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31 août 2021 2 31 /08 /août /2021 16:39

L'enlèvement des Sabines de Emilie de Turckheim - Grand Format - Livre -  Decitre

Je découvre enfin cette romancière !

Sabine, une femme étrange et très timide, reçoit, lorsqu’elle quitte son entreprise après démission, une poupée gonflable. Très réaliste par ses petites imperfections, cette sex doll est fabriquée au Mans, on peut même lui articuler les poignets et les doigts. Elle s’appelle Sabine également. Horrifiée par ce cadeau qu’elle doit transporter dans le train, Sabine (la vraie) tente de faire comprendre à son compagnon Hans, un metteur en scène, l’incongruité du présent. Mais Sabine, les jours suivants, se met à se confier à cette amie statique : sa relation silencieuse avec une mère tyrannique, son rapport à sa sœur Fanny - femme parfaite qui, chaque année, fête son anniversaire de mariage en grande pompe. Mal aimée de presque tout le monde, Sabine a quitté son poste pour faire de la poésie. On se moque de ses choix, on se moque des mouches qu’elle prétend voir toute la journée.

Bon sang, quel roman étrange et déroutant ! L’intrigue met le lecteur mal à l’aise entre une narratrice taiseuse et un homme qui met en scène des maltraitances et des sévices, la présence de cette poupée… une violence latente se répand dans tout le roman. Quant à la forme, elle est originale également : les messages que laisse la mère sur le répondeur de Sabine sont de longs monologues que viennent ponctuer des dialogues parfois absurdes, parfois burlesques. De temps en temps des mots éparses se promènent sur les pages. Il est difficile d’apposer un avis tranché sur cette lecture qui dérange, m’a même fait penser à de la science-fiction avec ces caméras de surveillance qui se font installer dans toutes les maisons et ce slogan « Véritex, vous avez raison d’avoir peur. » Certains passages sont vraiment loufoques mais l’arrière-goût métallique persiste après avoir tourné la dernière page et j’espère faire meilleure pioche avec un autre titre de l’autrice.

Un des nombreux messages de la mère à la fille : « Tu vis dans quel monde, Sabine ? Il est où ce monde où les gens démissionnent pour faire de la poésie ? […]  ta pulsion est sans excuses… Tu ne peux pas espérer plus que ce que tu n’as aujourd’hui… Tu as atteint ton sommet… Tu as un contrat à durée indéterminée… Tu travailles depuis quinze ans avec des collègues qui n’ont rien contre toi… […] Laisse-moi te dire que tu arrives dans des âges où les soins dentaires, c’est bien plus vital que la poésie… Tu peux très bien ne pas m’écouter, mais ce que tu peux faire de plus intelligent, c’est d’appeler ton patron demain à la première heure et essayer de rattraper le coup. »

 

Bonne rentrée aux professeurs et à leurs élèves !

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27 août 2021 5 27 /08 /août /2021 08:00

Livre: Le Cœur de l'Angleterre, Jonathan Coe, Gallimard, Du monde entier,  9782072829529 - Leslibraires.fr

Comme il me tardait de revenir vers cet auteur ! Mon espoir fut comblé.

                Colin, un vieil homme de 82 ans est désormais veuf. Son fils Benjamin l’accompagne à l’enterrement ainsi que sa fille Lois. C’est avec ces trois personnages essentiellement ainsi qu’avec la fille de Lois, Sophie, que le lecteur va partager un pan de l’Histoire de l’Angleterre, à savoir, la période allant d’avril 2010 à septembre 2018. Le Brexit a évidemment toute sa place et divise souvent les mêmes membres d’une famille. Benjamin va laborieusement parvenir à publier son premier roman, Sophie va vivre sa première grande histoire d’amour, partagée entre désir de liberté et sédentarité.

