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22 avril 2024 1 22 /04 /avril /2024 11:45

Petit pays, bd chez Dupuis de Faye, Sowa, Savoia

Je ne pouvais pas passer à côté de l’adaptation d’un roman magnifique écrit par un de mes artistes préférés.

Après une enfance insouciante, gaie et colorée sous le soleil de Bujumbura, au Burundi, les parents du petit Gabriel se séparent, la guerre civile éclate, le génocide sévit alors qu’il n’y a qu’une petite différence de nez entre les Hutus et les Tutsis... Gabriel va voir mourir une partie de sa famille, sa mère devenir folle et va devoir s’exiler en France. (résumé plus détaillé ici)

Pari réussi ! Si la BD prend quelques libertés avec le roman (des ajouts parfois étranges comme ce vautour que la famille a domestiqué, par exemple...), qu’elle a tendance à appuyer sur les clichés, elle a vraiment gardé l’esprit du roman, cette dichotomie entre le monde d’avant et celui d’après, la violence qui heurte et tue l’innocence de l’enfance, cette poésie qui effleure les bons moments et surtout la nostalgie de la paix à la fin du livre. Dans Brut, Gaël Faye a confié qu’il s’est reconnu dans les visages et les paysages dessinés parce que Sylvain Savoia s’est inspiré de documents personnels, photos de l’époque et photos de famille de l’artiste (ça vaut de l’or). J’ai bien aimé me laisser surprendre par des personnages et des panoramas que je voyais autrement mais qui ne m’ont pas déçue. L’impasse où vit Gabriel et ses copains est vraiment différente de celle que je m’étais créée, par exemple. J’ai trouvé très juste de représenter les scènes de guerre dans la crudité de leur réalité et ne pas omettre les horreurs racontées dans le livre d’inspiration autobiographique. On sent une belle cohésion entre les trois auteurs pour aboutir à un ouvrage de 126 planches. Bref, lisez et le roman et la BD qui valent vraiment le détour, ne serait-ce que pour commémorer le massacre de 1974.

--- coup de coeur ---

Ces lignes que j’aime tellement :

« Des jours et des nuits qu’il neige sur Bujumbura.
Des colombes s’exilent dans un ciel l’auteur, les enfants des rues décorent des sapins de mangues rouges, jaunes et vertes.

Des paysans descendent tout schuss de la colline à la plaine, dévalent les grandes avenues dans des luges de fer et de bambou. Le lac Tanganyika est une patinoire où des hippopotames albinos glissent sur leurs ventres mous.

Des jours et des nuits qu’il neige sur Bujumbura.
Les nuages sont des moutons dans une prairie d’azur. Les casernes des hôpitaux vides, les prisons des écoles saupoudrées de chaux. La radio diffuse des chants d’oiseaux rares.

Le peuple a sorti son drapeau blanc, se livre des batailles de boules de neige dans des champs de coton. Les rires résonnent, déclenchent des avalanches de sucre glace dans la montagne.

Des jours et des nuits qu’il neige sur Bujumbura.
Les soûlards du cabaret boivent au grand jour un laid chaud dans des calices de porcelaine. Le ciel démesuré s’emplit d’étoiles qui clignotent comme des illuminations de Times Square. 

Des jours et des nuits qu'il neige sur Bujumbura. Te l'ai-je déjà dit ?

Les flocons se posent délicatement à la surface des choses, recouvrent l'infini, imprègnent le monde de leur blancheur absolue jusqu'au fond de nos cœurs d'ivoire. Il n'y a plus ni paradis ni enfer. Demain, les chiens se tairont. Les volcans dormiront. Le peuple votera blanc. Nos fantômes en robe de mariée s'en iront dans le frimas des rues. Nous serons immortels.

Depuis des jours et des nuits, il neige.

Bujumbura est immaculé.»
 

Petit pays, bd chez Dupuis de Faye, Sowa, Savoia

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19 avril 2024 5 19 /04 /avril /2024 15:10

Les Rougon-Macquart Tome 4 ; la conquête de Plassans - Emile Zola - Folio -  Grand format - Librairie Gallimard PARIS

Plus de onze ans après mon dernier Zola (oui, j’ai honte, j’ai vérifié trois fois... onze ans !!), je m’attaque à la suite du Ventre de Paris.

