De Grangé, je ne connaissais que Les Rivières pourpres, et encore, pour l’avoir vu au cinéma.
Le vol des cigognes est un roman que je n’oublierai pas, je le sais déjà. Dense, coloré, gothique, nomade, explosif - sont les premiers adjectifs qui me viennent à l’esprit.
Louis Antioche a fait des longues études d’histoire et il en a sa claque des livres. Il veut aller sur le terrain, « passer à l’acte, mordre dans l’existence ». Ses désirs de début de roman seront entièrement réalisés, jusqu’à outrance même. Il est embauché par un ornithologue suisse, Max Böhm, pour un travail un peu bizarre. Böhm suit les trajectoires des cigognes, c’est un passionné qui s’inquiète pourtant de la disparition de certaines cigognes qui ne sont jamais revenues à bon port. La mission de Louis est donc de suivre le voyage de ces oiseaux, pays après pays. Pour cela, il bénéficie d’une grosse enveloppe qui lui permet de louer des voitures et de séjourner dans les meilleurs hôtels. Louis se demande toujours pourquoi lui a été choisi mais est plutôt ravi de ses nouvelles fonctions. Peu avant son départ, son patron est retrouvé mort d’une crise cardiaque. Des détails mystérieux pousseront notre trentenaire à tout de même mettre les voiles et à suivre le vol des cigognes : Böhm est un greffé du cœur mais aucune trace médicale en Europe n’a pu mettre en lumière l’opération et ses suites ; Louis trouve au domicile de l’ornithologue des photos horribles de Noirs aux corps torturés, déchirés, éviscérés mais aussi une photo de Max avec sa femme et son fils dont personne n’a jamais entendu parler.
En suivant les échassiers, Louis parvient d’abord en Slovaquie puis en Bulgarie. Et c’est là que l’histoire se complique. Louis se rend compte que derrière ce voyage se cache bien plus qu’une passion d’ornithologue. Max Böhm se servait des migrations des cigognes pour acheminer des diamants en Europe. Les cigognes précieusement baguées évitaient ainsi taxes, douanes, polices… Pourtant, la suite des pérégrinations de Louis, Istanbul, Rhodes, Israël, Centrafrique… lui révèle un trafic bien plus odieux que celui des diamants. Des cadavres sont découverts atrocement mutilés… et vidés de leur cœur. L’ablation s’est faite à vif. Dans chaque pays, Louis est donc confronté à ces horreurs et aux tabous qui les entourent.
Je ne veux pas révéler toute l’intrigue qui est une mosaïque composée de mille et un réseaux enchevêtrés entre eux. Les descriptions des pays traversés, mais plus encore, des coutumes et modes de vie de certains peuples comme les Roms et les Pygmées sont d’une justesse et d’un réalisme jubilatoires. L’arrivée à Bangui, au Centrafrique, a réveillé ma soif de voyager. L’écriture de Grangé est assez puissante pour épouser les particularités de chaque contrée.
En plus de cela, on découvre petit à petit que notre Louis Antioche à qui on s’attache très vite a un passé peu ordinaire : il a perdu ses parents dans un incendie et ses séquelles à lui se trouvent sur ses mains, brûlées, elles sont anonymes.
Une donnée qui me semble une des caractéristiques de l’écrivain n’est pourtant pas à négliger : les horreurs racontées. Ames sensibles s’abstenir. Il y a du sang, des cadavres, on fouille dans les corps ouverts, on déterre les morts. Il y a deux ou trois passages qui sont épouvantables et écœurants (ai-je déjà lu pire ?). Et, avec du recul, quelques jours plus tard, je ne sais pas si c’est la catharsis qui entre en jeu mais ça me traumatise beaucoup moins et je suis déjà prête à lire un autre Grangé.
Eh oui, j’ai bel et bien adoré ce roman, le premier de l’auteur et comme vous le lirez dans quelques jours, les romans suivants m’ont paru bien pâlots…
Où le héros explique son épopée par ces mots : « … je songeai à ma personnalité, qui ne cessait d’évoluer. J’en tirai un obscur optimisme, fiévreux et suicidaire. Il me semblait que mon départ du 19 août avait été comme une apocalypse intime. En quelques semaines, j’étais devenu un Voyageur Anonyme, sans attache, qui courait de terribles risques mais se savait récompensé chaque jour par la réalité qu’il découvrait. »
Bangui - Centrafrique
Netanya - Israël