Je craignais me sentir noyée dans les considérations historiques mais le romancier est suffisamment doué pour mêler la fiction au réel, rendre captivante chaque nouvelle péripétie liée au Brexit, nous faire comprendre la colère montante des Anglais, les choix qui ont été faits, peut-être prouver -malgré cette satire- son attachement à ce « peuple de doux dingues ». Quand on lit certaines lignes, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec les Français car eux aussi éprouvent, en ce moment plus que jamais, « ce sentiment d’injustice larvé, cette rancœur contre une élite politico-financière qui avait volé les gens comme au coin d’un bois en toute impunité, cette rage froide d’une classe moyenne habituée au confort et à la prospérité qui voyait aujourd’hui l’une comme l’autre lui échapper. » La France… Coe l’aime et le prouve avec une escapade marseillaise où il vante le soleil, les calanques et la lumière, lumière « qui leur manquait en Angleterre, cet élément qui rendait tout si vif ici, si sensuel, si plein d’énergie, si inéluctablement vivant. » J’ai beaucoup aimé cette lecture fluide et agréable, jamais ennuyeuse. Une belle part est laissée à la fiction, je me suis vite attachée aux personnages et j’ai apprécié les voir évoluer. La plume de Coe fait des merveilles !

Chine et Grande-Bretagne sont comparées par une Anglaise : « Vous, vous subissez une censure avouée. Chez nous, elle est occulte. Tout se passe sous le masque de la liberté d’expression, de sortes que les tyrans peuvent prétendre que tout va pour le mieux. Or de liberté, nous n’en avons pas, ni d’expression ni d’autre chose. Ceux qui gardaient vivante une magnifique tradition anglaise en pratiquant la chasse à courre ne sont plus libre de le faire. Et si certains d’entre nous tentent de s’en plaindre, leurs voix sont aussitôt couvertes par des hurlements. »

560 pages (et 608 pour la version poche!), donc : deuxième lecture pour le Challenge Pavé de l’été by Brize !

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24 août 2021 2 24 /08 /août /2021 20:17

Les beaux étés T.6 ; les Genêts - Zidrou, Jordi Lafebre - Dargaud - Grand  format - Le Hall du Livre NANCY

1970. Pierre, le papa, sans avoir réellement terminé son album religieux sur les lépreux cède à sa femme Mado, enceinte jusqu’au cou du quatrième, et toute la famille Faldérault file vers le Sud dans la 4L baptisée Mam’Zelle Estérel. Il fait beau, les nuages décorent le ciel, les pauses pipi sont bucoliques mais soudain, en pleine campagne bourguignonne, c’est la collision. Un camion a perdu une partie de son chargement et le pare-brise de la 4L est fichu. Dans le petit village où la voiture reste au garage en attendant un nouveau pare-brise, Esther se propose de prêter un bout de terrain à la famille. Ni une ni deux, on campe à côté d’une vaste ferme nommée Les Genêts. Les enfants s’en donnent à cœur joie, poursuivent les poules, gardent les chèvres, s’empiffrent des bons produits locaux que leur proposent Esther et sa « sœur ». Un soir, Julie surprend « les deux madames » en train de s’embrasser. Le petit Louis découvre le mot « nomosexuelles » et « lèche-biennes » et les deux fermières finissent par expliquer qu’elles ne peuvent vivre leur amour au grand jour. Les deux nuits passées aux Genêts se transforment en séjour complet avec une belle surprise finale qui contraindra nos 5 … ou 6 à prolonger encore un peu leurs vacances.

Que dire qui n’a pas déjà été dit ? Ce dernier opus confirme la place Number One de cette série dans la catégorie des BD qui donnent la pêche, au pire le sourire. Pétillant rayon de soleil, il nous emmène en pleine cambrousse siester à l’ombre d’un chêne, caresser le chevreau et décapiter une poule (Julie sera désormais végétarienne). On respire le bon air chaud de l’été. Même si le passage un peu moraliste sur les deux femmes qui s’aiment paraît un peu artificiel, on ne peut que passer un délicieux moment aux Genêts. J’ai adoré les dessins, la grande case montrant les Genêts avec le paon au premier plan vaut le détour à elle toute seule. On a hâte de lire la suite !

 

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21 août 2021 6 21 /08 /août /2021 09:49

La libraire de la place aux Herbes de Éric de Kermel - Editions J'ai Lu

La narratrice, Nathalie, a plaqué son métier de prof pour ouvrir une librairie à Uzès, charmant village du Gard, avec son architecte de mari, Nathan. Leurs deux grands enfants désormais adultes vivent loin, Nathalie a tout son temps à consacrer aux livres et aux clients. Les acheteurs se suivent mais ne se ressemblent pas entre un baroudeur infatigable, celle qui ne sait pas lire, celui à qui on fait la lecture parce qu’il n’y voit plus, des bonnes sœurs travailleuses. Nathalie virevolte avec grâce dans ce microcosme assez idéal.

