9 janvier 2021
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Ana et Zeno, d’un âge bien avancé, se retrouvent enfin après 40 ans de séparation pour s’aimer librement. Voilà le début de l’album mais la fin de l’histoire. C’est en vingt tableaux et à rebours que Jordi Lafebre nous conte l’histoire de ce couple atypique. Ana est maire d’une grande ville et le principal projet de ses deux mandats a été de bâtir un pont qui relierai les deux rives de la cité. Zeno est, quant à lui, un instable. Marin physicien, aventurier dans tous les sens du terme, il parcourt le monde avant de revenir s’installer dans la librairie paternelle. Ana et Zeno ne se voient presque jamais mais gardent contact avec une constance admirable.
Oh ciel, quelle merveille ! D’une élégance folle, le trait de Jordi Lafevre nous emporte dans un monde où tout est possible. Pour ces deux-là, c’était une évidence et leurs retrouvailles sont d’une simplicité magnifique. Tout m’a plu. A la fois le contraste entre cette mère de famille virevoltante et pleine d’énergie qui ne se voyait pas ne pas fonder une famille (même si elle est plus maire que mère au final…) et ce vieux beau tellement charmant qui se moque un peu des clichés et du bien-pensant. J’ai aussi adoré le flirt avec l’imaginaire qui m’avait déjà tellement touchée dans Lydie. Et puis cette légèreté, cette impression de toucher à l’essentiel comme si être heureux était tout simplement le plus important même si l’humour n’est pas en reste… le message est proche de celui des Beaux étés. A lire, à offrir, à relire, à donner ! Coup de cœur.
Une jolie métaphore de nos deux tourtereaux : « Il y a très longtemps, la Lune et la Terre suivaient chacune leur propre trajectoire. Un jour, elles se sont croisées et se sont attirées mutuellement, mais ni l’une ni l’autre n’est parvenue à s’arrêter. Elles ont poursuivi leur course, chacune exerçant une attraction sur l’autre… et les forces se sont conjuguées… si bien que la Lune s’est mise à tourner autour de la Terre, encore et encore… même si elles n’ont pas réussi à s’accrocher… leurs trajectoires sont à jamais liées. »
« Tu ne dois pas avoir peur d’aimer, mon garçon. Un cœur qui n’aime pas est une lumière qui ne voyage pas. »

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23 décembre 2020
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Jeb est un tueur, il en a fait son métier, il tue sans scrupules ni remords, il a sa manière de faire et son « travail » est toujours bien fait. Un soir, il rencontre Bess dans un bar malfamé où elle se voit contrainte d’abattre un homme. Les deux jeunes fuient ensemble. Démarre alors un road-trip où les cadavres sont comme les cailloux du petit Poucet sauf que ce périple vers la Californie n’a rien d’un conte. En parallèle, une mère de famille fuit avec ses deux enfants son mari que l’aîné a tué. Il y a aussi un pasteur qui aime les adolescentes, un obèse qui tient un motel crasseux, une prostituée qui offre son corps, une flic nymphomane.
Brrr… ça pique ! Acide à souhait, cette BD mêle à la fois violence et sexe, et pourtant, j’ai aimé. Les couleurs sont aussi sombres que la noirceur du récit mais chaque chapitre démarre avec une belle planche sur papier glacé aux couleurs vives, comme pour rendre ce qui suit encore un peu plus abominable. Ça décrasse, c’est du Bonnie&Clyde version trash, ça n’est surtout pas à mettre entre toutes les mains. J’ai parfois souri face à cette avalanche de haine qui a tendance à friser le cliché. Les bons sentiments ? Moynot leur vomit dessus ! On a besoin d’être un peu secoués parfois… mais ne mettez pas l'album sous le sapin familial demain soir.
Cette BD a obtenu le Fauve Polar SNCF au festival d’Angoulême 2020.

