Incapable de lire un gros roman, je me suis rabattue sur un livre qui traînait dans ma PAL depuis belle lurette, venu d’on ne sait où.
Serge et Suzanne tombent amoureux. Le premier a soixante ans, une jolie épouse et deux enfants en bas âge, le tout couronné d’une situation professionnelle très confortable ; Suzanne est en couple aussi, elle est accordeuse de piano. Rien n’indiquait que ces deux-là allaient s’aimer. Pourtant l'intense liaison ne dure pas et Serge a plutôt choisi une oreille attentive qu’une amante exceptionnelle. Il confie à Suzanne les secrets de son passé, ce père qu’il a toujours détesté pour avoir maltraité sa mère et cette mère vénérée morte beaucoup trop tôt. Il a même un crime à avouer… mais Suzanne ne veut plus être celle qui reçoit les confidences en se taisant.
Au départ, j’ai eu peur. C’est quand même l’histoire d’un type vieillissant qui tombe follement amoureux d’une femme pas très belle alors qu’il a chez lui une épouse magnifique, jeune, dévouée, drôle, enthousiaste. On n’y croit pas du tout. Pourtant, au fil des pages, ce n’est plus cette improbable liaison qui nous importe et nous emporte mais la relation ambiguë entre ces trois pantins qui n’ont rien décidé, et surtout, l’enfance de Serge qui est bouleversante. Le personnage de Suzanne m’a beaucoup émue aussi, elle ne demande rien à personne, Serge lui saute dessus, elle tombe amoureuse, quitte son homme et se rend compte qu’elle se retrouve seule en deux temps, trois mouvements. Les citations ci-dessous s’interrogent sur cette situation de solitaire. Pour conclure, je dirais que c’est un petit roman beaucoup moins vaudevillesque qu’il n’y paraît aux premières pages et qu’il vaut le détour pour certains de ses passages.
« La liberté et son pendant, la solitude, maintenant, je les connaissais bien. Elles étaient une partie de moi, elles me constituaient, et je pensais qu’on aurait pi les analyser dans mon sang, les cellules de ma peau. Parfois l’avenir semblait vaste, parfois je le trouvais pitoyable. La solitude est à vous, elle vous tient, et on ne sait jamais si c’est une délivrance ou une malédiction. Va-t-elle vous donner des ailes ou vous réduire à une existence de petits pas ?»
« C’est fini peut-être, la vie avec les hommes. Est-ce grave, ce renoncement ? Est-ce qu’il y a une douleur à comprendre que notre vie ne dépend que de nous, que nous ne tomberons pas si nous lâchons la main de l’autre, comme ces plantes trop hautes s’effondrent sans leur tuteur ? N’est-ce pas cela, le véritable amour de la vie : lui accorder seule, le pouvoir de nous rendre heureux ? »