François Mouret est désormais un homme aisé, négociant en vins, en amandes et en huiles. Il vit dans une grande maison à Plassans, cette petite ville (imaginaire) du sud de la France, avec sa femme Marthe, ses deux garçons Octave et Serge et sa fille un peu simplette, Désirée. Il décide de louer le second étage. L’abbé Bourrette lui a trouvé des locataires : l’abbé Faujas et sa mère, une femme austère. Cette nouvelle présence se fait tellement discrète qu’elle intrigue quotidiennement Mouret. Finalement, c’est le jeu du piquet confrontant chaque soir Mme Faujas à Mouret qui va rapprocher tout ce petit monde. Marthe, pour qui la vie a, jusqu’alors, toujours été plate et insignifiante, va se découvrir un but : fonder, sur l’idée de l’abbé – bien plus malin qu’il n’en a l’air, une maison pieuse dédiée aux jeunes filles des rues. Plus qu’un but, elle se prend d’une passion folle pour Dieu... et son représentant, l’abbé Faujas. Celui-là, glacial à son égard, se montrera plus préoccupé par l’idée d’acquérir, doucement mais sûrement, une certaine notoriété dans la ville. L’arrivée de sa sœur et de son mari, les Trouche, va évincer petit à petit les Mouret de leur propre maison, Marthe s’abîmant dans son amour sans retour, Mouret se voyant accusé de violence conjugale. Plane la menace des Tulettes, cet asile de fous où se trouve déjà la grand-mère de François...

Le style de Zola m’étonne à chaque fois, tellement fluide, accrocheur et imagé ! Le microcosme où il nous entraîne permet de voir évoluer les personnages, et ici, tout l’enjeu réside dans la manipulation de certains au détriment d’autres qui se font royalement duper (François et Marthe). Si le thème de la folie m’a moins intéressée (et cette fameuse hérédité dont on ne peut absolument pas se défaire), le récit se tend comme un arc au fil des pages à travers les hypocrisies et mesquineries des habitants dans cette ville qui est un personnage à elle toute seule. Le roman finit en apothéose avec un superbe incendie dans lesquels périssent des personnages qu’on ne plaint pas du tout. Ou comment une petite ville provinciale voit sa soi-disant tranquillité éclaboussée... La dernière phrase mettant en scène la mort de Marthe, annonce la suite, La Faute de l’Abbé Mouret : « Puis, elle joignit les mains avec une épouvante indicible, elle expira, en apercevant, dans la clarté rouge, la soutane de Serge. »

Un petit tour à l'Église : « les veilleuses piquaient de leurs pointes d'or les profondeurs noires de l'église."

« L'été se passa. L'abbé Faujas ne semblait nullement pressé de tirer les bénéfices de sa popularité naissante. Il continua à s'enfermer chez les Mouret, heureux de la solitude du jardin, où il avait fini par descendre même dans la journée. Il lisait son bréviaire sous la tonnelle du fond, marchant lentement, la tête baissée, tout le long du mur de clôture. Parfois, il fermait le livre, il ralentissait encore le pas, comme absorbé dans une rêverie profonde ; et Mouret, qui l’épiait, finissait par être pris d'une impatience sourde, à voir, pendant des heures, cette figure noire, aller et venir, derrière ses arbres fruitiers. »

« Les plus fous ne sont pas ceux qu'on pense... Il n'y a pas de cervelle saine pour un médecin aliéniste... Le docteur vient de nous réciter là une page d'un livre sur la folie lucide, que j'ai lu, et qui est intéressant comme un roman.

LA CONQUETE DE PLASSANS | Librairie des Bauges - Commande en ligne    

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16 avril 2024 2 16 /04 /avril /2024 11:05

Mes mauvaises filles de Zelba

J’ai emprunté cette grosse BD sans savoir de quoi elle parlait.

