
Après la lecture de Et toujours les forêts qui m’avait un peu déprimée par sa noirceur, je pensais faire une pause avec l’autrice mais la tentation de son dernier roman a été la plus forte. J’ai bien fait !
Clémence a fui. Après trois ans de calvaire, elle a enfin réussi à quitter Thomas, cet homme qui l’humiliait. Elle n’est pas une femme battue, elle est une femme terrorisée et sa fuite s’est faite clandestine et sauvage. Elle a réussi à trouver une petite maison très laide avec un jardin agréable et une place de boulangère dans une autre boulangerie. Maigre à faire peur, constamment sur le qui-vive, elle espère que Thomas jamais ne la retrouvera. Avec le soutien discret de Flo, un collègue, et l’appui constant de son voisin, Gabriel, touché par le malheur lui aussi, Clémence parviendra à remonter la pente et à reprendre des forces. Mais deux menaces planent toujours, celle d’un Thomas qui retrouve Clémence mais aussi celle d’une jeune femme qui va rejoindre son ancien tyran.
Si le sujet a été maintes fois traité, il faut admettre que Sandrine Collette, par une écriture sublime et très juste, parvient à ajouter sa patte. Le récit est haletant, l’alternance des phrases courtes et longues lui donne un rythme effréné. L’autrice puise, creuse et fouille les tréfonds de l’âme blessée ; elle analyse sans juger ces relations toxiques dont personne n’est à l’abri. Je vais estampiller le roman « Coup de cœur » parce que j’ai adoré cette lecture, vraiment adoré. La fin est ce qu’elle est, je ne suis pas d’accord avec une petite remarque de Gabriel, ceux qui ont lu le livre voient sans doute de quoi je parle. J’aime quand Collette nous emmène sur la pente ascendante alors que Et toujours les forêts nous plongeait dans les ténèbres sans vraiment nous en sortir jamais. Ces Orages-là sera ma deuxième lecture préférée de Collette après Les larmes noires sur la terre.
Clémence renaît en s’occupant de son jardin : « Au début, son dos tirait et c’était tout ; à présent, son regard s’ajuste, mesure les changements, approuve, son corps se met peu à peu au rythme des plantes. Il y a quelque chose de végétal en elle, lent et souple, quelque chose de plus bas et plus ancien que l’humanité qu’elle représente, elle descend dans les racines des arbres, elle s’ancre, celui lui fait du bleu dans les veines, du bleu comme le ciel, muet, paisible. »
Gabriel et Clémence : « Ils se tiennent l’un l’autre, se dit-elle, tels des équilibristes au point de rupture. Si l’un tombe, il emporte avec lui – c’est comme le premier domino que l’on bascule au début de la file et qui entraîne les suivants, tous les suivants, sans exception. »
