Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 juin 2021 6 26 /06 /juin /2021 07:52

La petite fille qui aimait trop les allumettes - Babelio

Encore un roman sorti de ma PAL et dont j’ignore la date d’entrée… peut-être avant de ne pas aller au Québec à cause de la pandémie ?

Deux adolescents découvrent un jour leur père pendu. Ils s’émeuvent un peu soit, mais l’éducation qu’ils ont reçue, dans cette ferme isolée, rend leur comportement étrange. Père était toujours seul à s’occuper d’eux, il les appelait « Fils » sans les nommer, les frappait à longueur de journée, les coupait du monde, s’adonnait à des activités masochistes. Les enfants sont persuadés que Père les avait pétris pour les faire naître. Le narrateur aimait se plonger dans la lecture de dictionnaires mis à sa disposition et astiquer l’argenterie mais là, il doit bien admettre qu’il doit prendre ses responsabilités et aller au village où il n’a jamais mis les pieds pour réclamer un cercueil. Son frère de jumeau est un incapable qui passe son temps à se tripoter. C’est donc avec un cheval dont la panse traîne au sol qu’il arrive dans un monde inconnu de lui ; il n’y sera pas bien reçu.

Je ne veux pas trop en dire parce que ce roman est assez extra-ordinaire. Au bout d’une cinquantaine de pages, une surprise surgit, puis une autre. Entre sidération et sourire, le lecteur ne sait trop où se situer. Il est d’emblée fortement bousculé par cette écriture âpre, des néologismes, des trouvailles langagières et des considérations parfois bestiales. Puis il avance prudemment dans un univers qui n’a rien à envier aux contes noirs. Certains passages m’ont fait penser à Céline, c’est dire. Je ne vais pas vous mentir, j’ai aimé me faire malmener et surprendre par cette lecture ô combien originale. Il est question d’éducation marginale, de sorcière, de « secrétarien » qui a un livre à écrire, de fracas, de demeure à défendre et peut-être même de résilience.

« J’ai omis de le mentionner, mais je suis le plus intelligent des deux.  Mes raisonnements frappent comme des coups de gourdin. Si c’était mon frère qui rédigeait ces lignes, la pauvreté de la pensée sauterait à la figure, personne ne comprendrait plus rien. »

Où enterrer le Père : « Misère et boule de gomme. »

« Je suis demandai si je pouvais échanger mes sous contre une boîte à mort, mais j’eusse aussi bien fait d’interroger le tas de cailloux blancs couleur de cadavre de père au fond du ruisseau desséché. »

« J’avais définitivement compris que nos rêves ne descendent sur terre que le temps de nous faire un pied de nez, en nous laissant une saveur sur la langue, quelque chose comme de la confiture de caillots. »

 

Partager cet article
Repost0
23 juin 2021 3 23 /06 /juin /2021 21:26

Sur les chemins noirs eBook: Tesson, Sylvain: Amazon.fr

       Suite à sa chute de huit mètres de haut d’un toit de chez Rufin, après des mois d’hospitalisation, Sylvain Tesson a pris une décision bien insolite pour se requinquer : traverser la France à pied. Parti le 24 août du Mercantour, à la frontière italienne, il va parcourir le trajet vers la pointe nord du Cotentin souvent seul, parfois accompagné d’un ami et touchera son but le 8 novembre. Ce qui l’importe, c’est de parcourir les « chemins noirs », ces routes peu fréquentées, loin de l’agitation humaine, des voitures et du bruit. Il évoque également par là une ruralité française en souffrance et en perdition, des villages déserts, des commerces qui ferment, des efforts un peu absurdes pour obtenir le wifi.

       Evidemment que j’ai aimé ce court récit de voyage ! Sylvain Tesson force le respect. Alors que d’autres se feraient plaindre et servir, lui sillonne la France avec sa ataraxie et son impertinence coutumières. Mise à part une crise d’épilepsie (une nuit à l’hôpital), quelques douleurs à peine évoquées (et pourtant quotidiennes) et son interdiction de boire de l’alcool, on dirait un jeune homme en pleine forme. Les nombreuses citations le prouvent : j’adore le style ! Son écriture parfume chaque page, agrémentée de réflexions caustiques, souvent drôles, toujours justes. J’aimerais moi aussi m’échapper avec lui, fuir, prendre ce « carton d’invitation à ficher le camp. » Là, tout de suite, maintenant.