Avec une telle couverture, je savais que je me lançais dans une lecture feel good et dans ce cas-là, tous les voyants sont allumés, je me méfie ! Pourtant, cette lecture a été agréable sans être niaise, douce et intéressante sans être creuse ni ridicule. Evidemment, avec un tel cadre (une librairie, et en plus, dans le Sud de la France !), on ne peut que saliver quand on aime les livres. Si l’écriture ne m’a pas spécialement emballée (même si elle est parfois proche de celle d’un Orsenna qui -d’ailleurs- a préfacé le roman), les histoires de livres, de lecteurs, de coups de cœur de lecture m’ont charmée et j’ai noté des titres. Je n’ai pas tout aimé non plus, la fin verse trop dans le Je vais t’émouvoir puis te rassurer avec un gros câlin mais le tout reste une pétillante et jolie lecture d’été.

« J’aime aussi les mots sur les pages. Je ne parle pas du sens des mots, mais du rythme que produit le mouvement du fris. Entre chaque mot, un espace toujours égal garantit une distance de courtoisie qui permet à chacun de ne pas marcher sur les pieds de son voisin et de respirer à sa guise. Si nous étions comme les mots sur une page, je suis certaine que la bienveillance trouverait davantage de place pour s’épanouir. »

« Quand on a grandi à l’étranger, on intègre rapidement que celui qui est différent c’est soi-même… Cela induit une ouverture d’esprit et un postulat initial qui interdit toute arrogance et impose d’abord le respect de ce que l’on ne connaît pas, avant de développer une grande capacité d’adaptation. »

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17 août 2021 2 17 /08 /août /2021 17:58

Kabukicho - Dominique Sylvain - Babelio

Marie et Kate vivent au Japon depuis quelques années, la première est Française, Kate est d’origine anglaise. Amies et colocataires, elles sont toutes les deux hôtesses dans des bars de luxe à Kabukicho, ce quartier chaud de Tokyo. Elles offrent leur charme, leur conversation aux hommes qui les paient mais pas nécessairement pour des rapports sexuels. Kate disparaît et son père, resté à Londres, reçoit une photo d’elle couchée dans l’herbe avec cet étrange message : « Elle dort ici. » Le capitaine Yamada mène l’enquête mais le corps de Kate est rapidement retrouvé : elle a été enterrée vivante. Son meilleur ami avec qui elle entretenait des relations complexes, Yudai, est soupçonné. Marie, elle, tente de faire publier son roman. Mais les meurtres s’enchaînent dans l’entourage de Kate.

J’avais emprunté ce polar sur les conseils d’Alex qui semblait plutôt conquise par cette autrice. Je ne m’attendais honnêtement pas à aimer autant. Non seulement l’intrigue est palpitante et rend la lecture addictive mais le contexte constitue le point fort de ce roman. Dans ce quartier sulfureux de Tokyo, on trouve de tout mais j’ignorais que certaines hôtesses n’étaient pas des prostituées mais qu’elles étaient payées pour séduire le client, acquiescer, sourire, être la plus belle, valoriser et amadouer l’autre dans ce « règne des apparences, échanges de politesses à n’en plus finir. » Rien n’est simple et univoque dans cet univers souvent gouverné par la mafia tokyoïte, les yakuzas. Cette « ambiance cinglée mais vibrante de Kabukicho » m’a beaucoup plu et intriguée. L'écriture dynamique et efficace sied bien au peps et à la noirceur du roman.

Il est question, dans le livre, de détruire ce quartier en prévision des J.O. mais je n’ai pas trouvé l’information confirmant ou infirmant ce projet. J’aurais pu faire un coup de cœur de cette lecture mais il y avait un ou de meurtres en trop selon moi dans les dernières pages. En tous cas, on sent que la romancière sait de quoi elle parle et elle nous offre une vision insolite d’une partie de Tokyo. Je reviendrai la lire.

