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15 septembre 2011 4 15 /09 /septembre /2011 05:01

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            Benacquista est mon chouchou parmi mes préférés. J’avais eu un réel coup de cœur pour Quelqu’un d’autre, j’ai vraiment aimé Malavita puis j’ai presque tout lu de lui, BD comprises (ici ou ) Pour honorer le Découvrons un auteur chez Pimprenelle du mois de septembre, j’ai dû trouver une œuvre que je n’avais pas encore lue… Il en restait quatre dont la dernière parution qui ne me tente pas, pour l’instant. null

          C'est donc dans un gros pavé intitulé simplement Quatre romans noirs que j'ai trouvé mon bonheur.

            Antoine est un quidam un peu solitaire. Son métier consiste à accrocher et démonter les toiles et œuvres d’art de diverses expositions. Son boulot fini, il file assouvir sa passion : le billard. Cette routine tranquille se brise un jour où un cambrioleur vient déchirer au cutter une mystérieuse toile de la « Rétrospective Etienne Morand ». Antoine s’interpose, reçoit un coup de cutter dans la joue puis s’évanouit. A son réveil, le cauchemar est total puisqu’il se rend compte qu’il lui manque la main droite : elle a été sectionnée et réduite en bouillie par une énorme sculpture qui est tombée sur Antoine juste après l’agression. Tout en tentant de vivre sans main droite et en pénétrant dans le monde des manchots, Antoine mène l’enquête : pourquoi cette œuvre ? Il s’agit d’une « jaune » qui certes s’oppose au reste de l’exposition composée d’œuvres « noires ». Sans le savoir, Antoine a mis le pied dans un engrenage diabolique. Guidé par la vengeance, cet ancien champion de billard fera tout pour dévoiler la vérité. Filature, planques, menaces, agressions et entrée suspecte dans l’univers de l’art lui permettent d’arriver à ses fins.

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            J’ai retrouvé tout  ce que j’aime chez Benacquista : le cynisme, la dérision, la maîtrise du réalisme, le suspens froid et prenant. Je me suis engouffrée dans cette sombre histoire avec délectation, apercevant un pan particulier de l’art contemporain et découvrant un autre art, celui du billard. Un point de détail amusant : Antoine, parallèlement à sa sordide mission qu’il s’est lui-même allouée, a acheté une machine à écrire pour expliquer sa nouvelle situation d’infirme à ses parents. Il tape laborieusement de sa main gauche, déchire, refait un brouillon… deux exemple :

« Chers vous deux. Imaginez une partie du corps humain qui n’existe pas, une extrémité ronde et lisse qu’on jugerait à s’y  tromper parfaitement naturelle. Mettez-la exactement à l’endroit où habituellement on trouve une banale main. C’est mon moignon. »

« Chers vous deux. Je ne vous ai pratiquement jamais écrit, et le sort a voulu que, si j’en prends la peine, aujourd’hui, ce n’est que d’une seule main. »

 

 

            Et un extrait où Antoine épie un peintre de grand talent, Linnel : « Accroupi, devant, figé comme un animal qui va mordre, je l’ai enfin repéré. Lui. Linnel. A pied d’œuvre. Il a presque fallu qu’il bouge pour que je puisse identifier un corps humain au milieu de ce cataclysme bariolé. Il l’est presque jusqu’au cou, lui aussi, avec son tee-shirt blanc et son jean suintant de vert et de noir. J’ai bien compris, il cherche à se confondre avec le reste. Tactique de caméléon. Il a cru m’échapper, camouflé, immobile, perdu dans la luxuriance de son travail. Il reste accroupi, totalement seul, à des milliers de kilomètres de mes yeux, tout tendu et aimanté vers l’espace blanc. Tout à coup il s’allonge entièrement dans la mélasse des journaux et renverse un verre d’eau, sans y prêter la moindre attention. Et se relève, d’un bloc, pour tremper un pinceau dans un pot bavant de jaune.»

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5 septembre 2011 1 05 /09 /septembre /2011 18:18

 

 

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            Il est des livres qu’on avale goulûment comme on se jette sur un plat de spaghettis en cas de fringale, comme on boit un grand verre d’eau fraîche une après-midi de canicule. Et puis, il y a des livres qu’on savoure tel un bon vin, connaissant sa qualité, on s’en délecte doucettement. Mon rapport avec l’œuvre de Gide est ainsi. Je suis en admiration, je me fais toute petite, n’ose lire le roman d’une seule traite pour ne pas le déshonorer…

            C’est Michel, « l’immoraliste ». Il raconte à ses amis (qu’il a fait venir expressément en Tunisie) ses derniers mois de vie, en compagnie de Marceline, son épouse depuis peu. Sans détour, il se livre humblement et sincèrement.