Bri n’a plus que quelques heures à vivre. Hospitalisée à la suite d’une maladie pulmonaire qui l’a handicapée toute sa vie, elle a toujours dit à ses filles qu’elle ne voulait pas d’un acharnement thérapeutique. Yvla et et Liv, les deux sœurs, ont ainsi choisi un moment précis pour la mort de leur mère adorée mais les heures qui les séparent de ce rendez-vous morbide ne sont faites que de doutes, de souvenirs, de pleurs. Elles occupent ensemble la chambre de leur mère. Lorsqu’elles doivent enlever le masque à oxygène et augmenter la morphine, accompagnées d’un médecin qui finalement réalise ces actes, douze longues minutes de souffrance s’écoulent encore jusqu’à la mort effective de la mère. La vie, évidemment, poursuit son cours après la mort de la mère qui reste présente à la manière d’une ombre bienveillante. Le père se remarie, Liv semble avoir rencontré l’amour, Yvla accouche de son deuxième enfant... et le souvenir de cette mère formidable reste toujours dans leur esprit.

Quelle claque ! Moi qui ai vécu les derniers jours de vie de mon père, j’ai évidemment pleuré lors de la lecture de certaines planches (qui pourrait rester indifférent ? ) C’est sans détours ni concessions que l’autrice évoque un thème encore tabou et complexe, s’inspirant de son propre vécu puisqu’elle a perdu sa mère en 2006 et qu’elle a décidé d’entreprendre cette BD le jour même de la mort de Vincent Lambert, en 2019. L’histoire exprime de manière très juste l’évolution des sentiments, allant de la culpabilité à la certitude de bien faire, en passant par les tiraillements du doute. La complicité entre les deux sœurs est remarquable et ce trio de femmes m’a profondément émue. La mère, d’une santé fragile toute sa vie, a toujours ménagé et épargné ses filles et la BD souhaite qu’elle continue à les accompagner en douceur même après sa mort. Si le thème évoqué est éprouvant, je souhaite faire de cette lecture un coup de cœur parce que c’est une réussite à tous points de vue, les dessins  - variés - m’ont autant plus que le scénario avec ses dialogues tantôt drôles, tantôt graves ; c’est un sujet essentiel qu’on devrait évoquer dans les familles. Une belle postface évoque l’affaire ô combien douloureuse et tumultueuse de Vincent Lambert.

« 12 minutes à suffoquer sur son lit de mort... c’est simplement inadmissible. Ces 12 minutes-là ont duré une éternité. C’était barbare. Bestial. Non ! Pas bestial. On ne laisserait pas une bête crever ainsi. Si le professeur Keller avait eu le droit de lui injecter un produit qui l’endorme et arrête son cœur, elle serait partie en douceur. »

Mes mauvaises filles de Zelba

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13 avril 2024 6 13 /04 /avril /2024 14:02

Fureurs : un podcast à écouter en ligne | France Culture

     -     Saison 1     -

France Culture est décidément devenu mon vivier favori en matière de podcasts.

A quelques jours de la Fête du Progrès, Thomas a été embauché pour un nouveau job : il sera gardien d’une forêt, dans une cabane isolée. Un type un peu bourru, Jacques, l’emmène à cette cabane et lui explique sa mission : ne laisser personne ni entrer ni sortir de la forêt. Thomas reçoit même un revolver pour se défendre, au cas où. Une fois seul, Thomas se rend compte de l’insolite de sa situation puisqu’il n’a absolument rien à faire. Une radio avec une seule fréquence lui est fournie : Lucie, une autre gardienne d’une cabane située quelques kilomètres plus loin communique avec lui. Elle est là depuis plusieurs mois mais le prédécesseur de Thomas a disparu au bout de quelques jours dans d’étranges circonstances. Tantôt enjouée, tantôt complètement flippante, Lucie deviendra la seule « amie » de Thomas. La nuit tombée, de mystérieuses lumières intriguent Thomas et le convainquent définitivement que son boulot est plus dangereux qu’il ne le pensait. Au village, une journaliste, Marie, enquête... et Ahmed, un homme exclu des autres habitants, lui raconte avoir vu une créature étrange et des phénomènes complètement irrationnels.