 

Qu'est-ce que la condition de la femme au Japon ? « Toujours sourire, toujours se rabaisser. »

« Ce pays était une gigantesque usine à règles. »

Kabukicho, la nuit : « La passivité poussiéreuse et rouillée du jour était repliée, roulée comme un vieux décor, la foule reprenait petit à petit possession du dédale des ruelles transfigurées. Rabatteurs, portiers, putes, gigolos, salarymen, hôtes et hôtesses, mamas-san et boss yakuzas, serveurs de restaurant, gardiens et videurs, salariés des magasins ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre et des love hotels, ils se rejoignaient, mus par un accord tacite, programmés pour se coaguler dans un plasma lumineux et mutant. Toujours le même, toujours différent, toujours avide et consciencieux. Abondance de rires, de désirs et de détermination, ces mille voix entremêlées, celles du peuple de la nuit. »

 

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14 août 2021 6 14 /08 /août /2021 21:43

À peu presque

        Dans cette courte BD de quelque soixante planches, les grandes pages de l’Histoire révéleront tous leurs secrets, qu’il s’agisse de la Préhistoire ou du Moyen-âge, de la découverte du Nouveau monde ou de l’Antiquité. Nan, … c’est pas vrai du tout puisque l’auteur en fait ce qu’il veut de ces tranches historiques qu’il redécoupe à sa guise et les farcit des plus belles invraisemblances accompagnées des plus incroyables anachronismes.

        Le résultat est jubilatoire, on se marre bien ! Les esclaves égyptiens évoquent leur burn-out, ils se retrouvent dans une obscure geôle « Tu vas enfin pouvoir prendre du temps pour te recentrer sur toi-même ». Vous l’ignoriez peut-être mais au XIVème siècle, on parlait tri des déchets du haut d’un château fort… « le heaume dans la poubelle ocre… mais la tête, alors, c’est dans les déchets ménagers ? » mais nooon : directement au compost, pardi ! Au XVIIIème siècle, les hommes poudrés et perruqués tentent de décoder les mouvements de l’éventail de ces dames, savoir si ouverture il peut y avoir. « Bien le bonjour, gente Dame, franchement, vous êtes charmante. Y’a moyen ? », « Sbaf », « Laisse tomber, les meufs, soi-disant elles veulent de l’amour courtois, mais quand tu fais des efforts, tu te fais tej. » Une belle réussite que ces galéjades et facéties en tout genre qui mettent surtout en valeur les bons gros défauts de notre étrange XXIè siècle !

   À peu presque - BDfugue.com

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10 août 2021 2 10 /08 /août /2021 22:04

Le Ghetto intérieur - Santiago H. Amigorena - Babelio

        Vicente vit depuis plus de douze ans en Argentine. Polonais, il a voulu vivre ailleurs, a rencontré l’amour de sa vie, Rosita, avec qui il a eu trois enfants. Gérant d’un petit commerce de meubles, il aime retrouver régulièrement ses amis Ariel et Sammy avec qui il évoque l’actualité de plus en plus houleuse en ces années 1940-41. La mère de Vicente est restée en Pologne, il sait qu’elle est recluse dans un ghetto juif, quelques lettres lui parviennent - toujours avec un grand retard – et il ne peut que deviner une situation qui ne va pas en s’arrangeant. Alors il se mure dans le silence, avec sa femme, avec ses enfants, avec ses amis. Il ne veut pas savoir ce qui se passe en Europe, il perd peu à peu le contact avec ceux qui l’entourent alors que Rosita aimerait retrouver celui qu’elle a tant aimé à leur rencontre.

        Ce petit roman est une belle illustration de ce qu’était la guerre… à douze mille kilomètres de l’épicentre. Et aussi un formidable cri de révolte par rapport à cette identité juive pas nécessairement assumée, pas nécessairement comprise ni revendiquée, par rapport à cette impuissance douloureuse qui s’exprime, chez le narrateur par le silence. Le titre de Vercors, Le Silence de la mer, dans un autre contexte, fait écho à ces non-dits révélateurs, à cette parole hurlée en silence, à cette incapacité de mettre des mots sur l’horreur. Vicente croit que s’il cesse de parler, il cessera aussi de penser mais il se trompe et son choix est remis en question à la fin du livre. Ce roman-claque expose les dommages collatéraux de cette Shoah immonde tout en racontant une famille au bord de l’implosion. J’adore ce titre polysémique et je reste persuadée qu’il faut se souvenir de cette période abjecte qui a fait tant de mal de près ou de loin.