            C’est pour satisfaire un père en fin de vie que Michel a accepté d’épouser Marceline « à peine vingt ans », de quatre ans sa cadette. Pour assouvir une envie de voyage, ces deux orphelins embarquent dans un bateau en direction de l’Afrique du Nord. « Ainsi j’atteignis vingt-cinq ans, n’ayant presque rien regardé que des ruines ou des livres, et ne connaissant rien de la vie ; j’usais dans le travail une ferveur singulière. » Mais Michel, atteint de tuberculose, est de plus en plus affaibli. Après Tunis, le couple s’arrête à Biskra où la convalescence pour Michel se fait longue et pénible. Marceline le soigne tant qu’elle peut, Michel lui en est reconnaissant mais ce sont les jeunes garçons qui l’attirent surtout. Un jour, il surprend Moktir, un beau garçon qui vole une paire de ciseaux. Plutôt que de le dénoncer, le malade explique la perte de l’objet par un vulgaire mensonge car « à partir de ce jour, Moktir devint mon préféré. » Michel envie et admire la jeunesse et la vitalité des gens qui l’entourent. La métamorphose dans son esprit germera lentement pour façonner un nouvel être. « Rien de plus tragique, pour qui crut mourir, qu’une lente convalescence. Après que l’aile de la mort a touché, ce qui paraissait important ne l’est plus ; d’autres choses le sont, qui ne paraissaient pas importantes, ou qu’on ne savait même pas exister. L’amas sur notre esprit de toutes connaissances acquises s’écaille comme un fard et, par places, laisse voir à nu la chair même, l’être authentique qui se cachait. »

            Michel retrouve la santé petit à petit. La découverte des livres, de l’histoire et de la culture laisse place à celle, plus intime, du corps et de la sensualité. « Je me regardai longuement, sans plus de honte aucune, avec joie. Je me trouvais, non pas robuste encore, mais pouvant l’être, harmonieux, sensuel, presque beau. »

            Michel guérit et voyage : Syracuse, l’Italie, la Normandie enfin où il joue au propriétaire de fermes, bien plus intéressé par le quotidien et la virilité de ses employés que par les sinuosités de la comptabilité. Marceline tombe enceinte, Michel en est surpris et heureux. Le terme de la grossesse approchant, le couple s’installe à Paris. Mais Paris, ses obligations, sa vie mondaine, les visites ennuient Michel ; après sa longue maladie, un sentiment d’orgueil l’envahit face à cette envahissante routine. Il se sent autre : « C’était, pour la première fois, la conscience de ma valeur propre : ce qui me séparait, ce qui me distinguait des autres, importait ; ce que personne d’autre que moi ne disait ni ne pouvait dire, c’était ce que j’avais à dire. » Il rencontre Ménalque, épicurien, anti-matérialiste qui l’influencera beaucoup en se moquant du « calme bonheur » familial de Michel. Il passera avec lui une nuit fatidique puisque Marceline, seule dans leur grand appartement, donnera naissance à un enfant mort. Elle tombe malade à son tour, atteinte de tuberculose. Alors que Michel s’évertue au début à soigner sa femme comme elle le faisait quelque temps plus tôt pour lui, il se laisse bien vite gagner par ses envies, par son besoin de bouger, ne tenant pas compte de la nécessité pour Marceline de se reposer. Sorrente, Palerme, Syracuse, la Tunisie. Rien n’est assez beau pour lui, pour elle. Son « entêtement dans le pire » le pousse à organiser un dernier voyage à Touggourt. La chaleur, l’inconfort, le vent auront raison de la fragile santé de Marceline qui mourra sans lui avoir fait de reproches. 

            Michel loue le vice parce qu’il est sincère. Son désir des hommes jeunes et forts constitue le fil directeur du roman, désir qu’il nous livre pourtant en toute innocence, il y a quelque chose d’ingénu dans ses confidences. En filigrane aussi, bien évidemment, l’auteur, atteint de tuberculose lui aussi, se réfugiant auprès des hommes…

 

            Une parole de Ménalque : « C’est du parfait oubli d’hier que je crée la nouvelleté de chaque heure. Jamais, d’avoir été heureux, ne me suffit. Je ne crois pas aux choses mortes, et confond n’être plus, avec n’avoir jamais été. »

            Et encore une belle réflexion sur le souvenir : « Si encore nos médiocres cerveaux savaient bien embaumer les souvenirs ! Mais ceux-ci se conservent mal ; les plus délicats se dépouillent, les plus voluptueux pourrissent ; les plus délicieux sont dangereux dans la suite. Ce dont on se repent était délicieux d’abord. »