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16 décembre 2020
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Prunelle est une jeune femme originale, tête en l’air, rigolote, gaffeuse au possible. Elle enchaîne les maladresses comme raccrocher au téléphone après avoir lancé un « Je vous embrasse » à son banquier, confondre et mélanger les expressions (« mettre un poil d’honneur à vous rembourser », « c’est la quadrature du siècle ») Bref, elle est toujours à côté de la plaque et ses bourdes déclenchent soit l’hilarité soit l’incompréhension. Célibataire, elle ouvre son cabinet de naturopathie et c’est l’échec. Quelle stupeur quand elle découvre, grâce à sa mère, une sitcom qui raconte toutes ses gaffes ! Elle découvre SA vie sur le petit écran dans une série qui cartonne… mais comment est-ce possible ?
En deux tomes, l’auteur nous embarque dans la vie tourneboulée et colorée de Prunelle et les couleurs de sa personnalité rejaillissent sur les planches. Dans le second opus, celle qui se démarque par ses défauts plutôt mignonnets prouve qu’elle n’est pas aussi naïve qu’on le pense. Au début de ma lecture, j’avais assez peur de ne pas sortir du côté vaudeville ultra léger et facile et finalement, si, on n’en sort un peu en élargissement la thématique sur la frontière entre réalité et fiction, en mettant en scène une personne différente, trop idéaliste dans notre monde de bruts. Il faut aimer les couleurs vives et les dessins de Tronchet (il a bien progressé depuis 2010 !) mais j’ai tout de même passé un agréable moment avec ce Truman Show féminin à la française. Certains se reconnaîtront en ce personnage attachant, venu d’un autre univers, moins hostile que le nôtre…


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6 décembre 2020
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Découverte de l’auteur pour moi…
En deux tomes :
Premier tome : 1912. Une famille aisée : Séraphine, la fille ne vit que par et pour les livres ; le père est un grand et gros bonhommes patron d’une entreprise dans le textile ; la mère à la santé fragile se montre rarement ; le grand-père sénile est en parfaite santé et très rigolo et enfin la tante Alma vit à 100 à l’heure et rendre des Etats-Unis pour une visite expresse à la famille. Une nuit, des cambrioleurs s’emparent des trois tableaux du salon. Ce ne sont que des portraits de famille de peu de valeur. L’enquêteur Alcide Leblanc en retrouve deux assez rapidement mais des rôdeurs continuent à affoler les habitants de la riche demeure… Et le majordome, Maurice, tatoué du signe distinctif d’une bande de malfrats, attire tous les soupçons.
Second tome : La piste évoquée dans le premier tome n’est peut-être pas la bonne… Peut-être faut-il aller voir de plus près la maison campagnarde familiale pas si abandonnée qu’il n’y paraît mais aussi parler au prof de piano ou à la dynamique tante Alma qui cache bien des secrets.
J’ai bien aimé ce diptyque aux allures de comédie policière, les traits délicats et le style élégant. Je n’ai pas compris pourquoi les femmes - à la manière des femmes-girafes birmanes - avaient le cou tellement allongé. Le début du XXème siècle, un univers raffiné et des paysages enneigés, il ne m’en fallait pas beaucoup plus pour me contenter. Les fantômes de Maurice Leblanc, de Gaston Leroux et d’Agatha Christie planent avec bienveillance sur ces jolies BD.

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17 novembre 2020
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Yvan, cinquante ans, a perdu récemment son boulot, ses parents et sa femme qui s’est éloignée vivre et travailler à Taïwan. Père de deux enfants adultes vivant chacun de leur côté, il trouve refuge dans une maison dans le Jura où il va entreposer les cartons contenant les souvenirs de sa vie, de celle de ses parents. Il passe son temps à déblayer les tas de neige devant la maison, à regarder les avions passer dans le bleu du ciel, à prendre en photo les objets de son enfance et à tenter d’inviter des amis pour éviter la solitude… Une courte liaison va briser sa routine sans l’aider à se sentir mieux.
Dans cette bonne grosse BD de 108 pages, le personnage principal passe par une étape qui pourrait être une parenthèse dans sa vie, il évoque lui-même un « sas » où il se remet en question. Bien obligé de faire le deuil d’une partie de son passé, il peine à se projeter dans un avenir plus qu’incertain. Dit autrement, c’est une BD sur l’art d’assumer ses cinquante ans, sa bedaine, sa calvitie, son manque de tact, ses erreurs, sa solitude, cette nostalgie omniprésente. J’ai passé un très agréable moment, les dessins de Davodeau sont un bonheur visuel et l’histoire est attendrissante. Les photos qui remplissent une petite dizaine de planches m’ont rappelé de propres souvenirs, le côté kitsch et obsolète des objets se fait oublier : est mis en valeur tout ce qui a été et ne sera plus. A noter, les trois auteurs se sont inspirés d’une page de la vie réelle de l’un d’entre eux. La symbolique de la neige est forte : Yvan s’y enfonce souvent, peine à ressortir de cette poudreuse qui s’accumule, emplit tout l’espace, il déneige, range, trie… pour finir dans un avion, dans un ciel limpide. Une belle conclusion : « On est vivants, mec ! Je ne sais pas à quoi ça sert, mais on est vivants ! »
La BD... j'ai découvert cet univers génialissime très tard, et une de mes premières heureuses découvertes fut Davodeau.

