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26 juillet 2021 1 26 /07 /juillet /2021 13:16

Cinq Semaines en ballon, Jules Verne | Livre de Poche

Après la belle surprise du Château des Carpathes, je continue ma découverte vernienne.

Un dénommé Samuel Fergusson, docteur et grand explorateur, a bénéficié d’une très importante « indemnité d’encouragement » pour un projet que même son meilleur ami, Dick Kennedy, considère comme insensé. Il s’agit de traverser l’Afrique d’ouest en est en ballon. C’est accompagné de Joe, le fidèle serviteur et cuisinier, Dick le chasseur (il part contre son gré mais ne se plaint pas longtemps) que le décollage est lancé depuis Zanzibar. Entre conditions météorologiques compliquées, chasse à l’antilope, pénuries d’eau, assaut de singes, disparition de Joe, mirages et accueil des indigènes très variable (tantôt on leur tire dessus, tantôt on les prend pour des fils de la Lune !), le voyage n’est pas de tout repos. Evidemment, les trois aventuriers arriveront vivants et triomphants au Sénégal cinq semaines plus tard.

J’ai malheureusement trouvé ici ce que je redoutais de l’univers de Verne : des explications scientifiques qui me passent par-dessus la tête et un certain ennui. Rajoutons à cela des considérations racistes : les Nègres sont des sauvages, cannibales ou complètement stupides (oui, c’est l’époque qui veut ça mais j’ai quand même du mal à lire ça !... voir la terrible citation plus bas) J’ai éprouvé des difficultés à lire certains passages mais d’autres, grâce à quelques péripéties savoureuses, m’ont à nouveau remotivée.

« Les obstacles, répondit sérieusement Fergusson, sont inventés pour être vaincus ; quant aux dangers, qui peut se flatter de les fuir ? Tout est danger dans la vie ; il peut être très dangereux de s’asseoir devant sa table ou de mettre son chapeau sur sa tête ; il faut d’ailleurs considérer ce qui doit arriver comme arrivé déjà, et ne voir que le présent dans l’avenir, car l’avenir n’est qu’un présent un peu plus éloigné. »
 

«   -      Nous t’avions cru assiégé par des indigènes.

     -      Ce n’étaient que des singes, heureusement ! répondit le docteur.

     -      De loin, la différence n’est pas grande, mon cher Samuel. »
 

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23 juillet 2021 5 23 /07 /juillet /2021 14:21

Le coin lecture de Nath: Peau d'Homme - Hubert & Zanzim ♥♥♥♥♥

         Bianca va se marier. Jolie jeune fille de bonne famille, elle s’étonne qu’on lui impose un certain Giovanni sans qu’elle soit amenée à le connaître davantage. Ses amies l’envient, il y a pire, il est bel homme. Quand Bianca se confie à sa tante, cette dernière lui révèle un secret de famille : « nous avons en notre possession une peau d’homme. » A la manière d’un costume qu’on enfile, Bianca va revêtir cette peau masculine pour mieux connaître Giovanni. Elle découvre alors qu’il préfère les hommes et qu’il est très attiré par cette version mâle de Bianca : Lorenzo. Alors que Giovanni et Bianca sont désormais mari et femme, Giovanni poursuit son histoire d’amour avec Lorenzo qui se rebelle contre son frère, un religieux fourbe, puritain et misogyne qui voit le Diable en toutes les formes généreuses des femmes. Lorsque Bianca tombe enceinte, le costume de l’homme ne lui siéra plus…

         Quelle étrange et édifiante histoire ! Cet album non seulement ouvre les portes de l’imagination que permet cette métamorphose en homme (j’aimerais tester !) mais constitue aussi une bonne leçon aux gens bien-pensants à l’esprit trop étriqué. Evidemment, l’histoire se passe à la Renaissance et on pourrait croire que les mœurs ont évolué mais les auteurs vont plus loin qu’une simple rébellion d’une femme qui en a assez d’être soumise. Ils proposent une réflexion sur la vie conjugale et la sexualité, sur le besoin de s’émanciper qu’on soit homme ou femme et sur, tout simplement, une plus grande tolérance. Une très belle lecture, originale, vivifiante et sensuelle.

