Philippe Geluck, par l’intermédiaire de son emblématique Chat, nous offre un aperçu de son panthéon artistique personnel à travers siècles, pays et genres très variés, allant de la Vénus de Milo à Ben en passant par Monet, Dubuffet, Fontana, Magritte, Rodin ou encore Vasarely. En face de l’œuvre originale, il y a sa version à lui où le Chat se met en scène et déconne franchement : il engueule les danseurs de Keith Haring, il écrase les Schtroumpfs pour fournir à Klein son bleu, il profite des illusions d’optique de Vasarely pour s’offrir un slip de bain ... tout à son avantage, il se met même en cube pour Picasso. Les œuvres s’accompagnent d’une petite présentation de l’artiste et de quelques réflexions toute personnelles.
C’est un ouvrage qui n’est pas destiné à approfondir l’analyse des œuvres évoquées, évidemment, mais qui permet de faire un petit tour d’horizon des tableaux et sculptures les plus connus selon les goûts - c’est assumé dans la préface - de l’auteur. La BD a été écrite une première fois en 2016 à destination du Musée en Herbe (on comprend mieux la dimension facile d’accès des œuvres) puis revue en 2023, c’est cette dernière version que j’ai lue. C’est très agréable, Geluck est à la fois dans l’hommage et dans la distanciation par l’humour (il regrette qu’il n’y ait pas plus d’œuvres de Vermeer à côté de la facilité d’exécution d’un Fontana). A lire qu’on soit jeune ou expérimenté, amateur d’art ou ignare ; c'est divertissant.
« Ce qu’il y a de formidable, quand tu rends hommage à tes prédécesseurs, c’est que pendant quelques instants tu es obligé de te prendre pour eux. Le temps d’accomplir le geste qu’ils ont inventé. Juste le temps de te la péter. Faire ça du matin au soir serait vain, car tu n'es pas eux. Et ce que tu essayerais de faire, moins bien, ils l’ont fait avant toi, et mieux. N’empêche que ça fait un bien fou. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai fait ce métier : pour être les autres. »
« Pour Ben, il faudrait inventer un mot qui n’existe pas encore : écripeinture ou peintécriture. L’écriture de Ben est élégante comme une image. Ses phrases sont toujours justes (mais comment fait-il ?) Et Ben nous entraîne à participer à son tableau parce qu’il nous pousse à lui répondre ou à nous interroger. Ben nous stimule. »