Ma passion pour un écrivain peut aller très loin… : Vacances en famille en Normandie. Tout mon petit monde fait un détour à Cuverville  où est enterré Monsieur Gide. Cette escapade sur les routes campagnardes de Seine-Maritime en valait-elle la peine ? Jugez vous-même :

 

 

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29 août 2011 1 29 /08 /août /2011 08:58

   

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            J’avais aimé  Les Déferlantes, j’avais adoré  Seule Venise. J’ai été déçue par ce dernier roman de Gallay. Est-ce dû à ma dernière lecture ? Il est vrai qu’après l’écriture bariolée et rassasiante de Grangé, j’ai ressenti le besoin de combler les blancs chez Gallay. L’écriture m’a paru dépouillée, presque décharnée.

            Les ingrédients étaient à ma convenance : Avignon, le théâtre, les coulisses du théâtre et la vie au cœur même d’une petite troupe ; des références cultes : Ferré, Calder, Willy Ronis, Gérard Philippe, Le Cid. Bien sûr que je m’en suis délectée mais c’est encore une histoire de femme seule (ou femmes seules) au comportement atypique (j’aime un homme mais je le quitte – je pourrais être heureuse mais j’ai choisi le malheur). Trop de points communs peut-être par rapport aux autres romans du même auteur.

            Deux destins de femme : la première, Marie, est une écorchée d’une vingtaine d’années, vagabonde, maigre, remarquable par ses piercings (c’est elle qui fait la couverture du roman), elle n’a qu’une idée en tête : honorer la mémoire de son frère mort cinq ans auparavant. Paul Selliès, dramaturge, avait fait parvenir deux manuscrits à Odon, directeur d’un petit théâtre. Sans réponse, le jeune homme s’est donné la mort. Marie veut savoir. Nuit rouge, la deuxième pièce est montée cette année.

            La seconde femme est une célébrité dans le monde du théâtre : Mathilde – nom de scène la Jogar. Elle a vécu en Avignon, a été l’amante passionnée d’Odon, a quitté les remparts pour revenir, cette année uniquement.

            Les deux femmes se croisent grâce et par le mort. La Jogar, a plagié le premier texte de Paul Selliès, Anamorphose. C’était ça ou la poubelle et elle trouvait qu’il valait la peine d’être joué. Marie ne comprend pas, pour elle, son frère est mort une deuxième fois. Elle se bat à la façon d’une petite Antigone pour le faire revivre, comme « un animal pris derrière les barreaux. »

            Ce qui aurait pu être une farce ou une supercherie devient une tragédie. La chaleur de la ville et les intermittents en grève viennent englober ces êtres tristes et leurs demi-vies. C’est mon impression, chaque personnage se contente d’une moitié ou de moins encore : La Jogar et Odon renoncent à leur amour, Marie renonce à la vie…

            Certains passages, comme le prouvent les extraits ci-dessous, ont retenti en moi, c’est plutôt l’ensemble de l’œuvre, le tout, l’unité, que j’ai eu du mal à cueillir comme il l’aurait fallu.

 

« L’amour est une île, quand on part on ne revient pas. »

« La passion est un fruit à croissance rapide, il retombe vite et … pourrit ».

« Vieillir, ce n’est rien quand on se souvient. C’est l’oubli qui fait la souffrance ».

« Deux Japonaises patientent sur le pas de la porte. Leur peau est blanche. Elles regardent le soleil comme on regarde tomber la pluie. Sans oser sortir. Elles échangent quelques mots dans une langue qui ressemble à de la musique. Soudain, elles se lancent, le cou rentré, en tirant sur leurs épaules un mince gilet de coton qui leur sert de protection. Elles traversent la place, le soleil est partout et leurs pieds courent dans ce qui ressemble à une gigantesque flaque. » On dirait du Delerm, non ?

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22 août 2011 1 22 /08 /août /2011 11:05

 

   

 

            De Grangé, je ne connaissais que Les Rivières pourpres, et encore, pour l’avoir vu au cinéma.

            Le vol des cigognes est un roman que je n’oublierai pas, je le sais déjà. Dense, coloré, gothique, nomade, explosif - sont les premiers adjectifs qui me viennent à l’esprit.

