Le Havre. Marie est une serveuse de vingt-trois ans qui, financièrement, a du mal à joindre les deux bouts entre son maigre salaire, son hypocondriaque de père qu’elle doit régulièrement « sauvé » et son statut de célibataire. Lorsqu’elle réussit à séduire Alexandre, un client féru de cinéma, elle pense que sa vie va changer. Alors que les deux sont physiquement compatibles, Alexandre est contrarié que sa maîtresse ne sache même pas qui est François Truffaut. Il la plaque brutalement, chose que Marie ne va pas accepter ; elle se vengera physiquement contre Alexandre ce qui lui vaudra une comparution devant le juge et une amende de quelques centaines d’euros. Oui mais pour elle, impossible de trouver cette somme. Elle a l’audace de solliciter la clémence du juge qui lui propose un étrange pacte : il la conduira où il voudra, quand il en aura besoin et il lui donnera la somme due. Entre les trois personnages, des liens inattendus vont se tisser.
J’ai beaucoup aimé cette histoire, ce gouffre qu’il peut y avoir entre deux êtres séparés par une éducation différente, une ignorance qui peut cependant être contrebalancée par une motivation et une combativité admirables. Comme souvent chez Magellan, c’est doux et optimiste. Sans être un feel good abêtissant, c’est un roman qui donne le sourire et l’envie d’espérer, qui nous amène à croire que des ponts peuvent être faits entre différentes classes sociales, qu’il n’y a ni fatalité ni pessimisme. Alors oui, c’est un peu facile et les personnages sont décidément bien versatiles mais c’est vraiment une belle histoire servie par une écriture séduisante et efficace. J’aime décidément beaucoup cette autrice dont j’avais déjà lu Un refrain sur les murs et les excellents Indociles.
« Truffaut et Verlaine se fendent la poire et lui rappellent la foule des géants dont elle ne fait pas partie. Elle ne sait rien des siècles ; Elle ne sait rien des poètes que son écran affiche en recherches associées, Hugo, Rimbaud, Baudelaire, aux noms de rues ou de médiathèques, si familiers pourtant, comme les paroles de ce tube mille fois chanté en phonétique mais toujours aussi incompréhensibles : Welcome to the Hotel California, seutche eu lôôve lypleice ! seutche eu lôôve lypleice… »
« Ce soir, les possibles sont comme les perles multicolores d’un collier pour enfant à fabriquer. Si l’un se perd, le sac est encore plein, et on ne se penche même pas pour la retrouver. »

