
Cela faisait un petit moment que ce titre me titillait, tantôt parce que certains l’encensent, tantôt parce que d’autres le citent (Kelly Dowland par exemple.)
Los Angeles, dans les années 30. Arturo Bandini est un jeune écrivain. Il est à la fois très fier d’avoir publié une nouvelle, « Le Petit chien qui riait », et terriblement angoissé à l’idée de n’avoir plus rien à raconter. Il vit misérablement, fait de piètres rencontres, connaît plus de malchances que de coups de bol. Arturo loge dans un hôtel, se rend régulièrement au bistrot du Columbia Buffet où Camilla, la serveuse, lui plaît. Oui, mais quand une fille plaît à Arturo, il se met à l’insulter, à l’injurier. Quand elle s’approche pour l’embrasser, il fuit. Pourtant, il l’aime, il veut la retrouver mais elle en aime un autre qui la rejette et la frappe. Vous l’aurez compris, Arturo est un anti-héros qui traverse une ville en décadence et ne croise que de pauvres hères. Et au milieu de ce chaos, « le côté bestial, la noirceur insondable, la face sombre et cachée de ce nouveau Bandini » on s’y retrouve, on se reconnaît dans ce bonhomme qui finit par être attachant tant sa maladresse de vivre est grande.
Et le style ! Bon sang, quel style ce John Fante ! La phrase est comme la lame d’un océan déchaîné, violente et juste, bouleversante et indispensable. J’ai noté de si nombreuses citations que j’aurais pu recopier le bouquin entier. On y trouve à la fois du Jim Harrison, du Steinbeck, du Boris Vian, du Bukowski (celui-là même qui a permis de faire redécouvrir l’auteur). C’est un livre qui marque, une sorte de « fureur de vivre », un roman coup de poing, encore plus impressionnant quand on sait qu’il est en grande partie autobiographique. N’ayons pas peur des mots : un chef d’œuvre !
« Los Angeles donne-toi un peu à moi ! Los Angeles, viens à moi comme je suis venu à toi, les pieds sur tes rues, ma jolie ville je t’ai tant aimé, triste fleur dans le sable, ma jolie ville. »
« Des jours sans, des ciels bleus sans jamais un nuage, un océan de bleu jour après jour, et le soleil qui flotte dedans. Des jours d’abondance aussi, avec plein de soucis, plein d’oranges. » (les jours maigres, Arturo ne manque que des oranges.)
« Parfois une idée flottait innocemment à travers la pièce. C’était comme un petit oiseau blanc. Il pensait pas à mal. Il voulait seulement m’aider, ce cher petit. Mais moi je le frappais, je l’écrasais en martelant mon clavier et il expirait dans mes mains. »
« On n’était pas vraiment en vie ; on s’en approchait, mais on n’y arrivait jamais. »
Camilla est pour Arturo « une voix qui parle à mon sang et me passe près de l’os. »
