Pour honorer la prêtresse Za et son za’ffreux challenge, j’ai déniché ce livre absolument délicieux. Il faut savoir, au préalable, une chose importante. Mon Grand de 6 ans a peur des monstres depuis quelque temps et ça lui file des cauchemars. Ma Petite de presque 3 ans, que nenni, c’est de la franche rigolade les horribles bêbêtes…
C’est donc avec une légère crainte que j’abordai cet album avec eux. Au début, la description du monstre poilu est complètement dégoûtante et répugnante et je sentais bien, chez mon Grand, monter le malaise. Un silence brisait les habituelles questions, une certaine rigidité corporelle m’indiqua qu’il souhaiterait bien laisser tomber ce bouquin au profit de Tintin ou de Louis à la plage qu’il sait maintenant raconter seul… Mais je faisais confiance aux auteurs et à la suite de l’histoire pour dérider mon phobique-des-monstres.
Mais racontons-la donc, cette histoire : Un monstre poilu à tête énorme, « grande bouche, deux petits yeux glauques et deux longs bras minces qui partaient de ses oreilles » vit dans une caverne sombre au fond d’une forêt. Il rêve de manger un homme. Mais il n’y pas d’être humain qui passe dans les parages... jusqu’au jour où un roi, sans doute un peu étourdi, vient se perdre près de l’antre du monstre poilu. Le monstre lui signale qu’il va se faire bouffer, et le roi, ce lâche, lui dit qu’il est bon, mais que non loin de là, de petits enfants se démarquent par leur chair encore bien plus fraîche et plus tendre. OK, dit le monstre, tu m’apportes un enfant et je le mangerai à ta place. Il prend soin, avant que le roi s’en aille, de lui attacher une grande ficelle à la jambe. Bien évidemment, cette ficelle est impossible à couper. Le roi part donc à la recherche d’un enfant qu’il donnera en pâture à son bourreau. Et sur qui ne tombe-t-il pas ? (qu’il a d’ailleurs du mal à reconnaître, le bougre de père indigne !), il tombe sur sa fille Lucile. Celle-ci, bien moins couarde que son paternel, le console et honore la promesse faite au monstre.
Lucile brille par son audace, ses répliques provocantes et son toupet. Le comique de répétition fonctionne à plein pot car elle répond invariablement au monstre poilu « Poil au… » (voir citation ci-dessous). L’horrible créature s’énerve et « la fureur le faisait gonfler, gonfler, gonfler. Il enfla tant et tant qu’à la fin il éclata de colère, explosant en petits morceaux qui s’envolèrent dans tous les sens et devinrent des papillons multicolores et des fleurs parfumées. » Et qui fit son apparition entouré des petits papillons ? Un mignon petit garçon qui répondait au doux nom de « prince charmant ». Bien sûr, histoire de ne pas oublier qu’on est dans un conte, Lucile et son prince charmant se marient et s’envolent sur le dos d’un papillon géant.
Je ne vous dis pas la tranche de rigolade que se sont enfilée mes enfants au mot de « kiki ». L’illustration où Lucile montre ses fesses ne les a pas laissés de marbre non plus. Partir d’un monstre terriblement monstrueux et arriver à une farce des plus rigolotes, voici le pari réussi de Pef et Bichonnier. … et pas de cauchemar pour le Grand !
« - Haha ! s'écria le monstre, je vais te manger, mon petit lapin.
- Poils aux mains, dit Lucile.
- Quoi ? dit le monstre.
- Je dis : «Poils aux mains», parce que vous avez des poils aux mains, dit Lucile.
(Et c'était tout à fait exact. Le monstre avait bien des poils aux mains, vu qu'il avait des poils partout.)
- Ça, par exemple! dit le monstre. Petite effrontée !
- Poils au nez ! dit Lucile.
Surpris, le monstre dut reconnaître qu'il avait aussi des poils au nez, puisqu'il était poilu partout. Mais comme il était en colère, il menaça la fillette.
- Je vais t'apprendre, moi ! - Poils aux doigts, dit Lucile.
- Tu vas le regretter !
- Poils aux pieds !
- C'est tout de même malheureux...
- Poils aux yeux!
- Attention, je compte un...
- Poils aux mains !
- Deux...
- Poils aux yeux !
- Trois...
- Poils aux bras !
- Quatre !
- Poils aux pattes !
Le monstre, hors de lui, se roulait par terre de colère. C'était d'ailleurs très drôle à voir. Maintenant, il hurlait :
- Ce ne sont pas des manières de princesse !
- Poils aux fesses !
- Maintenant, c'est fini !
- Poils au kiki ! »
