
Dorante, un jeune homme accompagné de son valet Cliton, arrive tout juste de Poitiers à Paris. Désirant se faire bien voir, il se vante d’avoir participé à la guerre en Allemagne. C'est faux. S’ensuit un quiproquo qui va constituer le cœur de la pièce : deux jeunes femmes se présentent à lui et lorsqu’un cocher dit que la plus belle des deux se nomme Lucrèce, pour Dorante, ça ne fait pas de doute mais il y a confusion et il va appeler Lucrèce Clarice et inversement tout le long de la pièce. Il va aussi imaginer une collation somptueuse sur "cinq bateaux" qui rendit jaloux le Soleil lui-même. Il cumule les mensonges, les récits fictifs et les vantardises, provoquant ainsi des jalousies et des imbroglios dont il a dû mal à se dépêtrer. Son père, Géronte, veut notamment lui donner pour femme Clarice mais comme Dorante est amoureux (de la fausse) Lucrèce, il va s’inventer un mariage déjà conclu à Poitiers. Tout va se compliquer quand Géronte voudra écrire au père de sa nouvelle femme... (qui n’existe pas).
Si cette pièce en alexandrins n’est pas aussi drôle qu’une pièce de Molière, elle prête à sourire dès les premières scènes. Dorante atteint des sommets quand il commence à mentir à son fidèle valet plus ou moins complice de ses « menteries » jusqu’alors, souvent agacé, parfois effrayé de tant d’audace. Il lui raconte qu’il a tué en duel Alcippe mais cet adversaire entre en scène quelques secondes plus tard, tout à fait bien portant. Dorante, ce « menteur par coutume » s’englue dans ses mensonges qui finissent évidemment par lui retomber dessus. S’il se trouve parfois dans de mauvaises passes, il s’en sort tout de même et la fin est heureuse pour tout le monde (c’est une comédie, ne l’oublions pas). Les genres se mêlent : l’épique quand Dorante se la raconte, le parodique quand Corneille pastiche Le Cid ou encore le précieux lors des scènes de séduction. Le public du XVIIè siècle a adoré, notamment certaines références de l’époque (les travaux à Paris, le nom d’un journal, ...). Le dénouement m’a paru bien vite expédié pour un auteur peut-être un peu trop bienveillant avec son personnage principal. Vous l’aurez compris, je préfère nettement Molière qui se serait inspiré de cette pièce pour écrire ses chefs d’œuvre.
Avec ce titre, je participe au challenge de Moka, Les classiques, c’est fantastique qui met à l’honneur, en ce mois de rentrée, les œuvres au programme des étudiants et des lycéens. Ici, ce sont les bacheliers qui pourront plancher sur cette pièce, je leur souhaite bien du courage.
Dorante : « J'aime à braver ainsi les conteurs de nouvelles ;
Et sitôt que j'en vois quelqu'un s'imaginer
Que ce qu'il veut m'apprendre a de quoi m'étonner,
Je le sers aussitôt d'un conte imaginaire,
Qui l'étonne lui-même, et le force à se taire.
Si tu pouvais savoir quel plaisir on a lors
De leur faire rentrer leurs nouvelles au corps... »
Dorante : « Oh ! L'utile secret que mentir à propos ! »
Cliton : « Vous avez tout le corps bien plein de vérités,
Il n'en sort jamais une. »