 

Son côté rustre : les proches, « je préférais penser à eux que les côtoyer. »

Sa mère est morte quelques mois plus tôt : « On m’avait ramassé. J’étais revenu à la vie. Mort, je n’aurais même pas eu la grâce de voir ma mère au Ciel. Cent milliards d’être humains sont nés sur cette Terre depuis que les Homo sapiens sont devenus ce que nous sommes. Croit-on vraiment qu’on retrouve un proche dans la cohue d’une termitière éternelle encombrée d’angelots ? »

Les chemins noirs : « Ils ouvraient sur l’échappée, ils étaient oubliés, le silence y régnait, on n’y croisait personne et parfois la broussaille se refermait aussitôt après le passage. Certains hommes espéraient entrer dans l’Histoire. Nous étions quelques-uns à préférer disparaître dans la géographie. »

A la presque fin de son périple : « Le matin, j’éprouvais encore de vives douleurs dans le dos. Trois ou quatre kilomètres en venaient à bout : un rouage actionné longtemps s’huile de lui-même. La marche avait aussi ses effets d’alambic moral, dissolvant les scories. Tout corps après sa chute – pour peu qu’il s’en relève – devrait entreprendre une randonnée forcée. »

« On devrait toujours répondre à l’invitation des cartes, croire à leur promesse, traverser le pays et se tenir quelques minutes au bout du territoire pour clore les mauvais chapitres. »

 

 

Partager cet article
Repost0
21 juin 2021 1 21 /06 /juin /2021 20:45

Dans les yeux de Lya -3- Un coupable intouchable

Un coupable intouchable.

Une première pour moi, j’ai lu la suite de la série, ce tome 3 grâce au magazine Spirou et grâce à ma fille qui a eu la gentillesse de me retrouver les 9 feuilletons. J’ai donc pu enchaîner toutes les parties en une seule fois (lire une BD en feuilletons, ciel, est-ce possible quand on a une mémoire très très réduite ??)

Lya est invitée à accompagner Clément à une soirée caritative organisée par Von Diter, celui qu’elle imagine être à l’origine de son accident et qui aurait pris la fuite puis donné une grosse somme d’argent aux parents de Lya. Elle rencontre Mme Von Diter et soupçonne de plus en plus l’un des deux fils d’être le coupable. Accompagnée du fidèle Antoine qui en pince de plus en plus pour sa meilleure amie et secondée par Adèle, la jeune femme va vaincre ses peurs, bien décidée à découvrir la vérité.

Cette série se lit décidément avec plaisir ! Pour ado peut-être mais pour adultes, ça passe sans problème aussi ! J’ai aimé le graphisme, encore une fois, le suspense du scénario a parfaitement fonctionné sur moi. On peut ne pas apprécier le dessin à la façon cartoon mais j’ai apprécié et les reflets changeants, les jeux de lumière et de couleurs, encore plus.

Dans les yeux de Lya dans Spirou

 

 

Partager cet article
Repost0
17 juin 2021 4 17 /06 /juin /2021 21:44

Le dynamiteur - Henning Mankell - Babelio

       Je ne peux passer quelques mois sans lire mon auteur suédois préféré. Je suis tombée par hasard sur son tout premier roman.

       Suède, 1911. Oskar est un dynamiteur et, à 23 ans, alors qu’il vérifiait une dynamite destinée au percement d’un tunnel, tout explose. Pourtant, Oskar survivra. Avec une main et un œil en moins. Celle qu’il côtoyait avant l’accident ne voudra plus de lui mais, par un concours de circonstances, c’est sa sœur, Elvira, qu’il épousera. Parfois au chômage, toujours au fait de l’actualité (deuxième guerre, crise du canal de Suez, courants socialistes et communistes), il vivra chichement mais heureux avec sa femme et ses trois enfants, toujours en quête de justice sociale.

