Je m’étais déjà régalée avec Shenzen, ici le bonheur est encore plus grand parce qu’on a l’impression de pénétrer dans un antre interdit au monde entier, Pyongyang étant la capitale de la Corée du Nord.
Notre narrateur-auteur-personnage principal y passe deux mois. Bien sûr, il s’est préparé psychologiquement à vivre quelque chose de particulier mais les surprises sont grandes : voilà une ville où on ne flâne pas, où les portables sont interdits, les restaurants déserts, où les étrangers doivent se déplacer avec un interprète ou un guide, où la ferveur religieuse envers Kim Il-Sung, le « père de la nation », et son fils, est omniprésente, où le badge arborant l’un ou l’autre des deux communistes est obligatoire, où les habitants bossant 6 jours sur 7 et offrant un jour de volontariat au régime (repeindre un pont, par exemple) n’ont pas de temps libre. C’est toujours avec humour, autodérision et une sorte de naïveté qu’il nous décrit les coutumes d’un pays plus que surprenant aux yeux de l’étranger.
Autre côté intéressant de l’album : le travail de Guy Delisle. Il reprend et corrige des séquences de dessins animés et ça peut donner ça concernant le coucou du grand-père nounours, par exemple : « On a l’impression qu’il essuie une fenêtre avec sa main. Ou plutôt qu’il essaie de se gratter la tempe en ayant un bras dans le plâtre. Ha ha ! Non ! Ou mieux ! Il fait un salut militaire prenant une décharge électrique ! »
Deux autres passages qui m’ont marquée :
- lors du seul pique-nique dans la campagne auquel participe le narrateur, il apprécie la vue, « un paysage qu’on pourrait rencontrer un peu partout dans le monde. Mais à part un détail… sur environ 50 mètres de hauteur, a été sculpté et puis peint en rouge, un slogan qui a dégouliné le long de la paroi rocheuse, défigurant à jamais l’ensemble de e site. Le nom de Kim Il-Sung restera gravé à jamais dans le cœur de son peuple. »
- Alors que le dernier film du studio de cinéma appartenant à l’armée est projeté, un collègue de Delisle ne s’y rend pas : « J’aime pas les films qu’on produit ici. Je les trouve ennuyants. » Réaction du visiteur déjà habitué au fonctionnement de ce doux pays : « de tout mon séjour, c’est ce que j’ai entendu de plus subversif de la bouche d’un Coréen. Et vu le contexte, son propos m’est apparu comme un acte de bravoure inouï. »
N’hésitez plus et lisez ce récit autobiographique illustré ! Malgré l’épaisseur du livre, ça se dévore avec délectation !
» 18/20 »