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27 octobre 2023 5 27 /10 /octobre /2023 20:40

L'art et le Chat de Philippe Geluck

Philippe Geluck, par l’intermédiaire de son emblématique Chat, nous offre un aperçu de son panthéon artistique personnel à travers siècles, pays et genres très variés, allant de la Vénus de Milo à Ben en passant par Monet, Dubuffet, Fontana, Magritte, Rodin ou encore Vasarely. En face de l’œuvre originale, il y a sa version à lui où le Chat se met en scène et déconne franchement : il engueule les danseurs de Keith Haring, il écrase les Schtroumpfs pour fournir à Klein son bleu, il profite des illusions d’optique de Vasarely pour s’offrir un slip de bain ... tout à son avantage, il se met même en cube pour Picasso. Les œuvres s’accompagnent d’une petite présentation de l’artiste et de quelques réflexions toute personnelles.

C’est un ouvrage qui n’est pas destiné à approfondir l’analyse des œuvres évoquées, évidemment, mais qui permet de faire un petit tour d’horizon des tableaux et sculptures les plus connus selon les goûts - c’est assumé dans la préface - de l’auteur. La BD a été écrite une première fois en 2016 à destination du Musée en Herbe (on comprend mieux la dimension facile d’accès des œuvres) puis revue en 2023, c’est cette dernière version que j’ai lue. C’est très agréable, Geluck est à la fois dans l’hommage et dans la distanciation par l’humour (il regrette qu’il n’y ait pas plus d’œuvres de Vermeer à côté de la facilité d’exécution d’un Fontana). A lire qu’on soit jeune ou expérimenté, amateur d’art ou ignare ; c'est divertissant.

« Ce qu’il y a de formidable, quand tu rends hommage à tes prédécesseurs, c’est que pendant quelques instants tu es obligé de te prendre pour eux. Le temps d’accomplir le geste qu’ils ont inventé. Juste le temps de te la péter. Faire ça du matin au soir serait vain, car tu n'es pas eux. Et ce que tu essayerais de faire, moins bien, ils l’ont fait avant toi, et mieux. N’empêche que ça fait un bien fou. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai fait ce métier : pour être les autres. »

« Pour Ben, il faudrait inventer un mot qui n’existe pas encore : écripeinture ou peintécriture. L’écriture de Ben est élégante comme une image. Ses phrases sont toujours justes (mais comment fait-il ?) Et Ben nous entraîne à participer à son tableau parce qu’il nous pousse à lui répondre ou à nous interroger. Ben nous stimule. »

VIDÉO. Philippe Geluck et son chat revisitent l'Art | TV5MONDE -  Informations

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23 octobre 2023 1 23 /10 /octobre /2023 09:30

Okavango - Caryl Férey - Librairie Mollat Bordeaux

Dans la réserve namibienne de Wild Bunch, un cadavre est retrouvé. La lieutenante Solanah Betwase, accompagnée de son efficace assistant, Seth, mène l’enquête et se retrouve vite confrontée au propriétaire de la réserve, John Latham, aussi séduisant que mystérieux et qui ne dévoile son passé obscur que par bribes.

Cette première découverte de l’auteur fut une réussite pour moi sans qu’il y ait pour autant un enthousiasme de folie. J’ai beaucoup apprécié cette thématique de la protection des animaux face à celle du braconnage, un monde qui m’interpelle encore plus depuis le formidable Entre fauves de Colin Niel. Quand on sait que plus l’animal sauvage se fait rare, plus il est recherché par des tarés prêts à tout, ça fait froid dans le dos. Les passages évoquant les guerres m’ont moins plu et certains personnages m’ont paru un brin caricaturaux notamment avec des histoires d’amour un peu vite expédiées et « faciles ». C’est vraiment la dimension polar autour du braconnage que j’ai trouvée passionnante avec des paysages à couper le souffle et un dénouement haletant, mené de main de maître. Pour conclure, je dirais qu’il y avait sans doute quelques pages en trop pour moi mais je conseillerais tout de même cette lecture.