       C’est un roman assez étrange, elliptique et empli de poésie. On ignore tout du narrateur qui vient discuter régulièrement avec Oskar dans le petit sauna où il vit en bord de mer. Des va-et-vient entre les différents moments du passé et le présent sont faits. Même si ça n’a rien à voir avec les futures enquêtes du commissaire Wallander, on trouve déjà la marque de fabrique de Mankell : une écriture sobre et efficace, les thématiques de la solitude, des réflexions politiques, de la mélancolie, les doutes d’un homme assez âgé (et Mankell n’a que 25 ans quand il écrit le livre !), le portrait d’une société gangrénée. Sans être totalement emballée, j’ai bien aimé ce roman que j’ai trouvé émouvant pour sa douce tristesse et proche de l’univers d’un Sorj Chalandon quant à cette vision du monde en déclin.

« Le récit est superficiel. Laconique, comme Oskar. Il a des failles, des vides. Mais la surface est poreuse. Lentement elle commence à se retrousser et à s’ouvrir. Derrière la surface, l’histoire. L’histoire des changements. »

« L’histoire d’Oskar est comme l’iceberg : ce que tu en vois n’est qu’une petite partie. La plus grande partie est cachée sous la surface. Là se trouve la lourde masse de glace qui s’équilibre avec l’eau et rend la vitesse et le cap stables. »

Partager cet article
Repost0
14 juin 2021 1 14 /06 /juin /2021 09:36

Vanda - Marion Brunet

        Vanda est une jeune femme à part. Elle vit seule avec son fils Noé, 6 ans, dans un très modeste cabanon sur la plage, dans une grande ville du Sud de la France. Impertinente et impulsive, elle gagne péniblement sa vie en faisant le ménage dans un hôpital psychiatrique. Cet équilibre déjà fragile vacille le jour où Simon, le père de Noé, découvre sa paternité. Perdu entre sa nouvelle vie de bobo parisien et son passé de fêtard du Sud, il tient à assumer sa part de paternité alors que Vanda préfère continuer sa vie d’avant – seule avec Noé.

        J’ai beaucoup aimé cette lecture. Avec peu, on peut faire beaucoup. Des personnages bien dessinés, un cabanon sur une plage, un contexte de crise sociale et des êtres à la dérive… il n’en faut pas plus pour créer une étincelle et amener le récit vers une tension dramatique. Et le texte pose des questions, celui de la parentalité, de la précarité, de l’amour exclusif entre une mère et son fils à la fois sublime et malsain. On penche tantôt du côté de Simon, tantôt de celui de Vanda, on hésite à voir Vanda comme une victime, parfois comme un bourreau. A la fois solaire et très sombre, Vanda ne tranche pas, laisse les portes ouvertes… et marque, tout simplement. Efficace, brut et brutal.

« La haine se mêle à la peur, Vanda se sent au bord de l’explosion, tout au bord. Qu’ils crèvent. Que leurs sourires cyniques s’élargissent au couteau. Qu’ils étouffent dans leur mépris, se carrent leurs millions dans le cul et qu’ils crèvent. »

Vanda se fait virer mais il manque pourtant du personnel : « Vanda voit surtout que ce sont deux choses contradictoires, un peu comme baisser le nombre d’enseignants pour promouvoir l’éducation ou faire sauter des allocs pour lutter contre la pauvreté. Elle n’est pas cortiquée pour ce type d’illogisme. Au rythme où se multiplient les non-sens, les hôpitaux psychiatriques vont se remplir de plus en plus. »

Partager cet article
Repost0
10 juin 2021 4 10 /06 /juin /2021 18:15

La boîte de petits pois

         GieDré est née en Lituanie où elle a grandi dans un climat de naïveté totale et d’ignorance. En effet, avant l’indépendance du pays, communisme et précarité régnaient pour presque tout le monde ; seuls les apparatchiks avaient des droits et des privilèges mais le commun des mortels était sans cesse espionné, gardait une boîte de petits pois pour le repas de Noël tant la denrée était rare, s’émerveillait en buvant du vrai café, ne parvenait jamais à acheter deux meubles assortis, faisait la queue pour se procurer tel ou tel aliment qui n’était même pas choisi. Méfiance et système D dans un pays qui fabrique des athlètes champions, on le sait bien. GiedRé va grandir et connaître l’indépendance qui a suivi cette formidable chaîne humaine ralliant la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie. Encore enfant, elle va gagner la France avec sa mère.

