La fille de… nous raconte son histoire d’amitié avec une petite Vietnamienne.
A vingt-deux ans, Lolita se cherche et elle pense pouvoir se trouver en partant un mois au Vietnam. Là-bas : désillusion ; alors qu’elle attend « pourvu qu’il m’arrive quelque chose », rien n’arrive et elle n’aime ni le pays ni cette grande ville de Saigon. Les derniers jours de son voyage, elle s’en va vers le nord, Hanoï d’abord puis Sapa, une petite ville isolée entourée de cultures en terrasse. Elle y rencontre par hasard Lo Thi Gom, une fillette de douze ans qui fait partie d’une minorité ethnique, les Hmong, et qui parle parfaitement anglais rien qu’en écoutant les touristes dans les rues. Elle lui parle de sa ville, de sa date d’anniversaire qu’elle ne connaît pas avec précision, de l’école qui est pour l’instant plutôt interdite pour son ethnie, des mariages des jeunes filles de son âge. Elles se promènent ensemble dans les rues, au marché, dans les bars. Lolita rentre chez elle, ou plutôt poursuit ses études au Canada mais Lo Thi Gom l’obsède, elle sent qu’elle a besoin de retourner la voir. C’est ce qu’elle fera, pas une fois, mais chaque année. Le Vietnam deviendra son refuge, Lo Thi Gom sa bouée de sauvetage, son repère.
C’est un beau roman graphique qui touche par sa sincérité. Lolita nous raconte sa vie d’être perdu, ses hypocondries, ses relations avec ses parents, ses peurs constantes et surtout cette rencontre aussi improbable que lumineuse. Tout n’est pas rose, elle emmène Lo Thi Gom prendre l’avion pour la première fois de sa vie pour Saigon et sent sa cadette attirée par les nouvelles technologies et les influences américaines. Elle ne sait si elle est/doit être une amie, une grande sœur, une mère… ou toujours une étrangère pour la fillette qui grandit et s’émancipe à sa façon. En effet, elle rejette longtemps le mariage, s’installe seule dans une minuscule maison brinquebalante (« mais je ne la partage avec personne »), devient guide touristique. Lolita, revenue en France, s’effraye de la demande en mariage de Renan. Les deux filles devenues femmes vont se trouver des points communs et surtout les mêmes interrogations sur la vie. Une belle surprise que cet album, pas parfait (les hachurages m'ont un peu agacée au bout d'un moment et j'aurais aimé voir les couleurs du Vietnam) mais une belle surprise.
Lo Thi Gom a un petit copain mais refuse de se marier : « Mais si je me marie je devrai tout arrêter. Je ne serai plus guide pour touriste. Je serai femme et après je serai mère. Mais moi je veux juste être moi. »
Lolita, de son père : « Il est là, c’est tout. Comme un chat devant une fenêtre qui ne chasserait jamais les oiseaux. Immobile. »
Lo Thi Gom a rêvé de poulet entier, ensuite d’école, puis de prendre l’avion : « Maintenant j’aimerais découvrir le monde, venir te voir à Paris… Mais je sais que plus rêves grossissent, moins j’ai de chance d’être heureuse. »
Un extrait que je trouve si simple et si beau : « Nous vivons tous dans une cage. Celle de notre histoire, de notre pays, de notre famille. Parfois nous nous échappons pour 3 minutes d’envol. Et ces 3 minutes de fausse liberté sont plus précieuses que tout. Ces instants volés entre l’enfance et l’âge adulte. Entre ici et ailleurs… A peine quelques battements d’ailes dans un ciel anonyme ou dans les brumes de Sapa. »