Une fille, Agathe, écrit des lettres à sa mère après son décès. Une mère un peu particulière puisqu’elle n’a jamais montré un seul signe d’affection ou d’attachement à sa fille. Agathe a été conçue au retour du père de la seconde guerre, lorsque l’amour avait disparu depuis des années dans le couple. La mère d’Agathe se remarie et c’est grâce à l’affection du beau-père de la fillette qu’elle pourra grandir cahin-caha.
Les anecdotes de l’enfance privée d’une affection maternelle sont très émouvantes : la photo de famille qu’on prend avec les deux garçons mais en écartant Agathe ; la rentrée des classes marquée par une mère qui, s’énervant contre les cheveux emmêlés de sa fille, lui coupe brusquement ; les premières règles d’Agathe qui sont synonyme d’humiliation et de saleté ; les quelques moments de bonheur estival passés avec son oncle et sa tante… Autant d’étapes importantes dans la vie d’une fille complètement gâchée et bafouées par une mère froide et cruelle.
Ce qu’on attend depuis le début de l’album, la séparation, vient malgré Agathe suite à une énième dispute où sa mère la gifle en public alors qu’elle est une jeune adulte. Agathe lui rend la gifle. Sa mère la contraint à partir vivre à Paris chez son oncle et sa tante. Agathe s’en va… et ne reverra plus jamais sa mère qui mourra peu après.
D’autres lettres suivront, Agathe cherchant toujours à comprendre, fouinant dans le passé, tentant de faire face à l’annonce de sa maternité à elle.
Le récit est poignant. On suit le parcours d’Agathe de la petite enfance à l’âge adulte et on se rend compte à quel point ce vide, cette absence d’amour maternel la marque tous les jours. Son premier mari ressemble étrangement à cette mère très ordonnée et à cheval sur les quand-dira-t-on. Même adulte, Agathe se demande ce qu’elle a fait de travers, elle culpabilise encore et ne trouve pas de réponses à ses questions… et tente de vivre avec.
La fin est très juste. Il faut apprendre à vivre avec quelque chose d’aberrant, avec l’inexplicable et l’injuste. Et surtout éviter de reproduire le même schéma.
C’est la couverture qui m’avait attirée. Les dessins dont de belles aquarelles reproduisant bien la hargne de la jeune fille à vouloir comprendre, sa volonté de survie et sa quête identitaire.
Lorsque le sang coule pour la première fois entre les jambes d’Agathe :
« Tu viens de trouver les traces de mon infortune sur la couverture et sur les pavés. Tu as ouvert la porte sans frapper. Tu soulèves ma chemise dans rien dire. Tu sais déjà. Tu regardes mes jambes serrées que colle un filet ininterrompu de sang. Tu me gifles. Et je t’entends prononcer cette sentence étrange que je n’oublierai jamais. Maintenant, tu sais ce que c’est que d’être une femme. Tu ne m’as jamais rien expliqué avant ce moment et tu ne le feras pas plus, ce matin-là, ni jamais d’ailleurs. Je n’apprendrai de toi qu’une seule chose : ceci est un problème qui ne concerne que moi. »