Un billet court pour un roman qui en mériterait un plus long.

 

« Lina agitait les oreilles tandis qu'arrivait la troupe émettant de longs grognements gutturaux. Les éléphants se frottèrent bientôt à elle en signe d'affection, enroulant leurs trompes en de savants messages olfactifs. Lina était leur guide, l'encyclopédie des chemins menant à la moindre mare d'été caniculaire et jusqu'aux rives de l'Okavango, tout là-bas vers le Botswana. La transmission de leur savoir permettait aux éléphants de survivre depuis des millions d'années, tous frères, sœurs ou gardiens des petits, constituant la même famille unie ; la harde ne craignait que les grands mâles en rut qui, au printemps et après quelques raclées infligées à leurs congénères, exigeaient leur saillie avec une tendresse de mirador. »

« Les San considéraient les éléphants comme leurs égaux. Pouvant nomadiser sur un territoire de dix mille kilomètres carrés, les pachydermes connaissaient par cœur les lieux de leurs ressources, cultivèrent leur paysage, comme les petits plans d'eau autour desquels ils gardaient une clairière dégagée pour se prémunir des attaques.  N'étant pas épargnés par les insectes suceurs de sang, ils confectionnaient des tapettes à mouches à partir de buissons, coinçaient les bâtons qu'ils n'utilisaient pas derrière l'oreille, comme des artisans avec un crayon.  Ils reconnaissaient jusqu'à cent individus au son de leur voix et se déplaçaient selon une hiérarchie bien intégrée par la troupe - si l'on déposait devant la meneuse l'urine fraîche d'un éléphant qu'elle savait derrière elle, cette dernière restait déconcertée - comment un proche pouvait-il se trouver à la fois devant et derrière ?»

 

 

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19 octobre 2023 4 19 /10 /octobre /2023 20:19

Le diplôme - Amaury Barthet - Albin Michel - Grand format - Librairie  Sillage PLOEMEUR

La trentaine, Guillaume est un prof d’histoire-géo de banlieue qui a mis une croix depuis longtemps sur les pouvoirs possibles de sa profession. Il est désabusé dans tous les domaines, aussi, quand sa compagne depuis quelques années, Cécile, annonce qu’elle le quitte, il la laisse faire avec nonchalance. La chance lui sourit puisqu’il rencontre illico presto Nadia, une jolie vendeuse de chez Zara avec qui il s’entend immédiatement très bien. Il comprend aussi que, cultivée et intelligente, elle vaudrait mieux qu’un poste mal payé. Après quelques nuits d’amour, il décide de tenter le tout pour le tout : il dérobe le diplôme de HEC de son bourgeois de frère Henri, le falsifie pour y accoler le nom de Nadia Azzaoui, et la pousse à passer un entretien correspondant à ce nouveau diplôme. La carrière inattendue de Nadia démarre comme un feu de paille.

Si l’écriture est simple et sans fioritures, l’intrigue est drôlement captivante et le lecteur est à la fois partagé entre un sentiment d’empathie vis-à-vis du gredin de personnage principal (surtout au début du roman) et un profond dégoût au fur et à mesure que l’histoire avance. En effet, si son acte malhonnête de départ peut se confondre avec une grande générosité, on comprend petit à petit que c’est un grand salaud qui ment à sa compagne en la trompant avec une escort-girl dès les premiers jours. Au final, c’est une comédie grinçante qui dénonce les joyeusetés de notre société actuelle où les notions de mérite et de talent sont mis à mal ; les suspectes ascensions sociales et les magouilles des dirigeants sont étalées en plein jour. A la manière d’une Karine Tuil, l’auteur nous manipule pour mieux dépeindre un être abject mais qui n’est qu’une pâle copie d’une société détraquée. C’est jouissif à lire car empli de sarcasmes et d’ironie, avec des ficelles volontairement grosses. J’ai passé un excellent moment, pas mal du tout pour un premier roman !