         On retrouve la candeur du style de la narration dans le dessin enfantin et coloré ; et c’est une vraie réussite. Dépourvu de pathos et d’auto-apitoiement, le récit délivre des faits, une vie qui n’était pas idéale mais qui, pour une enfant qui n’a rien connu d’autre, avait aussi ses bons côtés. Solidarité et partage prenaient tout leur sens. Quand un enfant recevait, ô miracle, un chewing-gum par un oncle revenu de l’étranger, il appelait tous les enfants du quartier qui s’asseyaient en cercle, « et on avait tous le droit de mâcher le chewing-gum pendant une minute, chacun son tour. C’était vraiment trop bon. Sauf quand on était le dernier, où c’était un peu moins bon, mais bon quand même. » Le récit est touchant et drôle à la fois, agrémenté de la dimension autobiographique : c’est la mère de GiedRé qui lui a raconté ses souvenirs. J’ai offert l’album à ma fille qui a adoré au point de le relire. On retrouve l’ironie et l’humour de la jeune femme dans ses chansons que vous invite à découvrir sur son site.

Un seul bémol : les fautes d’orthographe – il y en a même sur la quatrième de couverture.

« Sortir du pays était interdit. A vrai dire, on n’y pensait même pas. Parfois, on pouvait avoir l’autorisation d’aller dans un autre pays de l’Union, pour le travail, par exemple. Et si on connaissait quelqu’un qui partait, c’était la MÉGA-CHANCE car de temps en temps, il rapportait des trucs comme par exemple une gomme. Et alors c’était la fête dans toute la classe. Et on la découpait en autant de petits bouts qu’il y avait d’enfants. Et chacun en avait un petit morceau. »

https://www.avoir-alire.com/local/cache-vignettes/L672xH911/boitedepetitspois-1-fc538.jpg?1578313117

Partager cet article
Repost0
8 juin 2021 2 08 /06 /juin /2021 15:35

Dernières nouvelles des oiseaux, Erik Orsenna, Santiago Morilla | Livre de  Poche

J’ai acheté ce livre à sa sortie poche, c’est-à-dire en 2007 !

Un certain président qui aime prendre des décisions a l’idée de récompenser des élèves qui sortent du lot, ceux qui n’ont pas l’habitude d’être mis sur un piédestal, qui ne sont pas élèves modèles mais se laissent guider par une passion qui bien souvent les isole des autres. Sept enfants se distinguent : Javier le passionné d’escaliers, Morwenna qui adore les ailes, Victoria la spécialiste de mécanique, Etienne qui adore déménager, Thomas un expert des colles, Hillary fan des boîtes et des cylindres et Hans le passionné des nuages. Ces sept jeunes atypiques sont amenés sur une île où on leur laisse la liberté de s’adonner à leur passion. Mais le président constate qu’il n’y a ni cohésion ni entente entre les sept, il va tenter de les réunir. Une tempête spectaculaire les isole encore un peu plus du reste du monde et, pour pouvoir fuir, un projet commun - construire un avion - va enfin fédérer les qualités de tous.

J’étais un peu sceptique au départ comme souvent avec de la littérature jeunesse (ce livre n’est d’ailleurs nulle part affiché comme tel !?) mais finalement, je me suis prêtée au jeu et j’ai aimé cette histoire un peu poétique, un peu farfelue et très douce. L’univers est naïf et sans doute un peu désuet mais on apprécie cette morale qui dit que les originaux ont leur place dans le monde et que chacun a une qualité bien à lui. Est-ce que ça peut plaire à un enfant ? Ma fille y a prêté quelques secondes d’attention mais n’est pas sûre de vouloir le lire. Certaines images sont vraiment jolies, cette vieille carcasse de baleine protégée par les algues et qui constituera le corps de l’avion… et le texte est accompagné des illustrations de Santiago Morilla.