– à lire !

« J’ai un corps et je n’en ai pas honte. En soi, il n’est ni bon, ni mauvais. Ce n’est pas lui le problème : c’est ton regard qui est sale. »

Peau d'homme - KuB

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19 juillet 2021 1 19 /07 /juillet /2021 14:14

L'Homme aux murmures: Amazon.fr: North, Alex: Livres

Tom, un écrivain veuf depuis peu, vient d’emménager dans une maison avec son fils Jake. Le garçon a un comportement étrange, il a une amie imaginaire et entend parfois des voix ou plutôt des « murmures ». En parallèle, un garçon de six ans disparaît. Le mode opératoire ressemble fortement à celui d’un tueur d’enfants, Carter, qui croupit en prison depuis des années. Pete, le policier en charge de l’enquête redoute ce serial killer plus que tout. Le criminel ne parle que par énigmes mais semble savoir ce qui s’est passé à l’extérieur de sa geôle. Le lecteur sait qu’un danger plane sur la tête de Jake…

J’ai reçu ce roman grâce à la Kube à qui j’avais demandé un polar intelligent dans la lignée de ceux d’Henning Mankell. Le roman d’Alex North n’est pas comparable aux qualités de mon cher et regretté romancier suédois préféré mais force est d’admettre que j’ai été happée par cette histoire sordide et effrayante assez rapidement. Il démarre doucement puis gagne en vigueur et dévoile des surprises au fil des pages. Il est toujours inquiétant de se dire qu’on ne connaît pas les gens qui nous entourent et c’est le cas d’un papa avec son fils. J’ai passé un bon moment sans faire pour autant de ce polar un indispensable.

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16 juillet 2021 5 16 /07 /juillet /2021 14:29

Un si petit monde - Jean-Philippe Blondel - Babelio

En 1989, Philippe un peu surpris, vient d’apprendre qu’il a eu le concours et sera prof d’anglais. Sa mère, elle, est une institutrice presque à la retraite. Le père, André, préfère passer une partie de sa semaine à Paris, loin des siens. Il y a aussi Geneviève qui a eu un enfant après 40 ans et dont elle ignore l’identité du père puisqu’elle avait couché avec Gérard, le père de Baptiste, le grand copain de Philippe. Janick, la veuve de Gérard et Michèle, la mère de Philippe, décident de vivre ensemble puisqu’elles peuvent ses passer des hommes. Oui, c’est compliqué et il faut suivre.

Je ne savais pas, au départ, qu’il s’agissait de la suite de La Grande escapade que je n’ai pas lu. Et ça fait effectivement un peu feuilleton télé qu’on ne comprend pas forcément si on a loupé un épisode. Même si c’est assez drôle et simple et qu’il y a quelque chose de réconfortant à se glisser dans un roman de Blondel, j’ai été un peu déçue parce que je n’ai pas vraiment réussi à m’attacher aux personnages. Ça reste sympatoche comme Les Petits mouchoirs … des copains, des disputes, des amours, des tromperies, un peu d’espoir dans un dénouement virevoltant, la vie quoi.

(Ce serait bien pratique d'apposer sur la couverture "second tome" ou "suite de...")

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13 juillet 2021 2 13 /07 /juillet /2021 08:47

https://www.actuabd.com/local/cache-vignettes/L330xH463/arton26823-401eb.jpg?1608294105

L’artiste nous expose son projet dans les premières planches : « rendre hommage » aux belles personnes qui ont été évoquées par d’autres, raconter de petites vies anonymes en passant par « le filtre de l’admiration, voire de l’amour, de la personne qui raconte. » Il y a Denise, petite et trapue qui s’adonne à la permaculture, Mint le chien hyperactif qui fait des merveilles en tant que guide, le frère schizophrène qui se bat au quotidien et aimerait de temps en temps qu’on lui sourie, la professeure de philosophie qui ne jure que par Bergson et a toujours un mot gentil pour ses anciens élèves, un bricoleur alchimiste ou encore un homme qui tous les matins attend le bus et disparaît un jour.

