Ma première rencontre avec Mankell fut une distraction pour mes oreilles puisque j’ai écouté Les Chiens de Riga en livre audio. Une belle découverte à tous points de vue : style, intrigue policière, personnage de Wallander, dépaysement, j’avais tout aimé. Je ne fus pas déçue non plus avec ce gros roman.
Deux histoires font leur petit bout de chemin parallèlement pour finalement se rejoindre. D’une part, en Scanie (j’ai l’impression de connaître la Suède mieux qu’un pays où j’ai déjà mis les pieds, ces noms propres me sont de plus en plus familiers… vive la littérature !), en Scanie donc, une femme, agente immobilière, disparaît. Wallander enquête et se rend vite compte qu’il ne peut s’agir que d’un meurtre. Le corps de la femme est effectivement retrouvé au fond d’un puits, le front percé d’une balle. D’autre part, le lecteur est emmené en Afrique du Sud. Choc culturel. Des nationalistes blancs veulent éliminer Nelson Mandela. Pour cela, ils embauchent un tueur noir, Victor Mabasha, à qui un ex-KGB enseigne la manière de faire et les conditions dans lesquelles se déroulera l’assassinat. Victor et son « professeur », Konovalenko, s’entraînent dans une maison isolée… en Scanie. C’est ici que les deux histoires se rejoignent. Konovalenko tue la jeune agente immobilière parce qu’elle s’est approchée de trop près de la maison, mais pour Victor, ce meurtre gratuit est inadmissible ; il frappe Konovalenko et s’enfuit. Il croisera Wallander qui le cachera quelque temps, à l’insu du service de police pour lequel il travaille.
S’ensuit une course-poursuite. Konovalenko veut tuer Victor mais il lui faut également trouver un autre élève qui réalisera le meurtre de Mandela. Wallander fait des erreurs et met en danger sa propre famille avant de comprendre qu’il ne s’agit pas d’une simple histoire crapuleuse mais que l’histoire d’un peuple, d’un pays, l’Afrique du Sud, est en jeu.
Mankell est vraiment un auteur à part. Il mêle psychologie et polar, nous propose un inspecteur las de découvrir des cadavres et d’annoncer de mauvaises nouvelles. Et puis, il y a ces voyages au lointain. La Lettonie, l’Afrique du Sud. Les va-et-vient entre Suède et ces pays rendent le roman original, un peu éloigné de la simple étiquette de « thriller ».
Wallander… hum. Ce type qui, comme tout le monde, peut se faire cambrioler, celui qui est toujours amoureux de la même femme qu’il n’a pas revue depuis un an, celui qui voudrait trouver un autre boulot mais ne fait rien dans ce sens, celui qui écrit des lettres enflammées à son amoureuse sans les envoyer, celui qui cache un tueur chez lui de manière complètement illégale mais se fiant à son simple instinct… il m’a complètement bluffée dans ce roman. Il est à la fois un anti-héros parce qu’il commet des erreurs, fait des trucs insensés, n’a pas de bol et meurt de trouille, et un héros à part entière puisqu’il résout une enquête à l’échelle internationale à lui tout seul.
Cette plongée dans l’univers sud-africain m’a fascinée, de bout en bout, et constitue le point fort de ce roman. C’est un pays que je rêve de découvrir, qui m’enchante et me terrifie tout à la fois, un pays complexe et inouï dont les problèmes dépassent bien la dichotomie Noirs/Blancs. Mankell nous dévoile un petit morceau de ce monde.
Wallander, tel qu’il est : « Wallander était un flic qui ne prenait pas de risques inconsidérés. Il était à la fois lâche et prudent. Les réactions primitives qu’il pouvait avoir étaient toujours le fait de situations désespérées, dans l’urgence. »
L’Afrique du Sud … : « Pour Van Heerden, l’expérience fut un choc. Il comprit dans quelles conditions misérables et humiliantes vivaient les Noirs. Le contraste ente la township et les quartiers résidentiels des Blancs le bouleversa. Pourtant, le bidonville ne se trouvait qu’à quelques dizaines de kilomètres de chez lui. Il ne pouvait pas comprendre qu’il puisse d’agir d’un seule et même pays. Sur le moment, il s’était écarté de ses camarades, pour réfléchir. Longtemps après, il avait pensé que cela avait été comme de découvrir une falsification adroite. Mais là, il ne s’agissait pas d’un tableau orné d’une signature d’emprunt : toute la vie qu’il avait menée jusque-là était un mensonge. Même ses souvenirs lui parurent soudain faux, tordus. Il avait eu une nanny noire. C’était l’un de ses souvenirs d’enfance les plus précoces et les plus rassurants : la sensation d’être soulevé par les bras puissants et serré contre la poitrine de sa nounou. Il pensait maintenant qu’elle avait dû le haïr. Cela signifiait que les Blancs n’étaient pas les seuls à vivre dans un monde factice. »