Récit fantastique qui tend vers la SF, ce podcast est particulièrement réussi grâce à la voix des acteurs mais aussi aux bruitages et à la musique qui tendent à créer une atmosphère inquiétante dès les premières minutes d’écoute. Il se trouve que je l’ai écouté en courant, seule, dans une forêt... frissons garantis (une méthode toute nouvelle pour courir plus vite !) L’intrigue, originale, tient la route et l’auditeur est très vite plongé dans cet univers dystopique effrayant où la nature n’a rien de rassurant, où un dirigeant diabolique mène son monde à la baguette. L'auteur se serait inspiré d'un conte écrit par Olga Tokarczuk. Il paraît qu’il y aura une suite, je m’en réjouis déjà !

5 épisodes de 25 à 27 minutes chacun.

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10 avril 2024 3 10 /04 /avril /2024 13:25

Calaméo - "SHIT !" de Jacky Schwartzmann - éditions du Seuil

Fervente lectrice de cet auteur bisontin, cru, drôle et délirant dans ses polars, je ne pouvais pas rater son dernier méfait.

Thibault Morel est CPE à Planoise, un quartier très chaud de Besançon où il a été muté il y a peu. Il a déniché un petit appart, pensant trouver calme et quiétude mais il comprend très rapidement que sur le même pallier, se tient un trafic de drogue à grande échelle. Par conséquent ses allées et venues dans sa propre résidence sont contrôlées par un charbonneur, le mec qui permet de faire circuler les clients vers leur produit préféré. Et c’est parfois à coups de claque qu’il est accueilli devant son logement... jusqu’à une certaine nuit où il entend des coups de feu et trouve, dans l’appart en face du sien, les cadavres de deux caïds du shit. Une voisine l’accompagne et, dans la salle de bains, ils découvrent, par le biais d’un astucieux système de baignoire encastrée, la cache de fric et de shit des malfrats. D’un commun accord, Thibault et Mme Ramla, gentille mère de famille, décident de fermer la cache et de taire le « trésor » aux flics. Les premiers billets serviront à financer un voyage scolaire, les suivants à aider quelques familles en détresse de la cité. Les compères sèment le bien autour d’eux et décident de reprendre le trafic de shit pour le bien de tous. Mais que faire quand la réserve est épuisée ?

C’est tout simple, voilà un looser qui se métamorphose en winner dans un far west bien actuel, dans une cité de Besançon. Comme d’habitude chez Monsieur Schwartzmann, c’est gros et grotesque, souvent drôle mais l’intrigue n’est pas en reste, cette reconversion de CPE en dealer devient (presque) crédible, on s’attache à gars maladroit échoué dans un univers hostile, capable de gravir les échelons de la fraude et de la violence. L’auteur sait bien de quoi il parle puisqu’il a grandi à Planoise, « décor de théâtre de merde », et qu’il a été élève dans le collège Voltaire évoqué dans le roman. Pour le reste, on admettra que ce n’est que pure fiction. Cette lecture m’a bien divertie, elle a rempli sa mission de me faire sourire plusieurs fois. Même si j’avais trouvé l’auteur déjà bien plus irrévérencieux dans Mauvais coûts ou Demain c’est loin, il dépoussière le genre du polar, donne un coup de pied au cul des clichés sur les quartiers sensibles (qu’il réutilise aussi, évidemment) et dénonce tout de même un peu notre belle société actuelle. De belles parenthèses sur la vie d’un collège ne font que colorer ce roman déjà bien allumé.

