !
Parole de l’avocat des Farel : « très peu de viols finissent aux assises. Je ne veux pas être optimiste mais le risque est minime ; au pire, cela serait requalifié en agression sexuelle en correctionnelle. »