
Franny Stone est une jeune femme d’origine irlandaise qui tente coûte que coûte d’être acceptée sur un bateau de pêche pour suivre la migration de trois sternes arctiques qu’elle a réussi à baguer. Ces oiseaux stupéfiants sont en effet capables de voler de l’Arctique à l’Antarctique et de revenir la même année. C’est Ennis Malone, capitaine du Saghani qu’elle a réussi à convaincre un peu malgré lui. Elle embarque donc dans cet univers hostile, principalement entourée d’hommes, et tente d’aider et de travailler comme les autres à la bonne avancée du bateau en échange de cette promesse de poissons : là où il y a des sternes, il y a des poissons. Mais cette odyssée ne se passera pas comme elle le souhaitait et la situation est telle qu’un arrêté finit par interdire la pêche professionnelle. Petit à petit, des pans du passé douloureux de Franny nous sont dévoilés mais aussi de cette rencontre extraordinaire avec Niall Lynch, un ornithologue qui deviendra son mari.
Qui dirait qu’un roman sur les sternes arctiques pourrait se révéler passionnant ? C’est le cas pour ce road-trip à travers les mers et les étendues glaciales du Canada, du Groenland puis de tout l’Atlantique. Il fait partie de ces livres qui bouleversent et stupéfient à la fois, nous sortent de cette zone rassurante de notre quotidien. Franny est une héroïne écolo qui, abîmée par la vie, avec sa personnalité franche et intrépide, brave les interdits, défie toutes les règles. On se retrouve avec elle, ballottés, malmenés, secoués par les tempêtes et les froids polaires. J’ai mis du temps à comprendre que j’avais à faire à une dystopie car l’autrice nous emmène dans un hypothétique avenir à pas de loup, sans dresser un tableau cataclysmique de la situation des océans ... dans la première partie du moins, pour le reste du livre, le constat est navrant et affligeant puisqu’il est question de la disparition de tous les animaux sauvages. Cette lecture a été une claque, à la fois d’une beauté inouïe et d’une violence à rude épreuve. Avec cette impression d’avoir le mal de mer tout le long, de lutter pendant des heures avec l’héroïne, le lecteur ne peut ressortir indemne de ces pages qui résonnent pourtant d’une triste justesse. A lire, sans aucun doute.
--- Coup de cœur ---
Je participe ainsi au challenge de Fanja Book Trip en mer, édition 2025.
« Ma sterne est la première à partir. J’ai fini par la voir comme mienne, car elle a réussi à se faufiler en moi pour s'enfermer dans ma cage thoracique. Dans les lueurs d'un soleil d'or, elle ouvre grandes ses ailes et commence à léviter. Elle sonde l'air, sonde aussi peut-être son appétit ou son désir. Quoi qu'elle ressente, elle s’en satisfait et en un battement d'ailes, elle s'élève, comme flottant vers le ciel, de plus en plus haut, sans effort et sans entrave. »
Franny a toujours fui, s’en est toujours allée : « Toute ma vie n'aura été qu'une longue migration sans destination, autant dire une migration qui n'avait aucun sens. Je pars toujours sans raison, juste pour être constamment en mouvement, et cela me brise le cœur en mille, dix mille morceaux. Quel soulagement d'avoir enfin un but. Je me demande comment je me sentirai quad le moment viendra. Je me demande où on va quand on part, et si quelque chose vient avec nous. Mon idée, c’est plutôt qu’on ne va nulle part et qu’on ne devient rien. »

