Je ne juge pas un écrivain à une seule lecture. Il me fallait donc autre chose à me mettre sous la dent après L’occupation pour connaître un peu plus cette Annie Ernaux. Première réaction quand j’ai lu le résumé de l’éditeur : j’ai refermé le livre. L’écrivain raconte la mort de sa mère. Peu pour moi. Je me suis ravisée et j’ai tout de même lu le livre. Peut-être n’aurais-je pas dû. Comme je m’y attendais, ces moments étaient éprouvants, tristes et très (trop) émouvants.
Il n’y a plus de doute quand au je ernalien, il est bien autobiographique. C’est l’écriture du personnel, de l’intime, du dévoilement. C’est aussi une écriture thérapeutique pour elle. Elle enterre sa mère, commence son deuil et se met à écrire pour elle, et cela, pendant dix mois : « il s’agit de chercher une vérité sur ma mère qui ne peut être atteinte que par des mots ». Par les mots, elle parvient à retrouver sa mère d’avant, celle de son enfance, celle qu’elle aimait d’un amour pur et innocent et non celle de la vieille femme atteinte de la maladie d’Alzheimer. L’écrivain retrace le parcours de vie de sa maman, elle nous présente une ébauche de biographie vue par elle uniquement. Le langage est simple, net, sans détours ; parfois sec tant il va directement au but. J’ai été très touchée - qui ne le serait pas – pourtant j’ai eu parfois l’impression de m’adonner au voyeurisme. Le côté j’étale ma vie sans pudeur (déjà pressenti dans L’occupation) m’a gênée. Le traitement de cette affreuse nouvelle (perdre sa maman) n’a rien de nouveau ni d’original, et, si tout un chacun racontait la mort d’un de ses parents, on obtiendrait peut-être sensiblement la même chose. Je crois que j’avais fait le même genre de commentaire de D’autres vies que la mienne. La mort fait réagir, pleurer, crier, elle déchire, elle émeut, elle angoisse… mais, selon moi, elle est un sujet « facile » en littérature. Appeler ce livre une page de mon journal intime aurait été plus honnête. Je persiste à dire que transformer à ce point le personnel, le familial, l’individuel en donnée publique à vendre, me paraît indécent.
J’ai sans doute du mal à parler de ces livres trop intimistes à mon goût parce que ça m’effraye et me renvoie à mes peurs. J’irai lire un autre Ernaux… laissons une dernière chance à l’auteur.
« On ne sait pas que j’écris sur elle. Mais je n’écris pas sur elle, j’ai plutôt l’impression de vivre avec elle dans un temps, des lieux, où elle est vivante. »
« Je crois que la littérature ne consiste pas seulement à inventer des histoires extraordinaires, que sa fonction est aussi de tenter de dire et d’éclaircir la vie, celle qu’on mène, avec ses contradictions, ses désirs et ses douleurs, pour, peut-être, mieux la dominer. »
Observez la modernisation de la couverture par rapport à celle de l'édition que j'ai lue. Il fallait absolument un bouquet apparemment...