Une lacune de plus que je viens de combler : je n’avais jamais lu ce roman pour la jeunesse, classé, on peut le dire je le pense, dans les classiques du genre.
Ce récit tire sa force de sa simplicité. L’auteur-narrateur raconte son enfance terni par la guerre et la persécution des Juifs. En 1942, lorsqu’il a six ans, son père est ses oncles furent arrêtés par les Nazis. Peu après, les Allemands reviennent dans la maison familiale pour séparer la mère des deux enfants, le narrateur et sa petite sœur de trois ans. Commence alors un périple pour les deux enfants qui passeront d’une famille d’accueil à une autre avec un détour par Drancy, où ils entendent le nom de cette destination mystérieuse, « Pitchipoï », qui n’est autre qu’Auschwitz. Au regard de millions d’autres Juifs, l’auteur se place parmi les chanceux, pourtant le récit qu’il nous fait de cette période de traque et de peur fait froid dans le dos.
Les faits sont bruts, racontés pour être connus de tous, il n’y a pas de place à la fioriture ni à l’embellissement, et c’en est d’autant plus émouvant. La petite sœur que j’ai sans cesse comparée à ma fille du même âge, m’a particulièrement touchée. Je l’imagine, perdue dans un monde d’atrocités alors qu’elle a l’âge de ne connaître que jouets, comptines, histoires. Son grand frère voulait la protéger et prendre la place des parents absents. Si ce n’est pas dit dans le roman, on devine que ces pages tragiques liées à son enfance, ont bien évidemment marqué la vie de l’écrivain. Le climax correspond sans doute à la photo qui fait la couverture du roman : bien réelle et prise quelques jours après leur sortie de Drancy.
Il m’arrive de ne rien vouloir lire sur cette période noire et absurdement horrible qu’est la Seconde Guerre Mondiale, mais je reste persuadée que les témoignages, les récits, les souvenirs ne doivent pas être enfouis dans l’oubli mais doivent servir à rendre l’avenir plus clément.
Ø « Quand nous sommes arrivés, j’ai le souvenir d’avoir attendu devant une longue baraque en bois avant que nous soyons fouillés. Il y avait beaucoup d’enfants. J’avais toujours peur de perdre ma petite sœur. Après, on nous a donné à boire quelque chose, qui ressemblait à de l’eau chaude au goût de chocolat. Ca nous a fait du bien. Puis on nous a conduits chez le coiffeur. Je ne sais plus si c’était le premier jour. On a fait asseoir ma sœur sur une chaise dont le siège était surélevé, et le coiffeur a pris sa tondeuse et a commencé à lui raser les cheveux. Les mèches tombaient sur le sol où il y en avait déjà beaucoup d’autres. »
Ø Lorsque la vie « normale » reprend son cours, le narrateur et sa petite sœur jouent ensemble : « on s’amusait bien, et quand nous vivions des moments qu’elle considérait comme particulièrement agréables, elle se disait : « Il faut surtout que je ne les oublie pas, pour avoir de bons souvenirs quand nous retournerons au camp. » Mais la nuit, elle continuait à faire des cauchemars qui nous réveillaient tous. »