Charmée et amusée par La Reine des lectrices, je n’ai pu résister à poursuivre, au plus vite, mon immersion dans l’univers d’Alan Bennett.
Deux histoires.
Mrs Donaldson, veuve, accepte de prendre des locataires étudiants dans sa maison. Sans le sou, le jeune couple propose à la brave dame très digne d’assister à leurs ébats, pour compenser… Mrs Donaldson y prend vite goût ! Pour passer le temps, elle joue aussi au « Pseudo Patient » afin que les étudiants en médecine puissent s’entraîner. Elle feint donc un malaise, de souffrir d’un ulcère au duodénum ou encore d’être couverte d’eczéma.
La seconde histoire qui n’a absolument rien à voir avec la première (ce qui est étrange, pourquoi un tel choix ?) pousse le bouchon encore un peu plus loin dans le style « sauvons les apparences ». En effet, Graham un très bel homme narcissique s’apprête à épouser Betty, une femme laide et intelligente, mais il couche avec les hommes, surtout avec un policier gay qui finira par le faire chanter. Betty est au courant de tout, elle cache bien son jeu elle aussi puisqu’elle se retrouve régulièrement au lit …. avec son beau-père, Mr Forbes ! Ce dernier joue au papy en charentaises mais discute le plus souvent possible avec de jolies jeunes femmes exotiques sur internet. La pauvre Mrs Forbes, déçue par le mariage de son fils, ne comprend pas pourquoi son mari ne l’initie pas aux secrets d’internet. Bref, « ce n’était donc pas les secrets qui manquaient »…
C’est sympa, léger, drôle, très léger même. Le premier récit m’a plus plu que le second, il est plus subtil. Société britannique coincée en apparence et délurée pour de vrai… voilà de quoi il en retourne. Pas de grande surprise, une qualité qui ne vaut pas celle de La Reine des lectrices mais une parenthèse amusante. Le style reste le même, un humour pince-sans-rire, des phrases ampoulées au langage soutenu pour raconter quelque chose de cru ou de rocambolesque, bref, c’est le décalage qui est la base de la recette de Mr Bennett. Et puis, c’est si vite lu qu’on aurait tort de s’en priver.
C’est assez rare mais une mère (Mrs Forbes) regrette d’avoir prénommé son fils Graham : « Elle aurait bien aimé pouvoir s’en débarrasser à présent, comme elle l’avait fait récemment de leur salle à manger en chêne foncé, qui datait de la même époque. Mais s’il existe des brocantes où l’on peut fourguer ce qui a jadis eu nos faveurs, aucun vide-grenier ne nous permet d’éliminer les attributs les plus indésirables – tels qu’un prénom, un parent éloigné ou son propre reflet dans la glace. »