Ces magnifiques portraits sont suivis des textes originels qui apportent vraiment quelque chose en plus à cet album coup de cœur. Chloé Cruchaudet nous dévoile un pan de sa création, tout le travail de sélection qu’elle a accompli mais aussi cette transcendance où elle excelle, cette façon de ne garder que le meilleur de textes déjà très bien écrits, l’élixir des mots mis en dessins. Le résultat est sublime et ranime attention et compassion qu’on oublie trop souvent de porter aux gens qui nous entourent ou qu’on ne croise qu’une fois. C’est aussi une manière de révéler toutes les richesses contenues – parfois cachées – dans chacun des êtres. Ces mots, ces détails, ces sourires qui transforment une journée pourrie en une palette plus colorée. Oui, je suis totalement enthousiaste pour ce bouleversant album lu dans ma voiture un soir d’orage avec de beaux nuages gris et voluptueux qui seyaient si parfaitement à cette belle lecture. Cerise sur le gâteau, ma fille l'a apprécié tout autant que moi, elle l'a dévoré, elle aussi !

https://www.bdgest.com/prepages/thb_planche/3055_P3.jpg

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10 juillet 2021 6 10 /07 /juillet /2021 09:10

Animo Trouver la force d'entreprendre quelque chose de difficile - broché -  Elliot Nakache, Hervé Dupied - Achat Livre | fnac

J’ai chapardé ce livre à une gentille collègue…

Deux copains, la trentaine, qui se sont rencontrés dans un bar de Hong-Kong décident de parcourir l’Amérique du Sud depuis Mexico jusqu’à Ushuaïa. Sans grande expérience, avec souvent que leurs pieds pour moyen de transport, ils vont marcher plus de 7000 kms en un an, rencontrer les autochtones, se faire peur, gravir des montagnes et des volcans, suer et grelotter, souffrir et déconner. Attentifs à l’environnement qui les entoure, ils constatent que les déchets sont partout et que l’éducation à l’écologie ne se fait pas dans tous les pays. Entre les mines d’argent et d’or, l’huile de palme, la construction de barrages, de canaux, l’épandage de pesticides, la nature est toujours la première victime.

Je suis friande de ce genre de récit de voyage ! Celui-ci se trouve dans un beau livre où des photos accompagnent les textes. Les deux compagnons prennent la parole à tour de rôle.  Evidemment, comme souvent, l’objectif n’est pas la belle prose ni la qualité littéraire mais l’esprit d’aventure compense cela allègrement ! J’ai aimé les découvrir humbles et pas complètement inconscients (ils ont actionné leur balise de détresse quand ils se sont rendu compte que leur guide, en jungle, n’était pas fiable, et qu’Elliot s’était blessé au poignet), ils prennent aussi, très épisodiquement l’avion (entre Lima et La Paz par exemple) et la voiture quand on leur propose. Ils savent aussi s’arrêter le temps d’une nuit dans un hôtel climatisé avec télé. Leur rythme de marche est impressionnant puisqu’il avoisine les 40 kms/jour. Comme souvent dans ce genre d’aventure, c’est l’accueil des habitants qui surprend : les plus démunis offrent un toit et de quoi se nourrir à deux Occidentaux. Ils ont souvent été tentés de rester quelques jours mais n’ont pas dévié de leur objectif. On comprend qu’ils grandissent en avançant et surpassent leurs limites, se stimulant et se motivant l’un l’autre. Je suis toujours admirative de ce genre d’exploit et pas mal envieuse parce que j’aimerais m’y coller aussi (bon, sans doute pas une année entière). Ces aventuriers engrangent des souvenirs uniques qui transforment leur vie.

