Un roman graphique de Mathias Enard ? L’idée est stimulante, non ?
Le narrateur est un artiste reconnu à qui on demande de créer un monument du souvenir pour la ville de Sarajevo. Il n’a jamais réalisé de mémorial et ne sait par où commencer. Il visite la ville, ses ruines, ses mosquée, ses cafés, ses maisons aux façades trouées. Il y rencontre Marina, une architecte qui travaille pour une ONG qui le guide dans cette ville qui a tant souffert, qui lui montre le site des Jeux Olympiques de 1984, c’était encore « avant »… Mais le narrateur ressent aussi le besoin de découvrir Belgrade, Cracovie, les rives du Danube, de marcher ce passé balkan pour savoir quelle forme prendra ce monument de mémoire.
Marqué par les ombres de corbeaux et de loups, ce roman graphique est sombre et beau. Il se fait aussi réflexion sur l’art et la place de l’art dans le monde, sur la vanité des tombes et autres stèles commémoratives. Un combat entre la vie et la mort sans qu’on sache bien lequel des deux ressort gagnant… Les illustrations de Pierre Marquès sont de toute beauté et mêlent les genres : photographies, aquarelles, peintures proches du photoréalisme qui figent l’instant tout en apportant une petite touche d’espoir. Un bien bel objet que ce livre surprenant et … nécessaire !
Quand l’artiste s’interroge sur sa démarche : « Les vivants ou les morts ? S’adresser aux vivants pour les morts ? Les morts n’ont plus besoin de rien et les vivants veulent vivre en paix. La vie est le seul monument aux morts. Les histoires que les morts racontent aux vivants. »
19/20