« Ma rue. Elle est composée de cinq ou six séries de bâtiments différents. Comme si on avait eu plusieurs architectes, qu'on n'avait pas été capables de les départager et qu'on leur avait demandé à chacun de dessiner son projet. Certains sont des gros cubes à sept étages, d'autres, plus ramassés, n'en comptent que cinq. Comme le mien, au tout début de la rue. J'ignore quand, j'ignore pourquoi, mais il a un jour été décidé que les immeubles de plus de dix étages, les tours, ce n'était pas bien. On a ainsi privilégié des petites structures. Pour faire plus cosy, moins parcage. Conneries. C'est toujours la même bêtise de croire qu'en agençant autrement on améliorera le sort des habitants. On repeint, on dresse des parcs de jeux pour les enfants, on ajoute des bancs par-ci par-là, on pense que cela suffira et on ne comprend pas que ce soit toujours le bordel. »

Thibault a trouvé un transporteur, vous devinez pour quoi : « Et me voilà donc à attendre sur ce parking, tendu, pas rassuré. Ce qui me ferait vraiment du bien, là, tout de suite, c'est un joint. Mes poumons se dressent sur la pointe de leur petits lobes inférieurs, ma plèvre froufroute, mes bronches beuglent aussi fort que les tuyaux d'aspirateur croisés avec des didgeridoos. Je stresse depuis quelques jours. Depuis le retour d'Épinal, à vrai dire. C'est vrai que j'ai beaucoup fumé là-bas. »

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7 avril 2024 7 07 /04 /avril /2024 16:20

Un ennemi du peuple | Actes Sud

Et encore un podcast !

Dans une ville de Norvège, une station thermale contribue à attirer des clients et ainsi, à enrichir la ville. Mais le Dr Stockmann découvre que les eaux sont empoisonnées, polluées par la tannerie voisine. Son diagnostic est d’abord accueilli par des vivats, le rédacteur du journal local veut publier ses découvertes, les bourgeois sont prêts à soutenir le médecin... jusqu’à ce qu’intervienne le frère du Dr Stockmann, juge et directeur de la station thermale qui refuse que cette découverte soit publiée dans les journaux. Non seulement la réputation de la ville en prendrait un coup, la station devrait fermer ses portes deux ans, mais les coûts nécessaires à un rétablissement d’une situation acceptable seraient faramineux pour l’ensemble des habitants. De fil en aiguille, de considération financière en hypocrisie, ceux qui étaient du côté du médecin humaniste font marche arrière jusqu’à le conspuer et à le mettre à la porte.  

Radio France fait décidément de bons choix en matière de théâtre. Après avoir adoré La maladie blanche, j’ai encore eu l’honneur (en courant toujours !) de découvrir une pièce brillamment adaptée pour une version audio et qui, encore une fois, est d’une actualité confondante. Alors que la santé publique semble d’abord être primordiale, elle s’éclipse devant l’argent et ses nombreux pouvoirs. Au moment où le Dr Stockmann se fait exclure de la majorité des concitoyens, il prononce un discours qui va le faire haïr un peu plus encore : la majorité aurait souvent tort, « La majorité compacte est assez dépourvue de conscience pour vouloir fonder la prospérité publique sur la base pestilentielle de la fraude et du mensonge. »  Cette vérité difficile à entendre va condamner le médecin et sa famille à s’exiler. Certains personnages secondaires sont bien campés également, notamment la fille du médecin, Petra, féministe et moderne avant l’heure, mais aussi ceux qui retournent leur veste, souvent comparés à des animaux, qui m’ont fait penser à la Cour du Roi Soleil. Une pièce à lire ou à écouter (5 fois 28 minutes).

 

« La minorité a toujours raison. »

« L’homme le plus fort du monde est celui qui est le plus seul. »

 

D’autres pièces d’Ibsen : Maison de poupée ; Les Revenants.

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4 avril 2024 4 04 /04 /avril /2024 13:19

L'abolition : le combat de Robert Badinter - Marie Gloris Bardiaux-Vaïente  - Librairie Mollat Bordeaux

