Octave Lassalle a quatre-vingt-dix ans, il est riche et seul. Pour ne pas être seul (comme dit la chanson, oui…), il s’entoure d’une manière originale. Ayant passé une petite annonce (qu’on n’a jamais lue d’ailleurs, vous êtes bien d’accord ?), il a recruté quatre personnes qui seront présentes, à tour de rôle, toute la journée. Marc sera là le matin, rasant le vieil homme comme au bon vieux temps et s’occupant des fleurs de son immense jardin. Hélène, peintre, passera l’après-midi avec Monsieur Lassalle tout en réalisant sa commande de tableau. Yolande veillera à préparer le repas du soir et Béatrice, l’infirmière, passera la nuit aux côtés du vieil homme.
On entre dans le passé d’Octave Lassalle, un passé douloureux puisqu’il a perdu sa fille, Claire, dans un accident de voiture alors qu’elle avait dix-neuf. Le couple qu’il formait alors avec Anna n’a pas tenu le coup. C’est Claire qui est le sujet principal du tableau que doit réaliser Hélène.
Ce qui devait arriver arriva, les quatre personnes font plus que se croiser, des amitiés, voire des amours se créent autour du vieillard qui noue, lui aussi, un lien très particulier avec chacune d’entre elles.
Il est question de préparer sa fin de vie, de faire ressusciter le passé, de se reconstruire une famille mais il est surtout question de croyance religieuse. Aucun des cinq personnages ne croit en Dieu mais chacun doute. C’est autour de ce doute que se renforcent les rapports entre des êtres malmenés par le destin. Car la réponse ne réside pas en l’existence ou non d’un dieu mais en la foi en l’être humain.
En variant la narration, en choisissant des phrases courtes et puissantes, Jeanne Benameur creuse l’humain et touche au sacré, au profond, à l’essentiel. Elle nous emmène dans un autre temps, le contact avec le réel est tenu, les personnages ont tous quelque chose d’évanescent, d’extrêmement sensible.
Je sais que beaucoup ont adoré ce livre. De mon côté, même si j’en ai apprécié la qualité, la poésie et la dimension philosophique, j’ai été mal à l’aise durant toute la lecture. Cette lourdeur, cette atmosphère pesante, presque grandiloquente, cette absence de légèreté (oserais-je dire « d’humour » !) m’ont étouffée, oui. C’est comme un vin bien trop capiteux, un bijou bien trop précieux…
« J’ai besoin d’autres êtres humains, comme moi, doutant, s’égarant, pour m’approcher de ce qu’est la vie. Parce que je suis vieux. Les religions ne m’intéressent pas. Ceux qui sont sûrs d’un dieu ou de l’absence d’un dieu ne me sont d’aucune aide. J’ai besoin de confronter mon doute à d’autres, issus d’autres vies, d’autres cœurs. J’ai besoin de frotter mon âme à d’autres âmes aussi imparfaites et trébuchantes que la mienne. »
« Elle avait employé plusieurs fois ce mot « tentative ». Un mot qu'il aimait. C'était celui qu'il employait pour le fait de vivre : une tentative. Un mot humble, qui donne le droit de se tromper, d'errer, de recommencer."
« Les quatre l’ont secoué, lui ont donné la force qu’aucune foi en un dieu, fût-il d’amour, ne lui a jamais donnée. Lui, sa foi, elle est dans les êtres humains, c’est tout. »