« En chemin, nous récapitulâmes le plan convenu. « On va passer en revue ta couverture une dernière fois, fis-je, en essayant péniblement d'imiter Mathieu Kassovitz dans Le Bureau des légendes. Tu es Nadia Azzaoui, né à Reims le 14 mars 1985, ça, c'est la vérité, on ne le change pas. Le pipeau commence à tes dix-huit ans : après ton bac S obtenu avec mention très bien au lycée Marc-Chagall, tu déménages à Paris pour effectuer deux ans de classe préparatoire à Janson-de-Sailly, puis tu intègres le programme grande école d'HEC exactement comme Henri, mais huit ans plus tard. Après un stage de fin d'études chez EY, tu fais tes armes au Boston Consulting Group en Conseil en stratégie, puis te tu te spécialises dans le conseil en stratégie chez McKinsey, particulièrement auprès des banques d'investissement. Aujourd'hui tu traverses une crise de valeurs, tu en as assez de travailler pour la finance mondialisée, donc tu cherches à bifurquer vers un secteur porteur de sens comme l'hôtellerie. Tu t'en souviendras ? »

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17 octobre 2023 2 17 /10 /octobre /2023 10:14

Seul le silence | R.J. Ellory,Richard Guérineau | Philéas

 D’après le roman de Ron Jon Ellory

Joseph Vaughan est le témoin indirect de dizaines de meurtres de petites filles, sur une période de trente ans. Victime collatérale d’un fou sauvage, il voit également sa mère devenir folle et ses deux compagnes successives mourir. Après quelques années de prison pour un meurtre qu’il n’a pas commis, il sera enfin reconnu pour ses talents d’écrivain. Pour le résumé plus détaillé du livre, je vous renvoie à mon billet du roman.

Un de mes coups de cœur de l’été adapté en BD ; la barre était haute mais le défi a été brillamment relevé. Au scénario, c’est l’excellent Fabrice Colin (l’auteur de Bal de givre ou de Projet Oxatan, entre autres) qui a su savamment pratiquer ellipses et résumés (le roman fait quand même 600 pages), gardant les dialogues les plus percutants. Aux dessins, Richard Guérineau (que j’avais déjà aimé pour Après la nuit) a choisi essentiellement le sépia pour rendre hommage aux paysages de la Géorgie des années 50. Il a également réussi à faire vieillir notre Joseph pour qui l’empathie est peut-être encore plus prégnante dans cette version BD que dans le roman. La dimension tragique et l’horreur de ces 32 meurtres de fillettes sont retranscrites très justement et fidèlement avec l'apparition fantomatique des corps des filles qui exprime bien leur caractère obsédant pour Joseph. En bref, c’est une belle réussite même si je ne peux que vous conseiller de lire, avant tout, l’extraordinaire roman d’un auteur que je quitterai plus d’une semelle.

Seul le silence de Roger Jon Ellory, Fabrice Colin

 

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14 octobre 2023 6 14 /10 /octobre /2023 13:08

Ultramarins - Mariette Navarro - Quidam Editeur - ebook (ePub) - Librairie  Le Divan PARIS

 

Un cargo de marchandises en direction des Antilles avec à son bord une commandante et des hommes d’équipage qui, ce jour-là, obtiennent gain de cause : une belle pause leur est accordée, une baignade en pleine mer. Le moteur est coupé, la commandante seule garde le bateau, les hommes s’étonnent de prendre du bon temps. Cette parenthèse va avoir des retentissements importants pour la suite du voyage. Le nombre de marins ne colle pas avec les données de départ, la météo se révèle bien étrange et exceptionnelle et un halo de mystère entoure hommes et bateau.

