
C’est le grand retour des livres audio ! Après une abstinence trop longue, j’ai décidé de m’y remettre. Et je démarre avec celui qui a été un de mes auteurs préférés, celui qui m’a ensuite déçue, celui que j’ai retrouvé avec plaisir, celui dont j’ai tout lu ou presque. 9h52 de retrouvailles.
Sur le quai d’une gare à Lyon, le narrateur s’apprête à quitter sa ville, ses habitudes, sa mère et surtout « l’Autre » (son père). Avec un peu d’argent en poche et l’émancipation enfin accordée par son père, il décampe en Camargue goûtant à la liberté et rêvant d’Ibiza et de Katmandou. Mais les gendarmes et le manque d’argent le contraignent à revenir à Lyon. Peu de temps. Il s’enfuit à Paris où il se retrouve à la rue, contraint de mendier, de faire de l’auto-stop, de voler un peu. Il évite les drogués, il contourne les fachos qui lui font penser à l’Autre et malgré une certaine naïveté, il sait distinguer les bonnes des mauvaises fréquentations. Avec certains marginaux, il entrevoit une lueur d’espoir mais ce sont les « Maos », des militants de gauche, qui lui permettent de quitter la rue et de lui trouver enfin une chambre. Suivent un boulot et une découverte illimitée de la culture : le cinéma, le théâtre et surtout les livres. Quitter la rue équivaut pour le personnage à s’engager dans un mouvement de lutte contre les riches, les nantis et de défense des opprimés, des pauvres et des femmes agressées. La violence des Maos est remise en question à l’intérieur même du groupe des militants jusqu’à ce que ce groupe se dissolve. Certains se sentent trahis, d’autres fuient, d’autres encore s’associent pour fonder un journal qui a pour vocation de soutenir la lutte ouvrière et de parler des répressions policières, entre autres. C’est le journal Libération qui a pour mot d’ordre « Peuple, prends la parole et garde-la ».
J’ai retrouvé avec grand plaisir les qualités d’un grand écrivain, sa force et sa douceur. L’histoire narrée, ouvertement autobiographique, nous est livrée sans fard ni artifice, elle bouleverse du début à la fin. Cette vie dans la rue qu’on se contraint à ne pas voir dans les grandes villes, force l’admiration et le respect. Et même si elle est si peu exprimée, la dénonciation de parents démissionnaires résonne à chaque pas hésitant fait dans ces rues, seul. Le père est un salaud mais la mère est également complice, incapable d’amour, de tendresse et de compassion envers son fils unique. J’ai été extrêmement touchée par ce morceau de parcours menant jusqu’à l’homme qu’on connaît aujourd’hui, un journaliste et un écrivain de renom, surtout un homme empli d’humanité qui a su se servir d’une expérience désastreuse pour rebondir sur des bases plus saines. On ne peut qu’être admiratif de ce chemin parcouru et son histoire est réellement passionnante. La lecture du roman par Féodor Atkine m’a rapidement convaincue (sa voix me faisait penser à celle de Chalandon !) et il a parfaitement rempli sa mission. J’estampille cette lecture « coup de cœur » !
Les premiers jours loin des parents : « J’ai dormi sur le sable, des étoiles pour ciel de lit, et je me suis senti heureusement orphelin. Plus jamais les pas de l’Autre, le bruit de sa clé dans la serrure, son raclement de gorge, jamais non plus ton regard de mère inquiète, ta démarche de souris pressée de regagner son trou. Autour de moi cette nuit là seule l’obstination de la mer et les murmures du vent. »
« Je n'ai pas connu l'odeur de ma mère. Jamais senti la tiédeur de son cou. Je ne me suis jamais non plus réfugié dans ses bras. Je n'ai pas souvenir d’un parfum ou d'une eau de toilette, pas même de sa moiteur un soir d'été. Rien. Une peau de travail, une peau inquiète, simplement faite pour recouvrir les os. Une seule fois j’ai vu une goutte de sueur couler sur sa tempe qu’elle avait écrasé comme on cache une émotion. »
« Et si on s'était trompé ? Daniel avait bu, il était passé à ma chambre pour récupérer un carton de tracts et nous terminions une bouteille de rhum. Trompé sur quoi ? Il a eu un geste las. Mais trompé, Kells. Je lui ai servi un verre. Tromper surtout, tu comprends ? Je ne comprenez pas, non. Daniel buvait peu. Lorsqu'il trempait ses lèvres dans un verre d'alcool, il perd des pieds. Sa voix mâchonnait. Son regard avait du mal à ne pas fuir. Il avait trinqué avec Yann dans un pub irlandais. Il m'a dit qu'il avait encore soif. C'était mauvais signe et s'est penché en avant. Et si on avait tort surtout ? Il me regardait, il attendait mal. »
Le Petit Bonzi, trop méconnu. Profession du père. Le Jour d'avant. Le quatrième mur. Entre autres...
(suis-je la seule à ne pas apprécier les nouvelles couvertures de Grasset parce qu'elles se ressemblent toutes?)