J’ai – entre autres – aimé les salars, ces déserts de sel que les touristes viennent admirer dans de gros 4x4 : « J’estime que la beauté de cet environnement ne s’apprécie qu’après y avoir souffert, après y avoir vécu tout simplement : le craquement de la croûte de sel qui casse les genoux, la réverbération qui défonce les lèvres, le vent de face qui rend fou d’une rage quasi incontrôlable et finalement, quand le soleil se couche, un froid polaire qui me donne une chair de poule quasi constante. Et pourtant ce matin, je souris, heureux comme un gamin avec une chair de poule qui elle n’est pas due au froid mais à ma joie. »

« Je comprends à l’instant même que notre plus grand apprentissage est d’accepter ce qui est, et ainsi d’avancer sans regarder le passé, mais en continuant à repousser constamment ce dont nous sommes capables dans le futur. »

Merci Carole ! 

 

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7 juillet 2021 3 07 /07 /juillet /2021 20:33

Livre: De pierre et d'os, Bérengère Cournut, Magnard, Classiques Et  Contemporains, 9782210770638 - Leslibraires.fr

         Uqsuralik est une jeune femme inuite qui, à cause d’une faille de la banquise, se retrouve sans parents ni famille. Elle erre longtemps avant d’être adoptée par une autre mère, Sauniq, qui lui sera d’un grand secours jusqu’à sa mort. Nous la suivons toute sa vie, dans son parcours de mère, d’épouse, de chasseresse et même de chamane. Les récits sont entrecoupés de chants, des poèmes des différents protagonistes.

          Pour le moins dépaysant, ce court roman nous emmène dans une autre contrée, sous un autre climat, avec des mœurs et des habitudes ô combien différentes de chez nous. J’ai eu parfois du mal à me faire à toutes ces différences, c’est bête à dire mais tout est tellement à mille lieues de ce que l’on connaît. Les croyances, les superstitions et les tabous sont nombreux. Et puis, finalement, on apprend beaucoup de cette rudesse. J’ai apprécié cette adoption de la narratrice qui se fait dans l’évidence et la simplicité. Aussitôt adoptée, aussitôt acceptée et admise jusqu’à la fin. Il existe aussi une belle confusion entre mère et fille : la mère devient une fille. Cette notion de la « famille » autre que la nôtre m’a plu. Il est bon de découvrir un autre son parfois… Il y a aussi ces duels de chants où sont révélés les plus grands secrets. Ce roman, reçu au collège, peut être étudié dès la 5ème apparemment ; je suis sceptique : certaines scènes sont cruelles et cette histoire finalement assez complexe convient mieux à de grands adolescents qu’à des enfants, me semble-t-il. Lire quelques extraits peut cependant être riche et instructif. Pour conclure, je dirais que certains passages m’ont plu mais, dans l’ensemble, j’ai été relativement hermétique à l’intrigue et il m’a manqué une fluidité générale à ce roman … où la femme mâche les coutures des moufles de leur homme pour qu’elles restent souples …

« Sauniq m’a proposé de m’adopter. J’ai maintenant une mère qui est également la fille de ma fille, et dont je suis ainsi la grand-mère : nous sommes un cycle de vie à nous trois, et les autres se trouvent naturellement reliés à nous par leurs liens à Sauniq. Comme il n’y a pas d’homme dans notre maisonnée, je me suis remise à chasser. »

Je vous souhaite à toutes et à tous un bel été et de jolies vacances ! 

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4 juillet 2021 7 04 /07 /juillet /2021 20:33

Article 353 du code pénal, Tanguy Viel : longue confession sur la cupidité  des hommes - Baz'art : Des films, des livres...