            Louis Antioche a fait des longues études d’histoire et il en a sa claque des livres. Il veut aller sur le terrain, « passer à l’acte, mordre dans l’existence ». Ses désirs de début de roman seront entièrement réalisés, jusqu’à outrance même. Il est embauché par un ornithologue suisse, Max Böhm, pour un travail un peu bizarre. Böhm suit les trajectoires des cigognes, c’est un passionné qui s’inquiète pourtant de la disparition de certaines cigognes qui ne sont jamais revenues à bon port. La mission de Louis est donc de suivre le voyage de ces oiseaux, pays après pays. Pour cela, il bénéficie d’une grosse enveloppe qui lui permet de louer des voitures et de séjourner dans les meilleurs hôtels. Louis se demande toujours pourquoi lui a été choisi mais est plutôt ravi de ses nouvelles fonctions. Peu avant son départ, son patron est retrouvé mort d’une crise cardiaque. Des détails mystérieux pousseront notre trentenaire à tout de même mettre les voiles et à suivre le vol des cigognes : Böhm est un greffé du cœur mais aucune trace médicale en Europe n’a pu mettre en lumière l’opération et ses suites ; Louis trouve au domicile de l’ornithologue des photos horribles de Noirs aux corps torturés,  déchirés, éviscérés mais aussi une photo de Max avec sa femme et son fils dont personne n’a jamais entendu parler.

            En suivant les échassiers, Louis parvient d’abord en Slovaquie puis en Bulgarie. Et c’est là que l’histoire se complique. Louis se rend compte que derrière ce voyage se cache bien plus qu’une passion d’ornithologue. Max Böhm se servait des migrations des cigognes pour acheminer des diamants en Europe. Les cigognes précieusement baguées évitaient ainsi taxes, douanes, polices… Pourtant, la suite des pérégrinations de Louis, Istanbul, Rhodes, Israël, Centrafrique… lui révèle un trafic bien plus odieux que celui des diamants. Des cadavres sont découverts atrocement mutilés… et vidés de leur cœur. L’ablation s’est faite à vif. Dans chaque pays, Louis est donc confronté à ces horreurs et aux tabous qui les entourent.

            Je ne veux pas révéler toute l’intrigue qui est une mosaïque composée de mille et un réseaux enchevêtrés entre eux. Les descriptions des pays traversés, mais plus encore, des coutumes et modes de vie de certains peuples comme les Roms et les Pygmées sont d’une justesse et d’un réalisme jubilatoires. L’arrivée à Bangui, au Centrafrique, a réveillé ma soif de voyager. L’écriture de Grangé est assez puissante pour épouser les particularités de chaque contrée.

            En plus de cela, on découvre petit à petit que notre Louis Antioche à qui on s’attache très vite a un passé peu ordinaire : il a perdu ses parents dans un incendie et ses séquelles à lui se trouvent sur ses mains, brûlées, elles sont anonymes.

            Une donnée qui me semble une des caractéristiques de l’écrivain n’est pourtant pas à négliger : les horreurs racontées. Ames sensibles s’abstenir. Il y a du sang, des cadavres, on fouille dans les corps ouverts, on déterre les morts. Il y a deux ou trois passages qui sont épouvantables et écœurants (ai-je déjà lu pire ?). Et, avec du recul, quelques jours plus tard, je ne sais pas si c’est la catharsis qui entre en jeu mais ça me traumatise beaucoup moins et je suis déjà prête à lire un autre Grangé.

Eh oui, j’ai bel et bien adoré ce roman, le premier de l’auteur et comme vous le lirez dans quelques jours, les romans suivants m’ont paru bien pâlots…

 

            Où le héros explique son épopée par ces mots : « … je songeai à ma personnalité, qui ne cessait d’évoluer. J’en tirai un obscur optimisme, fiévreux et suicidaire. Il me semblait que mon départ du 19 août avait été comme une apocalypse intime. En quelques semaines, j’étais devenu  un Voyageur Anonyme, sans attache, qui courait de terribles risques mais se savait récompensé chaque jour par la réalité qu’il découvrait. »

 

 

 

Bangui - Centrafrique

 

 

Netanya - Israël

 

 

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15 août 2011 1 15 /08 /août /2011 12:42

            Quand on va à Etretat, on lit L’Aiguille creuse, c’est comme ça. Entourée des miens et bien trop occupée à admirer le paysage et à repérer les beaux galets de la plage, j’ai lu le policier à mon retour. Cette lecture m’a surprise.

            Premièrement, il faut attendre la 130ème page pour entendre parler de l’Aiguille, ensuite, il se trouve que ce n’est pas du pic rocheux qu’il s’agit mais d’un château situé dans la Creuse.

            Deuxièmement : Arsène Lupin. Quel personnage extraordinaire ! Je ne le connaissais que de nom et ici, l’auteur est assez malin pour nous mener d’emblée sur de fausses pistes : c’est Isidore Beautrelet, un étudiant de 17 ans qui fait la vedette dans les premiers chapitres car il parvient à résoudre les énigmes qui se présentent, Arsène Lupin est tellement dans l’ombre qu’on le croit même mort… il faut donc laisser passer cette nappe de brouillard où le lecteur est franchement perdu pour comprendre qu’Arsène Lupin est un maître et un génie !