En général, je choisis un livre pour son auteur ou parce que j’en ai lu du bien. Je démarre la lecture sans rien savoir de son contenu, sans jamais lire la quatrième de couverture. Ici, l’incipit fait mouche, tout de suite ; il m’a profondément touchée dès les premières lignes sur cette femme commandante de bateau dans cette immensité marine. La belle plume de l’autrice nous emporte instantanément dans de exquis abysses. Avec un charme fou, elle nous permet de côtoyer cet équipage où chacun reste anonyme, plongés que nous sommes dans cette étendue aquatique avec, pour seul point d’ancrage, cet immense cargo devenu bête. En peu de mots, la magie s’installe comme lorsque le second pose un petit galet lisse - cet objet venu de la terre - sur une carte, et en fait une « île ronde, rassurante, inhabitée. Une petite île de poche, mais immense par rapport à l’échelle de la carte, un continent nouveau. » Le lecteur se sent sans cesse délicieusement bousculé alors qu’il pense être dans un univers confortable, une tension apparaît et lorsqu’il croit que le drame ou le fantastique va surgir, c’est une ode à l’humanité qui est offerte avec délicatesse. Un condensé de poésie et de beauté et une œuvre impeccable à la fois pour sa forme et pour son contenu. Je reviendrai vers cette autrice qui est aussi dramaturge.

Un très beau COUP DE CŒUR !

« Ils commencent donc par là. Par la suspension. Ils mettent, pour la toute première fois, les deux pieds dans l'océan. Se glissent dans l'eau. À des milliers de kilomètres de toute plage. Personne ne le saura jamais, mais c'est maintenant qu'ils naissent, de l'air vers l'eau, expulsés volontaires de leur condition verticale et de leur âge. L'espace d'une seconde ils renversent l'ordre des choses. Peut-être que quelque part des oiseaux prennent leur envol à l'envers ou qu’une rivière, d'un coup, remonte à sa source : voilà ce qu'ils pressentent, en vrac, et chacun dans sa langue. »

« Elle sait qu’on n’est pas toujours les bienvenus sur le dos des océans, qu’on ne peut pas impunément s’agripper à leur crinière. »

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11 octobre 2023 3 11 /10 /octobre /2023 20:14

Pêcheur d'Islande, Pierre Loti – Les livres que je lis

Une lacune à combler... je n’avais jamais lu Pierre Loti !

Paimpol est rythmé tous les ans à la fin août par le retour des pêcheurs d’Islande. A bord de La Marie, Yann, grand gaillard un peu rustre de 27 ans, beau comme un dieu, et Sylvestre son petit frère de cœur de 17 ans. Marguerite, surnommée Gaud, assiste à ce retour des marins. Elle tombe amoureuse de Yann pour le plus grand plaisir de Sylvestre qui aimerait tant les voir se marier. Mais, malgré leurs rapprochements, les longues discussions, les tendres sourires, Yann ne se décide pas à demander la main de Gaud. Il faudra attendre quelques tempêtes de mer, le départ de Sylvestre pour l’Asie, de nombreuses lettres écrites par la vieille Moan, la grand-mère de Sylvestre, qui n’a pas son pareil pour divertir les pêcheurs avec ses savoureuses anecdotes, donc il aura fallu deux ans d’attente pour Gaud pour se voir enfin mariée avec Yann. Mais cette joie sera de courte durée.

C’est un très beau roman ! D’une part par ses paysages tantôt bretons tantôt islandais et parfois maritimes, d’autre part pour la finesse des sentiments exprimés, cette humanité subtile qui émane des relations entre les personnages. Comment ne pas tomber sous le charme de ce Yann qui se refuse d’abord à épouser Gaud quand elle est encore riche et un peu Parisienne dans ses tenues et qui semble l’aimer davantage quand elle est ruinée et seule ? Des rumeurs disaient qu’il se ne marierait qu’avec la mer... Et puis il y a cette immersion dans ce petit village de Ploubazlanec où la vie au XIXè siècle est bien rude. Une admirable simplicité et une innocence assez majestueuse vont lier deux êtres même si une fin tragique les séparera. J’ai beaucoup pensé à Vol de nuit de Saint-Exupéry pour lequel j’avais évoqué la pudeur et la noblesse de l’écriture que j’ai retrouvées ici. Dans les deux romans, la mort côtoie la vie au quotidien avec une résignation à la fois douloureuse et très élégante. A noter qu’une version audio gratuite est disponible, et si le rythme de lecture est un peu lent, le texte est accompagné de bruitages et de musique bretonne qui permettent de s’immerger totalement dans ce beau roman. (https://www.youtube.com/watch?v=P5zTNH2LWhE)