-     Le combat de Robert Badinter     -

En novembre 1972, deux hommes sont exécutés, condamnés par la cour et le jury à la peine de mort. L’un est coupable de crime, Claude Buffet, l’autre influencé par le premier, Roger Bontems, est cependant innocent. Robert Badinter et Philippe Lemaire sont les avocats chargés de leur défense et ils acceptent difficilement que la peine de mort sévisse encore. Pompidou n’ira pas jusqu’à les écouter et gracier Bontems. En 1976, à Troyes, un jeune garçon est kidnappé puis retrouvé mort. Le coupable, Patrick Henry, est retrouvé ; il est évident qu’il s’agit d’un monstre incapable d’éprouver de l’empathie. Badinter va le défendre ou plutôt tenter d’éradiquer la sanction capitale. Convaincu, le jury opte pour la réclusion criminelle à perpétuité. En 1981, Mitterrand promet qu’il se battra pour abolir la peine de mort. Une fois élu, Badinter devient Garde des Sceaux et, en septembre 1981, la France devient le dernier pays d’Europe occidentale à abolir la peine de mort. Le premier gracié est Philippe Maurice (et c’était une bonne chose puisque, devenu historien en prison, il est libéré en 2000 et devient chercheur au CNRS).

BD édifiante et émouvante, elle insiste sur le fait que Badinter s’est battu pour une cause noble et emplie d’humanité, en dépit de ses intérêts personnels puisqu’il a assisté, en 1987, au procès de Klaus Barbie, le criminel à l’origine de la mort de son père, exterminé à Sobibor mais... « l’abolition n’admet aucune exception. » A noter également que les Français étaient favorables, à l’époque, à 63%, à la peine de mort donc ni Badinter ni Mitterrand ne semblaient être populaires sur ce point. La BD se lit bien, elle est prenante, les couleurs sobres et sombres rehaussent l’aspect solennel de cet événement historique. Il me semble que les convictions et le charisme de Robert Badinter y sont bien traduits. Petit bémol quant aux portraits des hommes politiques, le trait aurait pu être plus précis pour les rendre davantage reconnaissables. Publiée en 2019, en 2024 à l’heure de la mort de Badinter, elle peut très bien se lire et se relire, surtout par des plus jeunes (c’est accessible dès 13-14 ans, je dirais). Ma fille l'a dévorée elle aussi.

« La défense, c'est ne jamais céder un pouce de terrain à l'adversaire, ne jamais rien tenir pour acquis à l'accusation, c'est refuser même d'admettre l'évidence. »

La belle citation de Victor Hugo est reprise plusieurs fois : « Je vote l’abolition pure, simple et définitive de la peine de mort. »

Encore Hugo : « La peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie. »

L'Abolition : Le Combat de Robert Badinter - (Malo Kerfriden / Marie Gloris  Bardiaux-Vaïente) - Documentaire-Encyclopédie [CANAL-BD]

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1 avril 2024 1 01 /04 /avril /2024 14:29

Goldman - Ivan Jablonka - Seuil - ebook (ePub) - Librairie Gallimard PARIS

Je n’ai pas l’habitude de lire ce genre de livres mais j’honore un cadeau qu’on m’a fait.

Jean-Jacques Goldman est né en 1951 de parents immigrés juifs non-pratiquants mais fiers de leurs origines. Le père, gérant d’une enseigne de sport, a toujours souhaité tout faire pour s’intégrer au mieux à la société française et il a réussi. Jean-Jacques a été un élève moyen, un ado plutôt réservé et banal. Attiré par la musique noire, le blues et le gospel, il a délaissé le violon pour la guitare mais ne s’est pas révolté à une époque où il pouvait le faire, en mai 68. Léo Ferré et Michel Berger l’ont convaincu de chanter en français. Il a très tôt rencontré son acolyte, Michael Jones, dans leur groupe commun, Taï Phong. Après insuccès et refus divers, c’est au début de 82 que le succès de Goldman éclate avec « Il suffira d’un signe ». S’étant toujours revendiqué comme un minoritaire, un transfuge, un être fragile, il s’est démarqué par sa banalité, et a conquis un public plutôt féminin et populaire. Il a cependant profité de l’essor des émissions télé, des radios FM, du Top 50 (n’oublions pas qu’il a composé le générique de « Taratata »). Il a longtemps répondu aux lettres de ses fans jusqu’à ce qu’ils soient vraiment trop nombreux, il est resté pudique sur sa vie personnelle toute sa vie. Engagé dans différentes causes humanitaires, il a longtemps rechigné à faire des concerts. Au sommet de son succès, il a fondé ce trio avec Michael Jones et Carole Fredericks. Il s’est habitué au mépris, à la honte d’écouter Goldman, à l’ironie des médias. En 2002, il arrête les tournées, en 2016, il quitte les Enfoirés puis disparaît totalement pour vivre dans le Sud de la France puis en Angleterre avec son épouse, prof de maths.