Lors d’une sortie en bateau, non loin de la côté brestoise, Martial Kermeur fout Antoine Lazenec à l’eau. Et rentre chez lui. Et se fait arrêter. S’en suit un long monologue chez le juge où l’homme tente d’expliquer les raisons de ce meurtre parfaitement voulu et réfléchi. Le juge ne correspond pas au stéréotype du métier, il est jeune, humain, tente de sonder l’âme de Kermeur à la manière d’un psychologue. Et Kermeur raconte, tout, depuis le début. Il vivait gracieusement dans une dépendance parce qu’il s’occupait de l’intendance d’un « château », plutôt une vaste demeure dont personne ne voulait. Jusqu’à l’arrivée du flambeur Antoine Lazenec qui en a mis plein la vue à tout le village. Son projet est de tout racheter, tout démolir pour y construire un vaste complexe hôtelier, une station balnéaire. Tout le monde finit par croire à ce pari fou. Kermeur investit toute sa prime de licenciement et espère obtenir ce bel appartement avec vue pour lui et son fils Erwan. Vous le devinez, c’était de la poudre de perlimpinpin et il n’y a jamais eu ni complexe hôtelier, ni appartement.

Derrière ce titre rédhibitoire se cache un roman fascinant qui se lit avec délectation. C’était une première découverte de l’auteur et elle m’a convaincue ! L’écriture allie à la fois la grande simplicité du langage oral de Kermeur et une fine analyse psychologique du déroulement de l’affaire - ou comment un type en arrive à en tuer un autre sans scrupules. Le récit est si bien tourné qu’on se prend d’affection pour le narrateur et meurtrier. La fin est délicieuse. Un si grand plaisir de lecture que j’en fais un coup de cœur !

 

Martial Kermeur veut raconter son histoire « qu’elle soit comme une rivière sauvage qui sort quelquefois de son lit, parce que je n’ai pas comme vous l’attirail du savoir ni des lois, et parce qu’en la racontant à ma manière, je ne sais pas, ça me fait quelque chose de doux au cœur, comme si je flottais ou quelque chose comme ça, peut-être comme si rien n’était jamais arrivé ou même, ou surtout, comme si là, tant que je parle, tant que je n’ai pas fini de parler, alors oui, voilà, ici même devant vous il ne peut rien m’arriver, comme si pour la première fois je suspendais la cascade de catastrophes qui a l’air de m’être tombée dessus, sans relâche, comme des dominos que j’aurais installés moi-même patiemment pendant des années, et qui s’affaisseraient les uns sur les autres sans crier gare. »

« quelquefois, quand il me regardait, le juge, on aurait plutôt dit qu’il avait une machette dans les yeux et qu’avec il frayait son chemin à l’intérieur de moi, comme s’il visait un point central que je ne connaissais pas moi-même, quelque chose qu’il aurait peut-être simplement appelé « les faits » et parce qu’il pensait qu’à l’intérieur d’eux, « les faits », il y avait la vérité. »

« on ne peut pas toujours attendre des siècles je ne sais quelle justice naturelle qui ne tombera peut-être jamais. »

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1 juillet 2021 4 01 /07 /juillet /2021 10:52

Blanc autour, Wilfrid Lupano, Stéphane Fert, Dargaud, Janvier 2021 -  Nouveautés Littérature Jeunesse

            En 1832, à Canterbury, une petite ville du Connecticut, l’institutrice Prudence Crandall fait la classe à une vingtaine de filles. Un jour, la jeune Sarah, une fille noire, demande à être intégrée à l’école ; elle a soif d’apprendre, elle veut « comprendre ». Mademoiselle Crandall accepte volontiers mais la venue d’une fille « de couleur » fait scandale dans la petite communauté où les ragots vont bon train : « Eduquer quelques noirs, bon, à la limite… Mais pourquoi justement, ICI, dans notre ville ? Il y a sûrement des endroits plus adaptés ! Si des noirs débarquent ici à cause de cette école, il y aura des agressions ! Des cambriolages ! Pas de ça ici ! […] Et d’ailleurs, pourquoi des filles ? En quoi cela va-t-elle les aider dans leurs tâches quotidiennes ? » Pour les familles blanches puritaines, il n’est pas question de mélanger Blanches et Noires dans l’école qui fait aussi pensionnat. Mlle Crandall, soutenue par son père n’accueillera que les Noires… et en essuiera les conséquences et des violences en tous genres : des hommes pillent la charrette de M. Crandall qui rapportait les provisions à l’école, un anonyme lance un objet à travers la vitre de la salle de classe, des excréments tapissent la porte de l’école… Des mouvements de révolte tous plus abjects les uns que les autres sapent le moral des pensionnaires jusqu’à atteindre un point de non-retour.