 

« Et malgré leur allure de fuite, la mer commençait à les couvrir, à les manger comme ils disaient : d'abord des embruns fouettant de l'arrière, puis de l'eau à paquets, lancée avec une force à tout briser. Les lames se faisaient toujours plus hautes, plus follement hautes, et pourtant elles étaient déchiquetées à mesure, on en voyait de grands lambeaux verdâtres, qui étaient de l'eau retombante que le vent jetait partout. Il en tombait de lourdes masses sur le pont avec un bruit claquant et alors la Marie vibrait tout entière comme de douleur. »

En Islande, quand le soleil ne se couche plus : « Le soleil fait tout le tour, tout le tour, disait-il en promenant son bras étendu sur le cercle lointain des eaux bleues. Il reste toujours bien bas parce que, vois-tu, il n'a pas du tout de force pour monter ; à minuit, il traîne un peu son bord dans la mer, mais tout de suite, il se relève et il continue de faire sa promenade ronde. Des fois, la lune aussi paraît à l'autre bout du ciel ; alors ils travaillent tous deux chacun de son bord, et on ne les connaît pas trop l'un de l'autre, car ils se ressemblent beaucoup dans ce pays. »

 

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8 octobre 2023 7 08 /10 /octobre /2023 09:29

La Bicyclette Rouge - Tome 1 - La bicyclette rouge - Kim Dong Hwa -  cartonné - Achat Livre | fnac 

Tome 1 : Yahwari

Tome 2 : Les Roses Trémières

Le narrateur et personnage principal est un facteur de campagne qui sillonne routes et chemins sur son vélo rouge. Son secteur concerne le village de Yahwari et ses alentours, un endroit reculé où les maisons ne portent pas de numéros mais des noms : La maison de l’arbre aux kakis, la maison bordée de fleurs sauvages, la maison au toit rouge, la maison la plus jolie sous le ciel étoilé, ... Et notre facteur toujours souriant, alerte, joueur et enthousiaste, s’extasie sur la beauté des arbres, des fleurs, des papillons qui l’accompagnent lors de sa tournée. De temps en temps, il emmène quelqu’un sur son porte-bagage, très souvent il emporte des colis ou des produits pour rendre service d’un village à l’autre.

Ce manhwa (BD coréenne) est composé de petites nouvelles qui constituent les épisodes de la vie d’une année de ce facteur très optimiste. Pour la quasi-totalité des historiettes, nous sommes dans un monde coloré, fleuri, où les gens sourient, une sorte d’Eden champêtre. Malgré ce côté guimauve en puissance, la poésie l’emporte et on finit par être touché par ce facteur qui dépose des fleurs sauvages dans une boîte aux lettres qui ce jour-là ne reçoit pas de courrier, par ce poète qui laisse toujours un joli poème dans la boîte aux lettres à destination de l’employé des postes, par cette jeune femme qui, à sa fenêtre, ne manque pas un jour de saluer notre cycliste. Qu’elle est touchante cette ode à la lenteur et à la contemplation. Les dessins rejoignent cette naïveté attendrissante. Un album à lire quand la vie nous paraît trop difficile ; il nous donnerait presque envie de devenir facteur et surtout surtout surtout de se remettre à écrire des lettres.

« Parfois, la tournée ressemble à une balade... Comme si je me rendais à un pique-nique. Je pédale à travers champs..., je traverse la rivière, je mets une fleur sur ma casquette. Je salue les papillons... et quand j'ai faim, je m'assieds n'importe où pour manger. Là où le chemin s'arrête, je laisse mon vélo, je mange des fruits sauvages. À partir de là, ma tournée se transforme en randonnée. C'est un courrier pour un temple aux fins fonds de la forêt. La clochette m'accueille et ensuite le moine. J'oublie la chaleur grâce au thé qu'il a préparé avec soin. Sur le chemin du retour, je salue le Bouddha, c'est un petit bonheur en plus dans ma livraison. »

La Bicyclette Rouge - Tome 2 - La bicyclette rouge - Kim Dong Hwa - broché  - Achat Livre | fnac

https://www.actuabd.com/local/cache-vignettes/L574xH852/9782889322497_10-7a244.jpg?1651845534

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5 octobre 2023 4 05 /10 /octobre /2023 15:16

Plage de Manaccora, 16h30 - Poche - Philippe Jaenada - Achat Livre | fnac

Il était dit que je poursuivrai ma découverte de Philippe Jaenada après la lecture-révélation de La petite femelle.