« Être juif, pour lui, n’avait jamais été si important. Et pourtant, être juif, soudain, était devenu la seule chose qui importait. « Mais pourquoi je suis juif ? Pourquoi, aujourd’hui, je ne suis que ça ? Pourquoi je ne peux pas être juif et continuer d’être tout ce que j’étais auparavant ? »

« Se taire. Oui, se taire. Ne plus savoir ce que parler veut dire. Ce que dire veut dire. Ce qu’un mot désigne, ce qu’un nom nomme. Oublier que les mots, parfois, forment des phrases. »

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7 août 2021 6 07 /08 /août /2021 10:28

Météore | Actes Sud

             Sara sort de chez elle en robe. Le détail peut sembler anodin et dérisoire mais pour celle qui est née garçon et qui doit affronter quolibets et humiliations, c’est un acte de bravoure. Elle rentre chez elle pour recoudre la bretelle qu’on lui a déchirée. Et se dévide alors pour nous le fil de son odyssée. Née garçon, Sara s’est toujours sentie à l’étroit dans ce corps qui ne lui convient pas, « c’était comme habiter une maison en feu. Sans fenêtres. Sans porte. Sans sortie de secours. L’incendie était partout et je me cognais à des murs, des murs interminables. Il n’y avait pas d’issue. J’allais mourir dans cette boîte, et personne n’en saurait rien. » Incomprise et rejetée, traitée de « pédale », elle s’est détestée, s’est isolée d’elle-même. Jusqu’au jour où elle rencontre le bon psy qui a su la comprendre et trouver les mots pour révéler en plein jour son désir de devenir femme. Le combat ne se termine pas là et durera encore longtemps mais Sara a enfin trouvé sa place.

Ce roman est une claque. Il est si habilement construit que le lecteur ne peut que comprendre, se mettre à la place, habiter cet être en souffrance qui n’est pas né avec la bonne enveloppe corporelle. Il amène aussi à la réflexion : qu’est-ce être une fille ? être un garçon ? Ma fille a lu le livre avec beaucoup d’intérêt et elle a été aussi emballée que moi, emportée par cette lumière finale qui donne beaucoup d’espoir. Elle a remarqué très justement que, pour Sara, ça se passe bien parce que ses parents sont ouverts et empathiques. L’écriture est belle, juste, vise en plein cœur d’un sujet délicat et finalement tout simple, exposé comme ça.

Antoine Dole, c’est l’auteur qui te donne envie de lire de la littérature jeunesse …

« on vous rattrape pour vous remettre dans votre cas. On ne vous laisse pas le choix. Pas cette liberté. On vous dit que vous êtes n garçon, que vous allez aimer ceci et cela. On vous dit quoi penser, quoi manger, quoi boire, quel goût il faut que ça ait et dans quel emballage. On choisit la couleur de votre couette, les histoires qui doivent vous émouvoir, les jouets avec lesquels vous pouvez être heureux, on vous dit à quoi rêver, quoi espérer de cette vie. »

« Ma féminité est un cadeau, un héritage, la transmission d’une lumière plus forte que les ténèbres d’un monde qui ne veut pas la célébrer. Un moyen de passer au travers. Ma féminité est un météore que l’obscurité ne peut pas ignorer, prêt à fendre tout ce que le ciel peut contenir de certitudes crasses et de pensées sombres. »

 

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3 août 2021 2 03 /08 /août /2021 09:57

La fuite du cerveau - Librairie et Papeterie du Théâtre

Albert Einstein vient de mourir. Sous une impulsion soudaine et inexpliquée, son médecin légiste, Thomas Stolz, extrait le cerveau du cadavre et l’emporte chez lui. Alors qu’il tente de cacher le bocal contenant le cerveau dans sa cave, il tombe nez-à-nez avec le professeur Einstein, le crâne ouvert. Le vieil homme indulgent et bienveillant n’est là que parce qu’il avait un travail en cours et que ça l’ennuyait « de tout laisser en plan ». Evidemment, le vol est vite connu, le directeur de l’hôpital en veut à Stolz qui aimerait collaborer avec la belle Marianne, une neurologue. Le FBI s’emmêle et l’improbable trio s’enfuit avec le cerveau. Après moult péripéties, ils arrivent dans un hôpital désaffecté où sévit le Dr Seward entouré de patients psychologiquement atteints. Il s’agit, encore et toujours, de savoir ce que ce cerveau de génie contient de particulier.

