Heaven’s state est un immense lotissement, une sorte de ghetto réservé aux riches qui veulent fuir les affres du monde et l’insécurité du quotidien, une des fameuses « gated city ». Les somptueuses villas sont donc très bien gardées, les vigiles surveillent coins et recoins, l’argent et le champagne coulent à flot et inévitablement, on s’ennuie. Des jeunes gens issus d’horizons très différents –délaissés par des parents trop occupés à jouer au golf ou à se souler- une jolie Chinoise, un Américain arrivé après le 11 septembre, une Française, un obèse qui se gave de caviar, etc. se retrouvent pour suivre le meneur du groupe, Bart, qui s’amuse à jouer au SS. Il s’est procuré la panoplie complète du parfait nazi et propose à ses copains veules et lâches de reconstituer « une réception qui aurait pu avoir lieu, par exemple en Allemagne, par exemple en 1938, par exemple avec des invités venus de tous les pays. Une grande réception diplomatique en l’honneur de l’ordre nouveau appelé à régner sur le monde, une sorte de tableau vivant symbolisant le concert des nations idéal placé sous les ordres du guide, du führer ». Certains râlent un peu mais se prêtent tout de même au jeu et on obtient la photo de groupe de la couverture de l’album. Le jeu déjà effrayant se transforme en tuerie sanglante : le plus jeune, en voulant décapiter une bouteille de champagne d’un tir de fusil, tue un autre garçon et blesse deux personnes. Débandade. Tout le monde s’éparpille et fuit. Bart, le véritable coupable se précipite vers la presse locale pour accuser les « chicanos du camp de mobile homes ». Ceux qui connaissent la vérité sont rapidement éliminés. L’album se clôt sur l’idée qu’en France aussi, de tels ghettos interdits aux pauvres, peuvent exister.
Le thème m’a beaucoup intéressée, l’histoire était prenante mais j’aurais aimé que les personnages soient un peu mieux dessinés, au sens propre comme au sens figuré. Le graphisme n’a rien d’original même s’il retranscrit bien la beauté et le luxe de ces résidences très-favorisées. Un microcosme écœurant, dénué de valeurs et de principes, une oisiveté qui sent mauvais et une arrogance de riche qui vaut le coup d’œil. J’aurais aimé en lire plus, en découvrir davantage.