Voltaire, le narrateur, est en vacances en famille dans les Pouilles, en Italie. C’est la deuxième année qu’il y vient avec sa femme Oum et son fils Géo. C’est un petit coin agréable, dans une résidence en face de la mer... jusqu’au jour où un incendie se déclare non loin de là. Le nuage de fumée grossit, les flammes apparaissent au loin puis se rapprochent dangereusement. L’inquiétude fait place à la panique. Il faut fuir ! Notre narrateur s’avoue parfois couard et peu altruiste, il pense surtout à lui-même et aux siens. Une flopée de touristes en maillot de bain s’enfuit vers la plage, tente de rejoindre une autre plage, celle de Manaccora, et se retrouve finalement bloquée entre l’incendie d’un côté et la mer de l’autre. Aucun secours n’apparaît, la chaleur et la soif accompagnent l’angoisse, et les gens se résignent peu à peu à se dire que tout est fini.

Comment faire d’un drame une bonne tranche de rigolade ? La réponse est dans ce roman loufoque et irrévérencieux. Bien sûr que ce n’est pas l’intrigue qui compte (même si connaître un incendie de cette ampleur n’est pas sans rappeler certains événements effrayants récents) mais bien la manière dont Jaenada nous la raconte tout en parenthèses et en digressions (il n’a aucun scrupule à utiliser la double parenthèse (un peu comme cela, voilà)). Il en résulte un lecteur qui se demande s’il doit vraiment s’apitoyer sur le sort de ces malheureux coincés entre mer et flammes, qui en apprend surtout un paquet sur le passé d’Oum et Voltaire, ses élucubrations d’ivrogne (tiens donc) à lui, ses innombrables défauts à elle (elle est maniaque, terriblement maniaque (source d’engueulade fréquente dans le couple)). De savoir que Jaenada et sa famille ont véritablement connu un incendie lors de vacances en Italie (4000 touristes évacués tout de même), ça change un peu la donne et force le respect. Alors oui, j’ai préféré La petite femelle, et de loin, mais j’ai pris plaisir à cette lecture - tout bien considéré - légère qui n’est pas sans rappeler Fabcaro dans ses meilleurs jours.

Toute ressemblance éventuelle de l’usage abusif de la parenthèse dans ce billet avec un certain style jaenadien n’est évidemment pas fortuite du tout... (c’est contagieux ! (le pire c’est qu’on aime ça !... enfin peut-être pas tous les lecteurs)).

« Quelques secondes de stupeur brûlante. Un mur de feu avance. Et quand peu à peu, les corps se sont remis à bouger, à errer ou à trépigner, à vaciller de droite à gauche, comme s'ils clignotaient sur leur faim, l'une des dernières couches d'espoir avait disparu. Oum et Géo, pharaons en déroute sous leurs serviettes trempées, se serraient l'un contre l'autre. Je sentais la panique me liquéfier le sang, un mur de feu avance, vite. Quelques femmes ont crié (« No ! No ! »)  aussitôt imitées par leurs enfants hoquetants. L'Italien dégarni au tee-shirt à tête de loutre, s'est placé spontanément entre sa famille et l'imposante vague de feu qui se déployait maintenant à moins de deux cents mètres de nous, l'air songeur, mais encore stoïque, semblant prête à s'interposer au moment de l'assaut. »

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1 octobre 2023 7 01 /10 /octobre /2023 17:09