Oui, j’aime Jean-Jacques Goldman mais mes préférences vont à des chansons moins tout public comme « Nuit », « Chanson d’amour », « Tu manques », « Serre-moi » ou encore « Peur de rien blues ». J’ai également un souvenir très net de « La vie par procuration » que je chantais non-stop à sa sortie avec des copines, je n’avais même pas dix ans. J’ai réalisé, à travers cette lecture, à quel point Goldman a marqué plusieurs décennies, que ce soit par sa propre carrière ou par les chansons qu’il a écrites pour les autres. Mêlant différents genres, il est resté inclassable ; rocker sans en avoir ni le look, ni le mode de vie. Il a réussi sa sortie du showbiz, s’effaçant complètement, d’abord des médias, puis mettant un terme à tout projet musical. L’auteur le compare à Pérec puis à Rousseau dans des parallèles pas inintéressants du tout. Plus largement, il balaie le paysage de la chanson française des années 80 à 2000. Qu’est-ce que j’ai appris ? Que Goldman avait un demi-frère bandit braqueur qui a même été accusé de meurtre en 1969 avant d’être relâché et assassiné dans la rue. Qu’il a travaillé dans le magasin de sport familial jusqu’à ses 30 ans. Que ses chansons évoquent les thèmes suivants : le déracinement, l’exil, l’homme vulnérable, les ruptures, la condition minoritaire, entre autres. Qu’il s’oppose farouchement au patriarcat. Que sa partenaire de « Là-bas » a été assassinée par son compagnon.

C’est la première fois que je découvrais cet auteur dont l’écriture m’a plu, ça a été une lecture très agréable, divertissante et plus instructive que prévue 😊

« Trois figures nationales, donc, au miroir des années 1980. Toutes s’adressent à la France des petits : Tapie, jeune loup propriétaire d'entreprises et vainqueur de régates, veut la rallier au parti des gagnants ; Le Pen, vieux loup raciste, jette les immigrés à la vindicte des déçus de la gauche ; Goldman appartient au parti des perdants, mais il leur parle de fraternité et de justice, de rêve et d'avenir, assumant sa nature « dépourvue d'agressivité », au contraire du winner. Alternative au tapisme comme au lepénisme, Jean-Jacques Goldman a commencé sa montée au symbole. »

« Etincelle, telle est la métaphore que Goldman utilise lorsqu’on l’interroge sur le pouvoir fédérateur de ses tubes. L’unique talent qu’il se reconnaît (il parle d’ailleurs en termes de compétences) est la capacité à déceler l’« étincelle enfouie sous des kilomètres de musique ». Non pas voleur de feu, mais cueilleur d’étincelles, le chanteur fait naître une connivence, une émotion au premier degré, instant de magie grâce auquel les gens sont rassemblés au-delà d’eux-mêmes. »

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28 mars 2024 4 28 /03 /mars /2024 16:32

Changer l'eau des fleurs - Théâtre de la Renaissance

J’avais aimé le roman, pour un feel good, oui, ça va, j’avais aimé. Il me tardait de découvrir cette adaptation sur la scène.

Violette (mais quel joli prénom) est gardienne de cimetière. Son métier comme sa solitude lui conviennent, elle tient les registres des enterrements, aime en noter les petits détails, s’occupe des fleurs, connaît les tombes par cœur et accueille les visiteurs. Parmi eux, Julien, un type un peu paumé qui souhaite respecter les dernières volontés de sa mère décédée : savoir ses cendres dispersées sur la tombe d’un homme dont Julien n’a jamais entendu parler. Violette et Julien se revoient plusieurs fois, expriment leurs douleurs respectives tout en pudeur et en prudence, se découvrent, se surprennent par un passé compliqué et amer, enquêtent aussi l’un sur l’autre. Sur des airs de Charles Trenet, un ex mari va ressurgir, on va relire des archives, boire du café et tenter de vivre, encore.