Cette extraordinaire odyssée prend des allures de quête sans fin. Les dessins font plus que rendre honneur à cette intrigue loufoque assaisonnée de discours scientifiques, ils sont un chef d’œuvre à part entière. Après Pereira prétend, Malaterre ou encore La grande école, je peux m’affirmer fan du dessin de Gomont qui, par son trait sauvage parfaitement maîtrisé, appelle au rêve et à l’évasion. Avec peu, il crée une sublime étincelle comme le prouvent les dernières planches, majestueusement tendres et poétiques. Quant au scénario, je l’ai trouvé un brin longuet et entortillé mais on ne peut que s’attacher à cet Einstein au crâne découpé, docile, humble et sympathique. Ça sent un peu la comédie américaine avec le vieux monsieur qu’on trimballe, le héros maladroit et la belle blonde mais c’est drôle et bien trouvé. Et puis, il y a le trait vif de Gomont, sa large palette de couleurs, les jeux d’ombre, les beaux paysages… je crois que je radote, lisez-le !

La fuite du cerveau : La fuite du cerveau - Bubble BD, Comics et Mangas

Bande dessinée - "La Fuite du cerveau" de Pierre-Henry Gomont : à la  poursuite de l'intelligence d'Einstein

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29 juillet 2021 4 29 /07 /juillet /2021 13:21

 

Betty – FRANCK'S BOOKS

Lecture attendue, reportée, un peu redoutée et finalement appréciée.

Betty est une petite Cherokee née dans les années 60 aux Etats-Unis. Entourée de frères et sœurs (ils sont six au départ), elle évolue dans une misère certaine mais aimée d’un père extraordinaire. En effet, Landon Carpenter l’initie aux bonheurs de la nature, lui apprend à communiquer avec la terre et avec les plantes avec respect, lui montre comment soigner les maux naturellement. Il incarne la bienveillance et la stabilité alors que tout, autour de Betty, se disloque et va disparaître au fil des années.

J’ai passé environ deux cents pages à me demander pourquoi ce livre connaissait un tel succès, il a été agréable à lire certes mais sans qu’il m’impressionne. Ensuite, petit à petit, il gagne en vigueur, en force mais aussi en nuances et en délicatesse. L’évolution de cette petite Betty dans un monde brutal et sordide se fait à coups d’expériences malheureuses, de découvertes du mal, de tragédies et de rencontres généralement nuisibles. Pour le caractère violent du roman, on m’avait prévenue. Au-delà de certains passages qui révèlent une barbarie particulièrement prononcée, existe une tension omniprésente, sournoise et sous-jacente tout au long du livre. La dimension tragique est d’abord associée à l’achat de cette maison soi-disant maudite quelque part dans la campagne de l’Ohio. Elle grandit dans une atmosphère faite de préjugés, de racisme et de discrimination et trouve son apothéose, malsaine et fétide dans l’inceste qui reste au cœur du roman. La figure de ce père si lumineux et incroyable m’a conquise.  Et la flamboyance de la fin est assez extraordinaire, il est vrai qu’on ressort de cette lecture complètement chamboulé, peut-être même un peu ensorcelé, mais, pour le malaise que j’ai pu ressentir de manière permanente, je n’en fais pas un coup de cœur.

"Quel que soit l’endroit où tu es, quel que l’endroit où tu vas, tu seras toujours au sud du paradis."

"Le plus bel arbre de Noël, c’est celui qu’on laisse dans sa terre pour qu’il puisse y grandir et vivre sa vie."

"tous les paradis ne sont pas encore perdus."

"Tandis que je grandissais, j'avais l'impression d'avoir des morceaux de papier collés sur la peau. Sur ces morceaux de papier étaient écrits tous les noms auxquels j'ai eu droit. Polly la Peau-Rouge, Tomahawk Kid, Pocahontas, sang-mêlé, la squaw. J'ai commencé à me définir, et à définir mon existence, en fonction de ce qu'on me disait que j'étais, c'est-à-dire rien. A cause de cela, la route de ma vie s'est rétrécie en un sentier obscur, et ce sentier lui-même a été inondé, se transformant en un marécage om il m'a fallu patauger."

"Devenir femme, c'est affronter le couteau, Betty. [...] Mais la femme que l'on devient alors doit décider si elle va laisser la lame s'enfoncer assez profondément pour la mettre en pièces, ou bien si elle va trouver la force de s'élancer, les bras écartés, et oser prendre son envol dans un monde qui semble se briser comme du verre autour d'elle. Puisses-tu avoir cette force."

Et je participe, avec ces 720 pages, encore une fois, au beau Challenge du Pavé de l'été de surmesbrizees !

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