J’ai peu lu l’œuvre d’Olivier Adam mais il me semble que ce livre fait somme, est un aboutissement de ses écrits passés, une démonstration de force aussi et un forage de son être, de sa carrière d’écrivain.
Paul Steiner est un écrivain à succès mais malheureux : sa femme tant aimée, Sarah, l’a quitté, ses deux enfants, Clément et Manon lui manquent énormément et il essaye de faire face à ce qu’il appelle la Maladie, une dépression qui le coupe du reste du monde. Viennent s’ajouter au tableau une mère malade, un père froid et distant comme il l’a toujours été, un frère incompréhensif et hautain.
Je n’ai pas réussi à savoir quelle était réellement la dimension autobiographique de ce livre qu’on appelle « roman », il me semble que l’écrivain se livre énormément, offre aux lecteurs les parts les plus secrètes de ses pensées. Au-delà du parcours d’un écrivain maudit (parce qu’il y a un peu de ça, celui qui ne mêle qu’avec difficulté aux autres, celui qui a besoin de s’isoler dans une Bretagne-refuge, celui qui sent toujours « à la périphérie » n’étant jamais vraiment présent, jamais vraiment absent…), donc au-delà des tribulations de l’auteur incompris, se dresse un portrait de la France actuelle. L’histoire se passe en 2011, l’accident nucléaire de Fukushima et la campagne présidentielle française sont évoqués non sans prise de position : L’auteur clame haut et fort ses positions politiques, fustigeant les propos de « la Blonde », dépeignant un tableau des banlieues précis et inquiétant.
Je suis partagée. J’ai beaucoup aimé la justesse de certains passages, l’ironie de l’écrivain qui parle de l’écrivain (comme le montre l’extrait ci-dessous), son attachement très fort à la famille qu’il s’est créée, son retour dans la ville d’Essonne de son enfance qu’il déteste. Je me suis trouvé pas mal de points communs avec ce type ! Mais certains passages m’ont fait l’effet d’une logorrhée mal maîtrisée, il s’étale sur la vie de ses anciens copains de lycée, s’apitoie sur son sort aussi… en tant que femme, je crois qu’on en peut réprimer un sourire face à ce grand gamin impulsif et trop sensible qui s’étonne d’avoir été foutu dehors par son épouse.
C’est un livre à lire, je le conseille ne serait-ce que pour son approche sociologique. J’ai souvent pensé à Rien ne s’oppose à la nuit que j’ai lu l’an dernier à la même époque, qui lui aussi faisait partie des rentrées littéraires attendues, qui lui aussi parlait famille et écriture. Eh bien, il n’y a pas le coup de cœur ici que j’ai eu pour le roman de De Vigan.
Lorsque le mari de l’ancienne copine de lycée (avec qui l’auteur a couché sans en avoir vraiment envie mais il l’a fait quand même… hein…) lui dit ce qu’il pense de son œuvre :
« Il martelait que mes livres lui avaient fait du mal, beaucoup de mal. Non parce que j’en étais l’auteur mais du fait même de leur contenu. Mes livres et ceux de mes confrères n’aidaient nullement les gens, au contraire, ils enfonçaient les plus fragiles, les plus inaptes, ils les confortaient dans leurs humeurs les plus noires, leur maintenaient la tête sous l’eau, dans l’étang poisseux de la dépression, la vase verdâtre de la mélancolie. . Ils glorifiaient la tristesse et les éclopés, la défaite et la désillusion, la fuite et la désertion, comme s’il était plus noble d’être de ce côté-là que de celui de la vie et de la lumière. »
Pensée-réponse du narrateur : « Toutes ces années je ne m’étais jamais posé la question. J’écrivais pour me tenir en vie, pour ne pas chuter. J’écrivais ^parce que c’était la seule manière que j’avais trouvée d’habiter le monde. Mais je n’avais jamais pensé aux lecteurs. »