Je suis tombée complètement amoureuse de cette BD dès la quatrième ou cinquième planche ! Je n’ai jamais été autant touchée, émue, remuée, ravie, bouleversée, retournée, étonnée, enchantée !!! … Oui, tout ça !
Nous sommes dans une rue un peu particulière par son nom rigolo : l’ « impasse du bébé à moustaches ». « En réalité, elle s’appelle « impasse Baron Van Dick » mais tout le monde l’appelle « l’impasse du bébé à moustaches ». A cause de la publicité, vous comprenez ? Qui a eu l’idée, au début du Xème siècle de peindre cette publicité sur le grand mur aveugle au bout de l’impasse ? Plus personne ne le sait. Une nuit, des années plus tard, quelqu’un – un garnement du quartier vraisemblablement - a affublé de grandes moustaches noires le bébé souriant. Tout le monde a ri, le bébé est resté. Les moustaches peintes aussi. »
L’originalité initiale, c’est la narratrice : une madone, une statue installée dans une niche, au 3bis de la rue. Elle est la spectatrice des petites histoires, des mouvements, des rencontres, des personnages qui évoluent, grandissent et meurent dans cette rue. Et elle nous raconte. Le lecteur, devant les cases représentant les habitants de la rue, se croit d’abord dans une simple rue provinciale, grise, pas très propre, où on tue des chatons, où se saoule au café du coin, où les enfants accumulent sottises et blagues stupides. Mais cette impasse est bien plus que ça…
Camille, une fille simplette mais gentille, donne naissance à un enfant mort. On ne sait pas qui est le père. Elle aurait voulu appeler cette petite fille Lydie. Fortement marquée, Camille enterre sa petite Lydie, accompagnée de son père, Augustin. Mais quelques jours plus tard, les habitants de l’impasse assistent à la course effrénée d’une Camille radieuse s’élançant vers le landau vide en criant : « Il est revenu, il est revenu ! Mon bébé !! Mon bébé est revenu !! ». Malaise général. La jeune femme prend dans ses bras un bébé imaginaire : « Les anges du ciel me l’ont rapporté ».
Après s’être moqué de la jeune femme, son père, le docteur, et petit à petit tous les habitants de la rue, vont entrer dans le jeu de Camille. La vieille dame va le bercer doucement, le menuisier promet de fabriquer une chaise haute pour l’enfant, le grand-père lui donne avec tendresse le biberon, on va jusqu’à baptiser ce petit être invisible. Puis Lydie ira à l’école, tombera malade, se fera soignée par le docteur qui se lèvera au milieu de la nuit réveillé par une Camille affolée… Camille sera une véritable mère, la mère excellente d’une fillette appréciée dans le quartier.
La BD se clôt sur une chute merveilleuse, imprévisible, qui, personnellement m’a chamboulée.
Le scénario est un bijou mettant en valeur la solidarité, l’amitié, l’amour maternel, l’humanité d’une petite portion d’êtres simples mais méritants et formidables. Je multiplie les compliments mais cet album le vaut bien. Les couleurs des dessins sont plutôt ternes pour mieux mettre en valeur la lumière de cette histoire rayonnante. Elle n’est pas triste mais emplie d’un optimisme rare, d’un humour raffiné, d’un espoir ô combien précieux. Elle va à l’encontre des clichés.
COUP DE CŒUR