Dès que sa bouche fut pleine de Juliette Oury - Editions Flammarion

Nous sommes dans un monde où la nourriture a (quasi) disparu, remplacée par des « barres sustentives anaromatiques ». Le sexe a pris la place des repas et on baise entre copains, entre collègues, avec son conjoint pour rester en forme, discuter ou encore faire connaissance. Tout ce qui a trait aux aliments, à la consommation buccale, à la cuisine, est devenu complètement tabou voire obscène. Pour Laetitia qui vit avec Bertrand, le problème est qu’elle ne pense plus qu’à manger. D’anciens souvenirs de mûres englouties la laissent pantelante de désir. Elle ne se confie qu’à moitié à Bertrand qui garde un mauvais souvenir de leurs rares expériences gustatives qui ont fini par l’écœurer. Laetitia décide donc de trouver une cuisinière en chef sur Internet pour assouvir ses désirs, en clandestinité.

Quel roman surprenant ! Un peu sceptique au départ, je me suis laissé fondre dans l’onctuosité de ces pages. La lecture est fluide et très agréable, devient même d’une sensualité folle en lien avec les deux belles thématiques du livre : le sexe et la bouffe (eh oui, les deux sont quand même hyper importants !!). La cerise sur le gâteau (c’est le cas de le dire, n’est-ce pas...), c’est que l’absurdité de la situation rend le texte extrêmement drôle. L’autrice a trouvé quelques expressions qui valent le détour : « Tu te fous de ma queue ? », « mettre les pieds dans le drap », un fait divers a fait la une des journaux : la maquerelle Madame « Reine Claude » a entretenu pendant longtemps un réseau de cuisine clandestine. Les dents sont une partie honteuse du corps qu’il faut à tout prix cacher... et après la journée de travail ou avec des amis, on passe dans la « salle à baiser ». Bref, c’est un roman divertissant à souhait mais aussi malin et original, qui fait réfléchir sur la banalisation du sexe et l’omniprésence de la nourriture dans notre monde (allez, sans doute aussi sur l’importance de savoir se montrer réfractaire !)

 Une belle réussite pour un premier roman, chapeau !

Ô ciel, Laetitia mange une pomme – expérience rare : « Envahie par la pomme, Laetitia fut saturée par une panique de sensations inconnues. Un corps étranger voulait s'enfoncer dans son palais et la forcer à écarter les mâchoires. Elle sentait la chair granuleuse du fruit, sa coupe nette et sa surface alvéolée. La brûlure parfumée du sucre piquait et affolait sa langue. Son cœur battait dans son cou et elle respirait avec peine. La peau fine de l'intérieur de ses bras était parcourue de frissons. »

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29 septembre 2023 5 29 /09 /septembre /2023 09:40

Gone with the wind T1 - Pierre Alary - Librairie L'Armitière

Il s’agit de l’adaptation de la première partie du roman de Margaret Mitchell.

Je vais, exceptionnellement bien sûr, faire ma feignasse et vous renvoyer au résumé du tome 1 du roman que j’ai lu en 2020.

Il faut admettre que c’est tout de même une prouesse de condenser un gros roman en quelques planches (145) de BD. Le défi est brillamment relevé, je crois que l’ambiance du roman est parfaitement retranscrite et que les choix des coupes sont impeccables (une phrase pourrait résumer cette première partie : « Le monde dans lequel Scarlett avait baigné comme dans un rêve duveteux avait été emporté par la guerre »). Autant j’ai trouvé intéressant de mettre des images sur les lieux et les événements du roman, autant j’ai été dérangée par le fait qu’on m’impose les visages, surtout ceux de Rhett Buttler, d’Ashley et de Scarlett (que j’ai trouvée un brin trop niaise). Les dessins, élégants et de facture classique, accompagnent bien cette fresque ; certains poussent le bouchon jusqu’à être très très beaux comme ces champs de coton une journée d’été. Les tons orange accentuent la vision apocalyptique du retour à la propriété de Tara, en fin d’album.

Une jolie réussite donc pour ceux qui connaissent bien Autant en emporte le vent et aussi pour ceux qui n’y connaissent rien.

Gone with the Wind (tome 1) - (Pierre Alary) - Historique [CANAL-BD]

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