Encore un roman sorti de ma PAL et dont j’ignore la date d’entrée… peut-être avant de ne pas aller au Québec à cause de la pandémie ?
Deux adolescents découvrent un jour leur père pendu. Ils s’émeuvent un peu soit, mais l’éducation qu’ils ont reçue, dans cette ferme isolée, rend leur comportement étrange. Père était toujours seul à s’occuper d’eux, il les appelait « Fils » sans les nommer, les frappait à longueur de journée, les coupait du monde, s’adonnait à des activités masochistes. Les enfants sont persuadés que Père les avait pétris pour les faire naître. Le narrateur aimait se plonger dans la lecture de dictionnaires mis à sa disposition et astiquer l’argenterie mais là, il doit bien admettre qu’il doit prendre ses responsabilités et aller au village où il n’a jamais mis les pieds pour réclamer un cercueil. Son frère de jumeau est un incapable qui passe son temps à se tripoter. C’est donc avec un cheval dont la panse traîne au sol qu’il arrive dans un monde inconnu de lui ; il n’y sera pas bien reçu.
Je ne veux pas trop en dire parce que ce roman est assez extra-ordinaire. Au bout d’une cinquantaine de pages, une surprise surgit, puis une autre. Entre sidération et sourire, le lecteur ne sait trop où se situer. Il est d’emblée fortement bousculé par cette écriture âpre, des néologismes, des trouvailles langagières et des considérations parfois bestiales. Puis il avance prudemment dans un univers qui n’a rien à envier aux contes noirs. Certains passages m’ont fait penser à Céline, c’est dire. Je ne vais pas vous mentir, j’ai aimé me faire malmener et surprendre par cette lecture ô combien originale. Il est question d’éducation marginale, de sorcière, de « secrétarien » qui a un livre à écrire, de fracas, de demeure à défendre et peut-être même de résilience.
« J’ai omis de le mentionner, mais je suis le plus intelligent des deux. Mes raisonnements frappent comme des coups de gourdin. Si c’était mon frère qui rédigeait ces lignes, la pauvreté de la pensée sauterait à la figure, personne ne comprendrait plus rien. »
Où enterrer le Père : « Misère et boule de gomme. »
« Je suis demandai si je pouvais échanger mes sous contre une boîte à mort, mais j’eusse aussi bien fait d’interroger le tas de cailloux blancs couleur de cadavre de père au fond du ruisseau desséché. »
« J’avais définitivement compris que nos rêves ne descendent sur terre que le temps de nous faire un pied de nez, en nous laissant une saveur sur la langue, quelque chose comme de la confiture de caillots. »