            Il m’est difficile de résumer le roman sans en dire trop. La quatrième de couverture de mon édition révélait déjà trop d’éléments à mon goût. Il est question de secret historique, d’enquête policière mais aussi d’amour. Et je crois d’ailleurs que c’est le romanesque qui prime. Même si je me suis parfois un peu engluée dans les méandres de l’intrigue, j’ai trouvé les dernières pages intenses, très intenses.

            Chacun son style, je sais que je ne lirai pas toutes les aventures d’Arsène Lupin (ce qui prendrait d’ailleurs un temps fou !) qui me paraissent un brin vieillottes, mais un petit roman policier-romanesque par-ci, par-là, pourquoi pas…

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12 août 2011 5 12 /08 /août /2011 16:55

            On commence un court roman de 179 pages, sans a priori particulier, on entre dans cette histoire, et là, c’est le choc. Ca faisait longtemps qu’un livre ne m’avait plus secouée à ce point.

            Une soirée, à Paris. C’est la rencontre de deux malheureux. Lui, Michel, vient de se faire quitter par une femme qui l’aime et qu’il aime. Quatorze ans d’amour sans heurt mais la maladie a contaminé son corps à elle et elle a décidé de se donner la mort cette nuit-là. Il respecte son choix mais erre comme une âme en peine. Elle, Lydia, n’en peut plus de la vie qu’elle mène depuis six mois : victimes d’un accident de voiture, sa petite fille est décédée et son mari s’en est sorti avec une « aphasie jargonnesque », un trouble du langage qui rend sa parole logorrhéique et incompréhensible. C’est donc l’histoire de deux êtres brisés qui se rencontrent ou plutôt qui s’entrechoquent, au sens propre comme au sens figuré. Et il va lui proposer un pari fou : celui de prendre le relais de son ancienne compagne, Yannik (oui c’est une femme), qui a confié Michel à une autre femme, qui sera Lydia. Une sorte de réincarnation : « Je te demande de ne pas faire de mon souvenir un petit magot jalousement gardé. Dépense-moi. Donne-moi à une autre. Ainsi, ce sera sauvé. Je resterai femme. Au moment de m’endormir, je m’efforcerai de l’imaginer, pour savoir de quoi j’aurai l’air, quel âge j’aurai, comment je m’habillerai, quelle sera cette fois la couleur de mes yeux… ». « La plus cruelle façon de m’oublier, ce serait de ne plus aimer ».

            Il n’y a ni sentimentalisme, ni complaisance dans ce roman. De la violence, certes, mais à bon escient, je dirais. Il est à lire d’une traite et peut-être que vous serez comme moi, une fois commencé, on ne peut plus le lâcher. Quand on a une œuvre de génie entre ses mains… Si l’histoire semble dramatique, l’humour et le second degré ne sont pas absents. Certains dialogues sont époustouflants entre une femme qui exprime sa détresse et un homme complètement ivre qui lui répond du tac au tac où sens littéraux se mêlent aux sens figurés, où foisonnent humour noir et ironie. Truculent et tragique à la fois. Philosophique et poétique. Le mot « résilience » m’est également venu à l’esprit… La vie reprend le dessus, quoi qu’il arrive…

            Du côté de l’irréel, du fantasmagorique, on est servi aussi : entre un paso doble dansé par un caniche rose et un chimpanzé, une fête tzigane complètement abracadabrantesque menée par une femme-sourire, ou encore l’ivresse quasi permanent de Michel, on nage parfois dans un absurde tout de même bien contrôlé.

 

A lire. Plutôt dix fois qu’une.

 

Je n’ai pu m’empêcher de relever quelques petits projectiles qui m’ont régalée :

« Les hommes oublient toujours que ce qu’ils vivent n’est pas mortel. »

« Je n’avais encore jamais vu un sourire aussi immuable et je me demandais si elle l’enlevait pour dormir. »

« Elle a eu tellement de malheurs dans sa vie qu’elle ne peut plus qu’être heureuse. »

« La frigidité, c’est lorsque la morale et la psychologie couchent ensemble. »

« il y a des moments où je suis capable de prendre l’horreur, de lui tordre le cou et, pour qu’elle crève plus vite, je la force à rire. »

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5 août 2011 5 05 /08 /août /2011 07:45

 

            C’est grâce et pendant un séjour en Normandie que j’ai lu ce livre qui se résume tout simplement : Didier Decoin, sur le mode autobiographique, clame son amour pour une maison trouvée à la Hague (au nord ouest de la Normandie) après des mois et des mois de recherches infructueuses.