Deux énormes points forts pour l’adaptation de cette histoire que j’avais en partie oubliée : la mise en scène (signée Salomé Lelouch et Mikaël Chirinian), à la fois simple et efficace, ingénieuse et poétique avec beaucoup de fleurs et des étagères qu’on bascule. Ensuite, l’interprétation de Caroline Rochefort, « Violette », authentique et très juste dans une simplicité bouleversante. La première partie de la pièce joue sur l’humour et la légèreté et la fin gagne en profondeur, en humanité et en émotion. On ne peut qu’en sortir touchés. C’était un beau moment de théâtre autour de la résilience. La pièce est jouée au moins jusqu’à fin avril au Théâtre de la Renaissance à Paris mais se promène aussi en tournée dans toute la France. Elle a reçu une nomination aux Molières 2022 pour la Révélation féminine.

un avant-goût

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25 mars 2024 1 25 /03 /mars /2024 10:16

L'Herne – Les inséparables

Heureusement que le stimulant challenge Les classiques c’est fantastique m’a à nouveau poussée vers cette autrice que j’avais découverte avec les sublimes Mémoires d’une jeune fille rangée. Ce mois-ci, les Simone sont mises à l’honneur.

                Dans un court roman autobiographique, l’autrice met en lumière sa jeunesse marquée par la rencontre avec Zaza, nommée Andrée ici, une fille de son âge pour qui elle éprouve une grande admiration et un amour incomparable. La vie aux côtés d’Andrée qu’elle croit connaître mais qu’elle découvre au fil des mois et des années coïncide avec son adolescence. Vient alors la période de rébellion face à l’ordre établi, Simone (nommée ici Sylvie) va s’éloigner de la religion pour finir par admettre qu’elle ne croit plus en Dieu, faire des choses défendues (qui peuvent, certes, faire sourire aujourd’hui puisqu’il s’agit de manger des pommes entre les repas et de lire Alexandre Dumas en cachette !) et grandir aux côtés ou peut-être dans l’ombre d’Andrée. Les filles deviennent des étudiantes et Andrée s’éprend du meilleur ami de Sylvie mais, si c’est amour est partagé, les fiançailles tant attendues n’auront pas lieu. C’est peut-être cette énième contrariété qui va conduire Andrée à la mort.

Si c’est le livre d’une amitié qui se clôt par une tragédie, il s’agit aussi de la photographie d’une époque précise, celle du premier tiers du XXè siècle, avec ses contraintes, sa misogynie, ses mœurs parfois étriquées. J’ai beaucoup aimé l’ambiguïté de la relation entre les deux jeunes femmes avec une réciprocité qui n’est jamais acquise, des doutes et des questionnements qui sont ceux d’un couple d’amoureux. La plume de Simone de Beauvoir embaume un parfum de douceur qui enivre légèrement, on se laisse très vite glisser dans son univers où on revêt une « robe bleu marine avec un col de piqué blanc ». On comprend également à quel point cette amitié qui s’est terminée dans la souffrance et le malheur a pu marquer durablement notre écrivaine. L’ouvrage bénéficie d’un cahier tout à fait appréciable comprenant des photos de Zaza et Simone et des lettres authentiques échangées entre les deux femmes.

« Andrée aurait-elle été triste si on nous avait empêchées de nous voir ? Moins que moi, assurément. On nous appelait les deux inséparables et elle me préférait à tous mes camarades. Mais il me semblait que l’adoration qu’elle avait pour sa mère devait pâlir ses autres sentiments. »

« Depuis cette nuit où dans la cuisine de Béthary, j’avais avoué à Andrée combien je tenais à elle, je m’étais mise à y tenir un peu moins. »

« un mariage d’amour, c’est suspect. »

Extrait d’une lettre de Simone datant de novembre 1929 : « C'est toujours à chaque page bonheur, bonheur en lettres de plus en plus grosses. Et je tiens à vous plus que jamais en ce moment, cher passé, cher présent, ma chère inséparable. Je vous embrasse, Zaza chérie. »

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