Au départ, j’ai bien cru qu’il s’agissait encore d’une énième chronique de voyage comme Pyongyang de Delisle ou Tokyo Sanpo de Chavouet (que j’apprécie beaucoup beaucoup). Non. Ou alors au début et plus après.
Paul est marié à Lucie et papa d’une fillette prénommée Rose. Au début de la BD, la famille de Lucie, originaire du Québec, et l’esprit de tribu sont mis en lumière. La langue québécoise est riche et savoureuse, les expressions rigolotes pour les non-initiés fusent, on trinque à l’indépendance du Québec, on joue au scrabble et au jeu de cartes « J’achète », on se baigne dans une piscine chauffée dehors même en hiver, les parents de Lucie, Roland et Lisette pour leurs enfants et leurs « petits-lapins ». Bref, ces premières planches, je les ai trouvées sympa, sans plus… parfois même un peu confuses pour moi qui ne pratique pas le Québec (mais qui rêve d’y aller !).
La seconde partie de l’album prend une autre tournure. Roland, le beau-père de Paul, est malade. Il ne lui reste que trois mois à vivre. Sa femme, Lisette, tente d’abord de le garder à la maison mais les maladresses de son mari, ses requêtes incessantes, son absence d’autonomie la contraignent à le placer dans un centre de soins palliatifs. L’endroit paraît idéal, le personnel est aux petits soins, les animations sont variées et ça ne ressemble pas à un hôpital. Pourtant, Roland joue à l’ours mal léché et se met tout le monde à dos. Heureusement, il change très vite d’attitude… Les jours passent, ses trois filles se relaient pour lui tenir compagnie et la petite famille de Paul vient aussi très régulièrement le voir. Roland maigrit, dépérit, s’affaiblit et finira par décéder une nuit après une soirée où ses filles ont fait un petit dîner dans sa chambre sur sa musique préférée, l’Ave Maria de Schubert.
Ce thème de la fin de vie m’a extrêmement touchée, j’ai beaucoup pleuré, les différentes étapes de la lente marche vers la mort sont pertinemment décrites. Certains détails m’ont bouleversée : Rose, la petite fille qui ne veut plus quitter le béret de son grand-père mort, sa dernière visite sur sa tombe, le texte prononcé à l’enterrement…. Tout en pudeur, sans faux-semblant, délicatement et subtilement, Rabagliati évoque un événement de sa vie.
Le dessin est simple, le noir et blanc se prête bien à la sobriété du récit. Un bel album à découvrir absolument !
» 16/20 »