            Didier et son épouse Chantal, jeune couple amoureux, se décide à acheter une maison dans ce coin sauvage et rude qu’est le nord du Cotentin. On leur apprend d’abord qu’ici, les maisons ne se vendent pas, et on n’y construit pas non plus. Après quelques rares visites de masures, ils jettent leur dévolu sur une petite maison « avec vue sur la mer » mais les propriétaires se rétractent avant de signer. Ils acceptent tout de même de rencontrer l’écrivain et son épouse. « Notre procès, car c’était bien pour être jaugés et jugés que nous étions venus, se joua sur un long échange de regards entre Mme N… et ma femme. La petite dame dévisagea Chantal avec une intensité presque douloureuse, plongeant dans le bleu de ses yeux comme si elle avait voulu atteindre son âme et y trouver la certitude que nous n’avions aucune idée tordue derrière la tête en prétendant acheter cette maison. Elle devait s’interroger sur l’étrange perversion dont nous étions atteints pour avoir jeté notre dévolu sur une maisonnette aussi étriquée et sur un pays aussi austère et rudoyant ». Le charme opère et le vieux couple de propriétaires cède sa maison. Les imprévus et les travaux se succèdent mais le couple accompagné un peu plus tard de leurs trois enfants ne se lassera jamais de leur acquisition. Ca tombe plutôt bien puisque cet achat coïncide avec l’obtention du prix Goncourt (1977 pour John l’Enfer).

            Si l’écriture m’a vraiment séduite, si les descriptions de cette région si particulière m’ont enchantée, je me suis sentie peu concernée par les préoccupations de ces propriétaires qu’on peut qualifier de nantis. Car j’ai oublié de le dire, c’est bien d’une résidence secondaire qu’il s’agit là et certains « soucis » comme l’achat d’un bateau, l’aménagement de jardin, le réaménagement de jardin par un des plus grands horticulteurs, la construction  d’une véranda… ont eu du mal à obtenir ma totale adhésion. Pourtant, le livre a le grand mérite d’être tout à fait positif, prônant la bonne bouffe (de poissons, de fruits de mer et d’autres crustacés, bien sûr.), l’authenticité, le bonheur simple. Le style de Decoin a quelque chose de familial comme une cuisine peut l’être : faite de saveurs anciennes et familières, on la dévore, on se ressert, on s’en rassasie avec gourmandise.

            Je ne connaissais pas l’écrivain et je me suis rendu compte que j’avais déjà Est-ce ainsi que les femmes meurent dans ma PAL depuis quelques bons mois. Il me tarde de le découvrir.

            Une dernière petite rafale, lorsque Decoin raconte si bien ses lectures (il fait désormais partie de l’Académie Goncourt) depuis chez lui :

« Je revois avec une absolue précision cette place dans notre véranda où de futurs lauréats comme Le Testament français d’Andréï Makine, Le Chasseur Zéro de Pascale Roze, Rouge Brésil de Jean-Christophe Ruffin ou La bataille de Patrick Rambaud, ont attendu que je m’empare d’eux pour leur faire grimper le périlleux escalier épave qui mène à mon nichoir sous les toits, pour les ouvrir et les découvrir enfin, là-haut face à la mer dont l’éclatement soyeux contre les rochers correspond parfois, avec une synchronisme étonnant, au bruit de la page tournée. »

Et une tempête sur La Hague pour mieux comprendre la beauté de la région :

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31 juillet 2011 7 31 /07 /juillet /2011 09:02

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            J’étais réticente à l’idée de me replonger à nouveau dans un roman de Tatiana de Rosnay, dans  Elle s’appelait Sarah, elle tiraillait déjà les cordes sensibles du lecteur (ou de la « lectrice » ?!). Elle use des mêmes stratagèmes ici.
            Justine Wright est une mère de famille quarantenaire, traductrice, mariée à un Anglais, Andrew. Vivant à Paris, elle s’enfonce dans une routine toutefois confortable. Tout bascule le jour où elle apprend que son fils aîné, Malcom, 14 ans s’est fait renverser par une mystérieuse Mercedes couleur « moka » conduite par un chauffard qui brûlait un feu rouge. Le gamin est dans le coma et le responsable a pris la fuite. A partir de là, le suspens nous tient jusqu’aux dernières pages et j’avoue que je me suis laissé prendre dans ses filets avec aisance. D’une part, on se demande si Malcolm va sortir du coma et on partage les angoisses de la famille. D’autre part, on mène l’enquête avec Justine : elle veut retrouver le coupable ; la police traîne à le faire. Après avoir suivi une fausse piste, plaque d’immatriculation et témoignages de badauds permettront à Justine de retrouver une certaine Eva Marville à Biarritz. Elle va enfin pouvoir lui demander pourquoi elle a fui le jour de l’accident.
            J’avais reproché à De Rosnay l’invention du gosse dans le placard dans Elle s’appelait Sarah ; ici, c’est un ado dans le coma (qui pourrait rester froid face à ça ?). Beaucoup de théâtralisation, de raccords trop faciles, de drames voire de tragédies, de passages hyper romancés. Un truc m’a particulièrement agacée : Justine n’arrête pas de vouloir dire quelque chose avant de se rétracter : Je lui aurais bien tout raconté mais… X m’en a empêché… j’avais bien envie de lui dire… mais j’en étais incapable. On a parfois envie de la secouer cette Justine. Dernier élément déjà repéré dans d’autres romans : la dimension franglaise. L’auteur essaye d’y intégrer quelques réflexions chauvines : les lenteurs de la police française, les splendeurs méconnues de la gastronomie anglaise (qui l’eût cru ?) en sont deux exemples.


