Le Père Noël a été assassiné ! Vous pouvez d’ores et déjà éloigner les enfants. Point de cadeaux, de gentillesses, de joyeusetés pour ces fêtes-là. Un homme, qui tenait le rôle du Père Noël dans un hôtel de luxe suédois a été retrouvé poignardé avec un préservatif pendouillant à son sexe. Personne visiblement n’éprouve ni peine ni chagrin en apprenant le décès de Gulli.
Troisième opus de cette série policière islandaise menée par le commissaire Erlendur. C’est un polar de facture plus classique que les deux précédents. Comme d’habitude, la vie privée d’Erlendur, si maigre soit-elle, vient faire digression dans l’enquête. C’est ce qui plaît dans ces romans, me semble-t-il : ce flic n’est pas dénué de sentiments, il a une vie plutôt pourrie, un passé difficile, une fille toxico qu’il a du mal à comprendre et une vie assez vide. On en apprend un peu plus sur son enfance : dans une tempête de neige, alors qu’il se promenait avec son père et son jeune frère, le cadet disparaît… et n’a jamais été retrouvé depuis. Erlendur l’avoue à sa fille : il est un peu mort aussi depuis cette tragédie et cela pourrait expliquer le fait qu’il a délaissé ses propres enfants, Eva Lind et Sindri, sans chercher à les éduquer en parallèle à leur mère qui avait obtenu leur garde après leur séparation.
Ce qui m’a plu aussi dans ce huis clos (on se sort pas vraiment de cet hôtel puant de fric, Erlendur ne rejoint même pas son appart), c’est le nombre de fausses pistes qui ne sont pas si fausses que ça avant de parvenir à la vérité. Personne n’est totalement innocent dans cet hôtel où le luxe côtoie la prostitution et l’enquête se résout grâce à un savant démêlage d’imbroglios.
Encore une fois, les noms et prénoms m’ont fait sourire, tous plus surprenants les uns que les autres ; on se demande s’il s’agit d’un homme ou d’une femme : Gudlaugur (surnommé Gulli), Ösp, Valgerdur, Reynir.
Ce qui m’a peut-être le plus dérangée, plus encore que dans les précédents, c’est la couleur résolument sombre. Je ne dirais même pas que c’est noir, car lorsque tout est noir, on ne peut qu’avancer vers la lumière, mais c’est gris, un gris sale, terne, tenace et souvent écœurant. Peu de belles personnes, peu de joie, peu d’optimisme. Indridason excelle dans l’art de croquer des portraits d’êtres à la dérive. Un exemple avec l’ex-chef d’Erlendur, Marion Briem, flic à la retraite et qui s’ennuie indéfiniment : « Il y avait une expression douloureuse sur son visage. Sa peau était grise, distendue et ridée. Ses lèvres pâles se pressaient sur le bout du cigarillo. Ses ongles étaient exsangues et ses doigts décharnés se tendaient vers le cigarillo quand les poumons avaient eu leur dose. »
Terminons par cette petite lueur de bout de tunnel : Erlendur raconte son enfance douloureuse à une biologiste, Valgerdur, il éprouve même quelque chose d’étrange en la voyant, son cœur, bizarrement bat plus vite. Ils ne font que boire deux, trois cafés ensemble, mais qui sait si par la suite… hein… hum…
