Des romans de Colette, j’en ai pas mal lu adolescente (j’ai des souvenirs de lecture dans un bus scolaire). C’est le film éponyme de Wash Westmoreland dévoilant la vie très particulière de l’autrice qui m’a donné envie de me replonger dans un de ces romans. Ici, c’est un spécimen que j’ai reçu, destiné à une éventuelle étude avec des 3ème.
Claudine, la narratrice, a 15 ans et elle raconte ses journées d’école à Montigny, un village de province. Musicienne, amoureuse de la nature, grande lectrice, elle est plus mature et intelligente que ses camarades de classe. Elle vit avec son père qui lui laisse une grande liberté, bien plus occupé à étudier les limaces. Dévergondée et parfois insolente, Claudine séduit sans scrupules Aimée, la jeune assistante de l’austère institutrice, Mademoiselle Sergent. Alors qu’Aimée lui donne des cours particuliers d’anglais, propices aux rapprochements tactiles, Mlle Sergent, trop jalouse, lui ordonne d’arrêter et fera de la jolie Aimée sa maîtresse. Les deux femmes cachent de moins en moins leur amour devant les élèves. Mais l’examen du brevet élémentaire se profile à la fin de l’année et les jeunes filles doivent travailler entres autres composition française, géographie ou encore problèmes mathématiques. Les élèves se rendent dans le chef-lieu et vont passer l’écrit puis l’oral, Claudine continue à faire preuve d’une désinvolture extrême. La fête de fin d’année scolaire est couronnée cette année-là par la venue du ministre de l’Agriculture et l’école comme le village tout entier se doivent d’être présentables et festifs. Ça y est les dernières heures à l’école sont passées et Claudine craint déjà de s’ennuyer pendant les longues semaines de vacances avant de rejoindre Paris…
Quelle sensualité dans ce roman ! Je n’avais pas le souvenir que les sous-entendus ou même les allusions plus directes à l’homosexualité des jeunes filles étaient aussi présents. Ils donnent une espièglerie et un charme assez inédits à ces histoires qui semblent aujourd’hui désuètes. Colette prend une liberté de ton qui a fait scandale à l’époque - féministe avant l’heure elle s’insurge, par exemple, contre « ce pays primitif où la femme cesse de danser sitôt mariée. » Moi ça m’a parfois amusée, certains passages comme l’examen du brevet m’ont intéressée et d’autres plutôt ennuyée comme celui des préparatifs de la fête de fin d’année. Je lirai peut-être la suite, Claudine à Paris, que je suis certaine de ne jamais avoir lu.
« Ma maîtresse d’anglais me semble adorable ce soir-là, sous la lampe de la bibliothèque, ses yeux de chat brillent tout en or, malins, câlins, et je les admire, non sans me rendre compte qu’ils ne sont ni bons, ni francs, ni sûrs. Mais ils scintillent d’un tel éclat dans sa figure fraîche, et elle semble se trouver si bien dans cette chambre chaude et assourdie que je me sens déjà prête à l’aimer tant et tant, avec tout mon cœur déraisonnable. »
Le père de Claudine est un spécialiste en malacologie – l’étude des mollusques : « Comment voulez-vous que l’espoir naissant de pareilles constations laissent à un passionné malacologiste le sentiment de paternité, de sept heures du matin à neuf heures du soir ? C’est le meilleur homme et le plus tendre, entre deux repas de limaces. Il me regarde vivre, quand il a le temps, avec admiration, d’ailleurs, et s’étonne de me voir exister, « comme un personne naturelle ».