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7 novembre 2020
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Violette (mais quel joli prénom…) est hôtesse de l’air mais rêve de devenir profiler. Elle s’exerce au quotidien et se régale quand elle rencontre Etienne dans un avion sur le point d’atterrir à Lyon. Etienne est perdu et pour cause : il a tout oublié ! Il ne sait qui il est, quel est son métier, qui est sa famille et Violette va l’aider à retrouver son identité. Grâce aux papiers se trouvant dans son sac (qu’il ne reconnaît pas), Etienne retrouve une luxueuse maison moderne et froide qui ne lui dit rien. Il s’avère travailler dans une boîte de pub, avoir des maîtresses toutes plus pulpeuses les unes que les autres et être un type qui ne sait pas dire non même si ça ne lui plaît pas. Est-il un vaurien ? Violette saura malicieusement l’aider à retrouver ses propres choix, à vaincre cette amnésie jusqu’à l’accompagner à Quito…
Je poursuis ma petite promenade dans l’œuvre de Tronchet. C’est lui qui signe le texte de cette BD amusante et divertissante. J’ai dévoré les 144 pages et j’ai passé un très agréable moment dépaysant et souriant. Romanesque, un peu fantasque et parfois peu crédible, cette BD trouve sa force dans une fraîcheur et un rythme vaudevillesque qui s’accompagne d’un humour qui ne se refuse pas. Jolie parenthèse !

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29 octobre 2020
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Lucie, Tamara et Nicole ne se connaissent pas et, pourtant, un point commun les lie : elles ont toutes été victimes de violences sexuelles. Elles sont toutes les trois inscrites à un atelier d’escrime thérapeutique. Le but est de décharger sa haine, ses rancœurs, sa culpabilité sur l’adversaire. La séance se fait en compagnie d’une psychologue. Ce qui va aussi aider ces trois femmes, c’est leur amitié naissante qui leur permettra de sortir de leurs habitudes, de parler de ce passé si difficile et faire croître quelque chose de positif.
Malgré quelques clichés et certains personnages qui auraient mérité qu’on s’y intéresse davantage ou différemment, j’ai été vraiment émue par cette histoire, « touchée » moi aussi par ces femmes qui cherchent à se reconstruire. Le mal est souvent invisible, chacune réagit à sa manière : Tamara va chercher les situations extrêmes (sexe violent, drogue), Nicole se réfugie dans le déni de soi-même, se rabaissant à tout-va, Lucie va craindre pour la vie de son petit garçon et de ses gestes empreints d’une si grande colère. Les femmes abîmées sont sur la bonne route même si celle-ci est encore longue. J’ai adoré les dessins si doux et légers pour ces êtres à la recherche de légèreté justement. Et j’ai encore plus apprécié qu’un homme soit l’auteur de cette œuvre.
Les mots du maître d’armes : « Votre corps parle. Ecoutez-le. Extirpez vos sensations les plus profondes et utilisez-les. Déchargez la colère, transpercez la culpabilité, tuez la honte, libérez-vous. »

