
Dans une petite BD colorée et autobiographique, l’autrice espagnole nous raconte son parcours. Petite, elle a toujours joué « à la maman » avec ses sœurs et ses copines, câlinant une poupée, enfilant des coussins sous sa robe pour paraître enceinte, tentant de deviner combien d’enfants elle aura. Adolescente et confrontée à la grossesse d’une amie, elle s’est mise à réfléchir au droit à l’avortement et s’est retrouvée à le défendre devant sa classe. Jeune adulte, passionnée par ses études aux Beaux-Arts, il était hors de question qu’elle devienne mère. Et à l’âge de trente ans, lorsque tout son entourage multipliait les remarques et les questions intrusives : « c’est pour quand ? (...) le compte à rebours commence (...)je ne sais pas ce que tu attends », Irène décide une fois pour toutes qu’elle ne veut pas d’enfants. Elle l’exprime haut et fort, le revendique envers et contre tous... et surtout envers et contre toutes.
Si les choses évoluent doucement dans le bon sens, il est vrai qu’affirmer ne pas vouloir d’enfants fait encore partie de ces tabous qui provoquent des jugements assassins du type « c’est égoïste ». Merci la pression sociale. Au-delà du fait que chacun peut faire ce qu’il veut et que ne pas vouloir d’enfant est un choix tout aussi respectable que désirer en avoir, l’autrice relève bien le problème propre aux femmes : quoi qu’elles fassent, elles sont punies. « Professionnellement si nous décidions d’avoir des enfants. Ou socialement, si nous décidions de ne pas en avoir. » Et pourtant ce sont bien les femmes dans la BD (et dans la vraie vie) qui ne cessent de parler de leurs enfants : allaiter ou pas, que leur donner à manger, quelle école choisir, ... J’ai aussi ce souvenir oppressant d’être entourée de mamans omnipotentes, dotées de la science infuse, qui détenaient toujours la solution au moindre problème. Je pense aussi depuis bien longtemps (je suis prof et vois de tout...) que la décision de faire un enfant devrait être accompagnée d’une réflexion bien plus nourrie qu’un simple coup de tête ou une envie passagère. Et les parents devraient être davantage accompagnés à tous les moments de la vie pour affronter les problèmes du quotidien. Bref, cette petite BD très rafraîchissante m’a beaucoup plu, elle est simple et va droit au but. Aux couleurs acidulées, elle est à la fois moderne et universelle, décrivant un joli parcours de vie d’une autrice attachante. Je recommande cette lecture.
« Donner pour acquis que tout le monde aura des enfants, sans se demander si les gens veulent, ou non, et même s’ils peuvent, ou non... c’est trop supposer. »
« Ma décision n’appelle aucune explication ! Dire non devrait être une réponse suffisante sans nécessité de justification. Moi aussi je pourrais opiner sur et juger votre décision d’être parents et je ne le fais pas. Je respecte votre choix. »
« En Europe, les enfants sont notre dernière religion. Nous avons perdu la foi en Dieu, dans le progrès, et nous avons peur du futur ; les enfants sont notre seul espoir. Et nous devrions les aimer et les désirer. »

