Récit autobiographique qui nous emmène en Chine, à Shenzhen plus précisément, où l’auteur-narrateur a passé un séjour professionnel de quelques mois. Seul, il découvre la ville mais également un pays, des gens, des habitudes, le tout complètement étranger à ce que nous connaissons. Ce regard neuf extrêmement enrichissant vaut un voyage pour de vrai.
Cette expérience semble avoir été pour Delisle assez douloureuse : la barrière de la langue l’a empêché de communiquer, d’apprendre, de connaître, de s’exprimer comme il l’aurait voulu, les mœurs l’ont souvent décontenancé : pays où on peut dormir sur son bureau au travail, où un couple ne s’échange guère plus de dix mots en une soirée, où gaieté, plaisir, couleurs, décorations, fantaisie, semblent être des mots inconnus.
La Chine est aussi un pays étrange pour ses plats complètement insolites pour nous : tofu mais aussi chien, tête de coq baignant dans un bouillon, poumon de chèvre au poivre. Un ami de notre dessinateur, Cheun, commande du serpent dans un restaurant, « le serveur revient avec deux verres. Dans le premier, il y a un peu d’alcool mélangé avec le sang du serpent. D’aspect c’est pas très ragoûtant, mais c’est buvable. […] Dans le deuxième verre flotte un peu d’alcool, un organe (la vessie, je crois) de notre serpent. Avant de boire, Cheun l’écrase avec une cuillère. Un jus verdâtre s’en échappe donnant au contenu une jolie couleur d’absinthe. »
Si Delisle se sent sans cesse en complet décalage, s’il compte les jours qui le séparent de son retour, il ne juge jamais, essaye toujours de comprendre, goûte, teste, ose, s’interroge, note, constate… et dessine. Cette absence de condamnation est vraiment appréciable, jamais Delisle ne se place au dessus des Chinois, il enregistre les différences entre leur culture et la sienne et note aussi que certaines de ces différences sont des gouffres infranchissables.
La lecture de cet épais roman graphique fut un vrai plaisir, dépaysant et instructif.
A découvrir !