            Ne soyons pas vaches, j’ai lu ce roman d’une traite, parfait pour des vacances normandes sous la pluie. Si vous êtes une ménagère de moins de 50 ans (oups, ma vachitude reprend le dessus !), non, si vous n’avez pas de difficultés à gérer vos productions lacrymales, lisez-le.

 

            En extrait : le coup de fil au prétendu responsable. « Silence. Impossible de parler. Impossible de leur dire : Je m’appelle Justine Wright. Je vous appelle parce que je sais que vous avez renversé mon fils, il y a trois semaines, boulevard M. à Paris. Vous l’avez renversé et vous avez pris la fuite. Mon fils est dans le coma. On ne sait pas s’il va s’en sortir. Je ne sais pas si la police vous a déjà contactés, mais je vous appelle pour vous dire que je sais que c’est vous. Je le sais. »

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26 juillet 2011 2 26 /07 /juillet /2011 20:17

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            Je crois que j’ai bien fait d’avoir mis un pied dans l’univers de Fitzgerald avec  Gatsby le Magnifique avant de découvrir ce roman qui raconte la vie de Zelda, l’épouse de Scott Fitzgerald.

            Il s’agit d’un récit à la première personne qui mêle bribes biographiques des deux protagonistes et fiction, ce qui rend l’ensemble à la fois intéressant et plaisant à lire.

            Zelda est une jeune femme libre, désinvolte, très courtisée, garçon manqué, insolente : « Je suis la fille du Juge, la petite-fille d’un sénateur et d’un gouverneur : je fume et je bois et je danse et je trafique avec qui je veux. » Elle est aussi terriblement audacieuse et provocatrice : « J’aime le péril … les précipices…, les dés qu’on jette étourdiment en pariant sa vie entière, et je n’attends même pas qu’ils aient fini de rouler pour décider de la ruine. Me perdre, j’aime aussi, à l’occasion. C’est moi. Rien ne m’en guérira. ». Elle joue avec le feu, couche à droite à gauche et se prend de passion pour Scott, ce fils de vendeur de savon, surnommé aussi Goofo. Ils joueront aux amants terribles, à je t’aime moi non plus. Elle sera sa muse, il sera son bourreau. Elle est romancière, il lui interdit d’écrire et plagie le peu qu’elle a pu écrire… Elle souffre de ses insultes, de son alcoolisme, de ses frasques homosexuelles, tombe éperdument amoureuse d’un aviateur pour finir par vivre, une très grande partie de sa vie, en hôpital psychiatrique.
            Une chose est certaine : Zelda fascine, je crois qu’on ne peut le nier en refermant ce roman. C’est un personnage à qui il fallait consacrer tout un livre, c’est sûr. L’histoire de cette déchéance a fait résonner deux échos en moi : une profonde tristesse face à cette vie gâchée et l’immense envie de connaître un peu plus cette relation ambiguë qu’était le couple Zelda-Fitz.

 

            Un papillon qui s’est brûlé les ailes… une salamandre pas si invincible que ça…

 

 

            J’ai lu le livre en plusieurs fois ce qui a freiné ma lecture et ma compréhension. C’est très bien écrit, souvent violent, toujours haut en couleurs, parfois bestial mais j’ai trouvé un petit je-ne-sais-quoi d’artificiel qui m’a ennuyée. Savoir que des éléments imaginaires ont été accolés à la réalité historique me trouble encore. Je terminerai en ajoutant que pour un Goncourt (2007), tout de même, c’est vraiment pas mal… J

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16 juillet 2011 6 16 /07 /juillet /2011 12:02

 

 

            Première lecture pour moi de Fitzgerald, à moins d’avoir oublié un ou deux bouquins lus, ce qui ne m’étonnerait pas… Sinon, Fitzgerald me rappelle aussi la fac où je m’évertuais à traduire certains extraits. Ayant maintenant lu le livre dans son intégralité, je comprends pourquoi je ramais tant.
            J’ai été surprise plus d’une fois. Le style d’abord. Raffiné, surprenant mais aussi parfois légèrement opaque. Disons que ce n’est pas une lecture de plage, en tous cas, pas pour moi.

