C’est la première fois que je découvre le Zweig dramaturge. Comme toujours avec cet auteur, je ne suis pas déçue.
Alors que Leonore s’apprête à donner une grande fête en la mémoire de son défunt et célèbre écrivain de mari, Karl Amadeus Franck, son fils, leur fils, Friedrich, sème la pagaille. Ecrivain débutant, il refuse qu’on assimile son œuvre à celle de son père, il refuse ce lourd héritage du père parfait, il se révolte… jusqu’au moment où il fait la connaissance de Maria, dont il lui semble bien reconnaître le visage.
Maria, cette dame désormais âgée, lui révèle un pan caché de l’histoire familiale. Elle a été la maîtresse de son père, elle a été la femme qu’il a le plus aimée. Friedrich lui est reconnaissant à la fois pour sa sincérité (lui qui baignait dans les faux-semblants et les hypocrisies) mais aussi pour cet aveu qui fait de son père un homme imparfait. Telle une œuvre initiatique, la pièce en trois actes va permettre à Friedrich de découvrir la vérité sur son passé mais également la vérité sur l’Homme.
Le style est ample et grandiloquent, les personnages dignes des tragédies grecques. Leonore est la femme trompée qui s’est façonnée un époux idéal, un modèle si parfait qu’il était craint par son entourage. Maria représente la femme de l’ombre, celle qui n’a jamais rien exigé. La fin rapproche ces deux femmes unies par le même homme.
Une belle œuvre où chaque lecteur pourra y puiser sa petite leçon de vie…
Friedrich à sa sœur : « tu ne portes pas sur tes épaules la plaque de marbre d’une gloire, d’une gloire étrangère. […]. Mais moi, je suis éternellement sur la place publique, éternellement surveillé, l’objet de tous les bavardages, de tous les étonnements et questionnements – ô une poignée d’obscurité, un petit coin de silence, être inconnu, anonyme, étranger, pendant une semaine, une seule semaine, avoir les épaules légères, une vie légère, ma propre vie, ma vie réelle ! »
Lorsque Friedrich découvre la vérité sur le passé de son père : « Il est ressuscité en moi, et je suis moi-même ressuscité depuis que je le connais et que je me reconnais en lui... La légende que j'avais apprise s'est éteinte, la légende que j'avais apprise à contrecœur comme font les enfants contraints... je le sens désormais dans la vie, dans sa vie et dans la mienne... Oh, comme je l'aime !... Comme je l'aime !... Oh, parlez-moi, parlez-moi de lui… »
15/12 pour le challenge de Bladelor !