Mon regard a souvent croisé celui de cette fillette et la dimension nippone dont je ne suis pas vraiment fan (sans tellement la connaître, il faut bien l’avouer…) me rebutait jusqu’alors. J’ai tenté le coup et finalement ce fut une très belle surprise.
L’intérêt se porte immédiatement sur une fille de huit, celle qui fait la couverture, prénommée Capucine. On comprend assez rapidement qu’elle n’est pas tout à fait « normale », qu’elle est très sensible, maladroite, toujours souriante mais pas très futée. Les parents se disputent à son sujet et c’est ainsi qu’on apprend que la petite est trisomique. Le père fondait de grands espoirs en cette « puce », souhaitait qu’on la pousse toujours plus, qu’on la reprenne sans cesse, qu’on ne laisse rien passer. Pourtant le verdict tombe comme un couperet : alors qu’elle a déjà deux ans de retard, Capucine, alors au CP, ne pourra plus continuer à étudier dans une école classique et devra aller dans une institution spécialisée. Les problèmes maigrichons et ordinaires qui opposaient les parents, deviennent à ce moment-là plus intenses. Le père semble attiré par la kiné de Capucine, Mélanie.
J’ai beaucoup aimé la façon dont la maladie, non « l’état », de cette adorable demoiselle était traité. Ce sont ses pensées qui nous sont données à lire, elle s’interroge, ne comprend pas tout mais saisit tout de même le fait que ses parents ne sont pas toujours satisfaits d’elle. Elle s’est inventé un ami imaginaire, Douroudoudou, qu’elle dessine à longueur de journée et qui cèdera sa place à Garçon, le chien qu’elle a reçu pour son anniversaire.
Cet album plein de douceur et de délicatesse renvoie au thème plus général de la différence. Pourquoi faut-il absolument rendre cette enfant moins différente ? Pourquoi faut-il à tous prix la rapprocher d’une norme ? Capucine en souffre, même si elle a du mal à mettre les mots sur ses questionnements et cette douleur qui l’enveloppe au quotidien.
Si j’ai apprécié cet opus qui devrait être suivi de trois autres pour clore cette « année ». (pourquoi huit ans d’ailleurs, … l’âge de raison ?), je me dis que le tome 2 devrait contenir des éléments d’intrigue un peu trop prévisibles : le papa se rapprocherait de la kiné, le couple exploserait, Capucine culpabiliserait, les parents culpabiliseraient et, pourquoi pas, se rabibocheraient à nouveau… J’ai tout de même hâte de la lire, la suite !
Encore un mot au sujet du graphisme qui ne me plaisait pas d’emblée : je m’y suis vite habituée, et ce sont finalement les couleurs, trop artificielles à mon goût, qui m’ont un peu gênée.
N.B. : J’avais déjà découvert Morvan par le biais de Je suis morte. Pas mauvais ce type !... qui a une bibliographie longue comme le bras, et qui est aussi le directeur d’Ex-Libris qui adapte quelques grands classiques de la littérature en BD. A découvrir.