« Une passion isole. Isole de tout, des autres, de la vie, isole du reste du monde tout autant que la mer. »

« Personne ne s’était rendu compte du miracle : malgré la diversité des langues, tout le monde se comprenait. Sans doute que les vents, les vents terribles avaient, dans les têtes, redistribué les mots. »

Partager cet article
Repost0
5 juin 2021 6 05 /06 /juin /2021 00:07

Livre: L'Inconnu de la poste, Florence Aubenas, Éditions de L'Olivier,  Essais, 9782823609851 - Leslibraires.fr

 

        Gérald Thomassin est un homme étrange. Elevé (ou pas vraiment justement…) par une mère alcoolique et dépravée, il devient acteur à partir du moment où il décroche - par hasard - le rôle principal dans Le Petit Criminel de Jacques Doillon en 1990, il a alors 16 ans. Mais ce n’est pas ce qui nous intéresse. L’essentiel réside dans ce gros bourg de l’Ain, Montréal-la-Cluse, où Thomassin a élu domicile en 2007, et plus précisément dans un minuscule bureau de poste où Catherine Burgod, une quarantenaire enceinte, a été assassinée à coups de couteau. L’enquête piétine. Thomassin a mal tourné, il vit de quelques euros, est souvent ivre, sous Subutex. Ses deux copains, Tintin et Rambouille, trouvent qu’il parle souvent du crime de la poste. Deux dames croisées près de la tombe de Catherine, s’inquiètent pour les mêmes raisons, et en plus il sait décrire la scène du crime avec précision. Mais Thomassin n’a ni mobile ni indices ni ADN qui le confondraient. Il continue à tenir des propos bizarres, très souvent en lien avec le meurtre. Puis il fuit la petite ville pour Rochefort.

       On l’a entendu souvent, Florence Aubenas n’est pas seulement journaliste, elle est aussi écrivaine. Il est vrai que les qualités d’écriture du roman sont indéniables, elle sait happer le lecteur, trouver le mot juste, ménager le suspense. Au-delà de cette affaire digne effectivement d’un récit policier, c’est une photographie d’un coin de France rurale qui nous est donnée à voir, avec ses ragots, son apparente tranquillité, ses habitants pas si banals qu’il n’y paraît à première vue (ben oui…). On sent un travail de recherche poussé et abouti, des recherches minutieuses. J’émettrais un petit bémol, une légère lassitude a point mi-parcours, liée sans doute au personnage tête à claques, un looser de premier ordre, qui oscille entre bêtise, folie et cruauté. Mais c’est aussi sa complexité qui rend l’ouvrage intéressant.

Le père de Catherine – à plaindre, évidemment : « Plusieurs fois par semaine, les gendarmes ont pris l’habitude de passer aux nouvelles chez Raymond Burgod, dans le vieux village. Ils le trouvent rarement seul. Sa cuisine a été surnommée « le QG », il y a toujours un visiteur, journaliste, voisin, collègue. »

 

Partager cet article
Repost0
1 juin 2021 2 01 /06 /juin /2021 13:35

Des diables et des saints - Jean-Baptiste Andrea - Babelio

C’est à la fois émue et excitée que j’ai démarré la lecture de ce roman, j’avais tellement aimé Cent millions d’années et un jour que la barre était haut placée.

Joseph est un vieux monsieur qui joue sur les pianos mis à disposition dans les lieux publics. Il joue divinement bien, surtout dans les aéroports et les gares. Un jour, il raconte son histoire. Petit, il a vécu une tragédie qui a bouleversé le cours de sa vie : ses parents et sa sœur ont péri dans un crash d’avion. Issu d’une famille très aisée, il s’est pourtant retrouvé dans un orphelinat, Les Confins, qui porte bien son nom : isolé de tout, proche de la frontière espagnole, c’est un microcosme coupé du reste du monde. Ses deux tortionnaires, l’abbé Sénac et le surveillant surnommé La Grenouille, rendent le quotidien sombre et austère. Joseph finit par intégrer un groupe secret, la Vigie, qui se réunit régulièrement, de nuit, sur la terrasse du bâtiment. Une amitié faite aussi de rivalités et parfois de trahisons, naît là-haut entre la Fouine, Sinatra, Edison et le petit Souzix, sur fond d’émission de radio. La routine est aussi brisée grâce à Rose, fille d’un mécène, qui a besoin de cours de piano. Joseph, une fois par semaine, va se rendre dans une vaste demeure qui lui rappellera l’opulence qu’il a connue autrefois. Mais Rose, entre froideur et arrogance, est tout ce qu’il déteste. Leurs sentiments de haine réciproque ne vont peut-être pas durer mais tout ce qui compte pour les garçons est de s’échapper de leur enfer.