Bon courage à toutes et tous pour ce reconfinement...
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19 octobre 2020
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- Le monstre de Querqueville -
Alors que les membres du club de natation féminine s’entraînent sur la plage, elles tombent sur un spectacle insolite : une baleine poilue s’est échouée. Elle est bleue, énorme et un morceau de métal est enfoncé dans son dos. Pacôme et Côme Glacère sont les agents spéciaux chargés d’enquêter sur le phénomène mais aussi sur la disparition du dossier de l’affaire ainsi que sur des espions. Ils sont capables de se changer en pierre quand la situation le demande. En deux épisodes, on découvre un peuple sous-marin aussi laid que pacifiste et intelligent.
Quel album surprenant et agréable ! Le contraste entre le dessin rond et doux de facture classique voire un peu vieillotte, (on peut penser à Tardi ou à Hergé) et le contenu qui frôle le loufoque et flirte avec le fantastique fait de cette BD une œuvre amusante. Les auteurs de ce New Cherbourg fictif se sont inspirés de la véritable ville de Cherbourg qu’ils connaissent bien. Il n’y pleut que quand un ministre stupide et prétentieux y passe la journée. Les petits garçons y dressent les goélands et il est fréquent de voir passer un dirigeable… vous l’aurez compris, cette uchronie a un petit quelque chose de rafraîchissant non négligeable !

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9 octobre 2020
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Inna Shevchenko est devenue célèbre pour sa participation à des actions « seins nus » dans le cadre du mouvement Femen. Comment en est-elle arrivée là ? Petite fille grandissant en Ukraine, elle a cru à un « vieux géant » qui couperait l’électricité dans l’appartement familial comme dans tous les logements de la ville de Kherson. Alors que le père de famille distribue des Bounty au compte-goutte à Inna et à sa grande sœur, la mère est absente : elle travaille en Pologne. Très tôt, Inna se rend compte qu’on lui ment. Adolescente, Inna veut faire un métier « utile à la démocratie », journaliste comme Gongadzé, un dissident assassiné. Inna se démarque des autres filles de son âge, elle veut toujours aller plus loin et, ambitieuse, elle parvient à faire des études à l’université de Kiev.
Malgré le thème qui m’intéressait énormément, malgré les dessins qui m’ont plu tout de suite, je suis restée à côté de cette BD que j’ai trouvée un peu confuse peut-être parce que je ne connais pas suffisamment l’histoire de l’Ukraine. Et bien sûr, un tome 1 sans avoir la suite sous le coude, ça frustre énormément (il faudrait arrêter de nous faire ça et tout sortir en un bloc !) J’espère tout de même que la suite paraîtra rapidement et qu’on en saura plus sur cette jeune femme rebelle.

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29 septembre 2020
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Le titre nous induit en erreur, la couverture un peu moins : il s’agit d’une biographie de Boris Vian.
Contre l’avis du médecin et peut-être paradoxalement parce que les efforts sont déconseillés, un homme brun, grand et maigre se rend à la piscine Molitor, à Paris, en 1959. Il s’agit de Boris Vian dont on retrace la vie. Les problèmes cardiaques ne l’ont pas empêché de bien grandir dans une famille riche, de s’épanouir à Landemer, dans le Cotentin. Celui qu’on surnomme le Bison s’adonne adolescent au théâtre en jouant Ubu roi. Avec quelques amis, il fonde le Cercle Legateux où l’absurde se mêle sans cesse aux airs de jazz. Ses études à l’école Centrale l’ennuient profondément et il voit avec plaisir son roman L’Ecume des jours publié chez Gallimard par Raymond Queneau. J’irai cracher sur vos tombes lui vaut un procès et, ironie du sort, c’est lors d’une adaptation filmique (qu’il n’apprécie pas du tout) de ce roman qu’il meurt, dans son fauteuil.
Après un début un peu confus, j’ai pris plaisir à lire cette petite biographie qui nous plonge dans une époque où on croise Juliette Gréco, Gainsbourg, Henri Salvador ou encore Brassens. Je ne connais pas suffisamment Boris Vian pour me faire une idée de la véracité des faits racontés mais le bonhomme paraît assez égoïste et hautain. Il ignore son fils et révèle parfois les mauvais côtés de l’anarchisme. Si elle est agréable à lire, la BD m’a paru un peu fade et lisse par rapport à l’univers évoqué mais, pour une première approche de cette univers insolite, c’est parfait.

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