Je ne sais pas si vous saviez que Sandrine Collette a écrit autre chose que des polars, je l’ignorais. J’ai acheté ce livre à ma maman en pensant lui offrir un roman policier, genre qu’elle adore. Finalement, elle me l’a chaudement recommandé même si c’est d’un autre genre…
Moe est une jeune Tahitienne un peu naïve qui s’est laissé séduire par les beaux discours d’un Parisien de vingt ans son aîné. Rodolphe lui promet monts et merveilles dans la capitale et elle le suit avant de déchanter. Non seulement, elle est loin de Paris mais en plus elle doit jouer à la petite Cendrillon en s’occupant de celui qui la méprise déjà, gérer sa vieille mère malade, cumuler ménage et cuisine, mettre une croix sur sa liberté. Quand Moe accouche d’un petit garçon qui n’est même pas de Rodolphe, elle décide de se rebeller, de s’enfuir et de se débrouiller par elle-même. Ses espoirs seront de courte durée puisqu’elle sera placée dans le Centre d’Accueil du Haut-Barrage, une Casse immense où les indigents survivent dans des carcasses de voitures. A Moe revient une 306 où elle devra vivre avec son bébé. Dans ce dénuement, elle a la chance de rencontrer les cinq femmes de sa ruelle ; chacune a vécu des événements tragiques, un passé épouvantable fait de rejets, de mauvais choix et de malchances. Elles vont s’entraider, se soutenir mais Moe n’a qu’une idée : retourner sur son île, sauver son fils de cette misère sans nom.
Sandrine Collette situe son histoire dans un avenir proche, dans les années 2030, où l’on parquerait les pauvres dans une prison à ciel ouvert, livrés à eux-mêmes, affamés et délinquants par la force des choses. Réduites à travailler dans les champs toute la journée pour quelques euros, les femmes doivent parfois trouver d’autres solutions pour espérer se nourrir à peu près correctement. Heureusement, la vieille Ada est là, moitié guérisseuse, moitié faiseuse d’anges, elle se fait respecter dans cette Casse immonde. Différentes mais unies par une même détermination, ces femmes sont à la fois bouleversantes et attachantes. Le roman, d’une force incroyable, se rapproche de la puissance de Grâce et dénuement. J’ai été d’autant plus touchée d’apprendre que l’autrice a reproduit cinq mini-biographies de femmes ayant réellement existé. C’est évidemment très noir, dur et violent mais le style de Collette élève au sommet les destins de ces femmes merveilleuses qui gravitent autour d’un bébé, être joyeux, fragile et sans défense dans cet enfer. Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or …
A lire !!!
Troisième découverte de l'autrice après Un vent de cendres et Six fourmis blanches.
Moe a mis du temps à se décider à appeler son enfant par son prénom : « Elle ne sait pas si l’enfant, lui, reconnaît son nom. Veut croire que oui, au moment où elle rentre des champs le soir et que, disant son nom, elle le voit tourner la tête vers elle, l’entend pousser ce petit cri de joie, et peut-être n’est-ce que le son de sa voix à elle, qu’importe, l’enfant n’a jamais été si réel, si incarné que dans cette ville-poubelle où cinq femmes ont demandé un jour comment il s’appelait. »