Complètement conquise, j’ai été portée et emportée par cette histoire qui aurait pu durer 500 pages de plus. Romanesque à souhait, l’intrigue prend aux tripes, réveille nos désirs de justice, accompagne ces orphelins si fiers et si vaillants. Il est question de résilience, de témérité adolescente, d’amour naissant et de possibilité de pardon. On s’attache forcément à ces adultes en devenir en pensant au vers de Victor Hugo « Innocents dans un bagne, anges dans un enfer. » Et puis il y a l’écriture de Jean-Baptiste Andrea, belle et savoureuse, imagée et juste, elle m’a encore une fois complètement séduite. Des passages entiers que je voudrais garder au creux de ma poche comme cette nuit de tempête où les garçons hurlent fort sans qu’on les entende, « un flot d’or pur, dévastateur, qui se changerait en comète et s’en irait chatouiller des galaxies lointaines. »

Un beau coup de cœur de lecture !

« tu ne joueras jamais comme moi, mon garçon. Mais si ça continue, il y a plus grave. Tu ne joueras jamais comme toi. »

« Je n’étais pas un saint, je l’admets. Ceux de la Vigie encore moins, mais eux avaient une excuse. Quand on croise un enfant qui titube sous le poids d’un cartable ou un vieux qui peine à tirer une valise, on se précipite pour les aider. Ces gamins-là – je dis gamins mais, à l’exception de Souzix, c’étaient presque des hommes -, personne n’avait jamais offert de porter leur colère. On les laissait buter contre les trottoirs, et on regardait ailleurs. Tant pis s’ils tombaient. Ça valait mieux que d’être écrasé par ce qu’ils charriaient. Ils étaient durs, ils étaient drôles, ils étaient sans victoires. Mes amis. Les soirs de tristesse, les soirs de vin aigre, je pense encore à eux. »

Partager cet article
Repost0
29 mai 2021 6 29 /05 /mai /2021 15:34

 

Les cinq conteurs de bagdad de Fabien Vehlmann, Frantz Duchazeau -  BDfugue.com

 

« Il y a de cela bien longtemps, le calife de Bagdad, qui adorait les contes, eut l’idée d’organiser un grand concours. » Voilà le point de départ d’un récit riche en aventures et en dépaysement. Les cinq conteurs les plus prometteurs sont amenés à collaborer. Il y a le grand Nazim qui émerveille les auditeurs sur les marchés en improvisant ; Wahid qui officie plutôt dans les cafés et fascine les clients ; Tarek, ancien gamin des rues, qui fascine son public entre deux larcins ; Tarek tient à inscrire son vieux maître Anouar et ses récits indécents et provocateurs. Enfin, le petit Ahmed, fils du calife lui-même, tient à concourir. Le défi n’est pas anodin, celui qui perd y laisse sa vie… Avant de partir à travers le monde cueillir les plus histoires, les cinq consultent une devineresse qui leur prédit tragédies et surprises.

C’est une BD qui fait voyager ! Les cinq conteurs sont assez drôles, il se trouve que l’un d’eux est une femme, que le gros costaud est celui qui doit assassiner un autre alors qu’il est gentil comme un nounours… Les dessins sont très diversifiés, même un peu trop, il en ressort un côté brouillon qui perd un peu le lecteur. Sachez que la belle couverture aux oiseaux multicolores est un leurre : chaque volatile raconte son propre conte et la cacophonie qui en résulte est une séance de torture pour ceux qui l’entendent ! Un bon moment de lecture sur l’art du conteur.

De Fabien Vehlmann, j’avais lu – il y a bien longtemps – l'effrayant Jolies ténèbres.

Les cinq conteurs de bagdad de Fabien Vehlmann, Frantz Duchazeau -  BDfugue.com

Partager cet article
Repost0