            Cette BD s’est appuyée sur une histoire vraie, celle de la Canterbury Female School de Prudence Crandall. A l’époque où l’esclavage a déjà été aboli dans cette partie des Etats-Unis, les Noirs étaient à peine tolérés et certainement pas considérés à pied d’égalité avec les Blancs. J’ai beaucoup aimé cet album indispensable, à faire lire à tout âge. Un personnage, le petit Sauvage, un vagabond qui scande les crimes commis par Nat Turner, ce prédicateur afro-américain qui massacre, en 1831, des dizaines de Blancs, apporte une touche de nuance aux propos mais aussi de poésie. Dans un univers sans manichéisme, le racisme prédomine, la stupidité et l’ignorance font rage. Cette petite lueur d’espoir, de changement, d’évolution d’une pensée malsaine et étriquée, ne va durer qu’un court moment mais c’est grâce à des personnes comme Prudence Crandall que les mentalités ont tout de même commencé à évoluer. Les dessins, ronds, colorés, poétiques, peuvent surprendre pour le thème abordé mais j’ai apprécié en particulier certaines planches qui évoquent la communion avec la nature, une pensionnaire nommée Eliza s’éloigne quelque peu des croyances quakers. Ma fille de 12 ans a lu et adoré elle aussi, elle m'a aussi parlé d'Eliza !

 Blanc autour de Wilfrid Lupano, Stephane Fert - BDfugue.com

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29 juin 2021 2 29 /06 /juin /2021 17:25

Livre: L'escalier de Jack, Jean Cagnard, Gaïa, Gaia littérature,  9782847202618 - Leslibraires.fr

       Bouquin qui dormait dans ma PAL depuis des années (et je ne sais évidemment plus comment il y est atterri !)

       Le narrateur cumule les petits boulots. Dans sa Normandie natale, il doit se débrouiller pour survivre entre des parents étranges, peu aimants et rustres, une sœur qui le déteste et un contexte général plutôt misérable. Il ne se laisse pas abattre, se fait remarquer partout où il passe. Entre la cueillette des fraises, la manutention, l’usine, les surveillances, les déménagements, l’agro-alimentaire, la charpenterie, la tuyauterie, il découvre la littérature notamment Kerouac, Buzzati, Steinbeck et Hemingway.

       C’est un roman assez surprenant qui, d’apparence fouillis-fouillis, est plutôt bien organisé puisqu’il passe en revue les différents boulots du narrateur (plus d’une trentaine !). Chaque chapitre débute par un haïku de Jack Kerouac et l’auteur utilise le « vous » pour s’exprimer. La verve est assez impressionnante, le romancier manie très bien l’humour et l’ironie dans un texte qu’on pourrait qualifier de picaresque. Un road-trip professionnel irrévérencieux dans lequel le personnage haut en couleur s’en sort toujours bien malgré quelques péripéties loufoques. Certaines images sont marquantes : un cercueil qu’il faut déménager mais dont le narrateur se lie d’amitié avec l’occupant, une simulation de mort qui dure une semaine pour échapper à l’armée, la « vente » d’un père. Une lecture divertissante et amusante même si ce « vous » m’a perturbée jusqu’au bout.

« Oh, vous le sentez ! Les enfants que vous n’avez pas sont déjà fiers de leur père, fiers des couilles pétries de justice de leur père dans lesquelles ils baignent pour moitié. Certains qu’ils seront bien nourris, bien habillés et correctement vêtus, de la dignité jusque-là, il est clair que les petits salopiots sont plus empressés que d’autres à voir le jour. Où est donc la mère de vos enfants futurs salariés ? Où se tient cette déesse ? »

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