            Gastby le Magnifique porte bien son nom : il est beau, jeune et surtout si riche qu’il peut se permettre d’organiser des réceptions mondaines tous les soirs pour des gens qu’il ne connaît pas. Le narrateur est son voisin, Nick Carraway. Il découvre Gatsby en même temps que le lecteur et cet être qui a-tout-pour-être-heureux se révèle mélancolique et solitaire. Pourquoi ? Un ancien amour qu’il veut reconquérir : Daisy. La jeune femme, cousine de Nick, est mariée à un homme riche lui aussi, Tom, qui la trompe. Daisy et Jay Gatsby ont été amants mais elle l’a quitté parce qu’il n’avait pas un sou. Donc, le richissime Gatsby revient à la charge et dépose sa fortune aux pieds de la belle. Mais tout n’est pas aussi simple qu’il y paraît.

            L’intrigue m’a surprise aussi, elle avance tout en restant assez statique. Les personnages semblent être figés dans un carcan insaisissable et, après avoir refermé le roman, on ne peut que s’écœurer du luxe et de l’extravagance qui, dans le livre en tous cas, n’attirent que le malheur. Le roman s’achève par une double tragédie : la maîtresse de Tom mourra écrasée par la voiture conduite par Daisy, et Gatsby le Magnifique sera tué par le mari de cette maîtresse qui prenait l’homme pour responsable de la mort de sa femme.

            Le style ne laisse pas le lecteur en repos, Fitzgerald aime les alliances de mots surprenantes en évoquant une femme « criarde, apathique, ravissante et atroce » ou « l’obscurité impatiente ». Le début du roman comporte quelques dialogues parsemés de verbes de parole qui exprime l’étonnement : les personnages répondent « d’une façon imprévue », sont stupéfaits par le ton de voix de leur interlocuteur, etc. Effet de ricochets, le lecteur s’étonne lui aussi. Une œuvre très riche pour un univers éthéré, retouché, superficiel et en état d’ébriété constant.

 

            La liste de mes extraits préférés pourrait prendre des pages et des pages. Une petite sélection :

 

Ø  Fitzgerald excelle dans l’art de brosser des portraits dont la lecture m’a émerveillée : « Je revins vers ma cousine qui, d’une voix sourde, envoûtante, me posa diverses questions. C’était l’une de ces voix dont l’oreille épouse chaque modulation, car elles improvisent de phrase en phrase une suite d’accords de hasard que personne jamais ne rejouera plus. Son visage était triste et tendre avec de beaux éclats, l’éclat du regard, l’éclat brûlant des lèvres _ mais on percevait dans sa voix une note d’excitation dont les hommes qui l’ont aimée se souviendront toujours ; une vibration musicale, une exigence impérieuse et chuchotée : « Ecoutez-moi, écoutez-moi ! », l’assurance qu’elle venait tout juste de vivre des instants radieux, magiques te que l’heure suivante lui en réservait d’autres, tout aussi magique et radieux. »

 

Ø  La rencontre entre Nick et l’aura magique de Gatsby : « Il me sourit avec une sorte de complicité – qui allait au-delà de la complicité. L’un de ces sourires singuliers qu’on ne rencontre que cinq ou six fois dans une vie, et qui vous rassure à jamais. Qui, après avoir jaugé – ou feint peut-être de jauger – le genre humain dans son ensemble, choisit de s’adresser à vous, poussé par un irrésistible préjugé favorable à votre égard. Qui vous comprend dans la mesure exacte où vous souhaitiez qu’on vous comprenne, qui croit en vous comme vous aimeriez croire en vous-même, qui vous assure que l’impression que vous donnez est celle que vous souhaitez donner, celle d’être au meilleur de vous-même. »

 

Ø  Gatsby ou le pouvoir du rêve – un si joli passage plein de poésie !« par moments peut-être au cours de cette après-midi Daisy s'était-elle montrée inférieure à ses rêves - mais elle n'était pas fautive. Cela tenait à la colossale vigueur de son aptitude à rêver. Il  l'avait projetée au-delà de Daisy, au delà de tout. Il s'y était voué lui-même avec une passion d'inventeur, modifiant, amplifiant, décorant ses chimères de la moindre parure scintillante qui passait à sa portée. Ni le feu ni la glace ne sauraient atteindre en intensité ce qu'enferme un homme dans les illusions de son cœur »

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