
Caitlin est une pré-ado de douze ans qui n’a qu’une seule passion : les poissons. Alors que sa mère qui bosse dur pour un salaire de misère ne peut la chercher que tard après l’école, que de papa, il n’y en a pas, Caitlin passe son temps libre à l’aquarium de Seattle. Elle y rencontre un vieux monsieur avec qui elle partage sa passion. Un lien particulier va s’établir entre ces deux-là, à tel point que la mère de Caitlin va appeler la police de crainte qu’on abuse de sa fille… avant de découvrir l’identité de cet homme. Je n’en dirai pas plus mais la mère fait revivre certains moments douloureux de son passé à sa fille qu’elle aime tant, ces petits jeux macabres constituent l’acmé qui sera suivie, ensuite, de moments plus doux.
De David Vann, je n’avais lu que le terrible et terrifiant Sukkwan Island et Désolations qui se passe en Alaska. J’ai été étonnée de lire une histoire citadine, dans un environnement quasi « normal ». Les poissons ont bien évidemment une grande importance dans ce roman mais je ne crois pas qu’on peut qualifier le texte de « nature writing », c’est bien de rapports humains et familiaux dont il s’agit, d’une petite fille seule et perdue, de sa maman qui fait l’effet d’une boxeuse qui a dû lutter toute sa vie pour finalement n’avoir qu’une existence minable et qui voit son passé douloureux lui balancer une énième claque et simultanément un beau cadeau. La ville et le climat de Seattle semblent presque aussi hostiles qu’une cabane en Alaska. Si les métaphores ichthyennes m’ont un peu noyée parce qu’elles sont très présentes, ces rencontres dans un aquarium entre un enfant et un vieillard m’ont charmée et, à partir de la révélation de leur lien familial, tout s’intensifie. On retrouve la violence propre à Vann, ces moments-chocs qui acculent le lecteur, le laissant transi et essoufflé. Et il faut dire que j’aime ça ! Si on rajoute quelques thèmes traités avec justesse : les relations familiales, le pardon, l’amour entre les enfants, la résilience… on obtient un roman très fort et marquant.
« Bienvenue dans le monde adulte, tu y entreras bientôt. Je travaille pour pouvoir travailler davantage. J’essaie de ne rien désirer dans l’espoir d’obtenir quelque chose. Je m’affame pour être moins et plus. J’essaie d’être libre pour pouvoir être seule. Et tout ça n’a aucun intérêt. Cette partie-là, ils ont oublié de la préciser. »
« J’aurais pu m’inscrire à une activité périscolaire, mais je choisissais délibérément d’aller voir les poissons. Ils étaient les émissaires d’un univers plus vaste. Ils représentaient le possibles, une sorte de promesse. »
Manou l’a lu et l’aimé aussi !
