Il ne m’a fallu que deux petites pages pour faire taire mes doutes et savoir que j’adorerai ce bouquin ! On ne s’ennuie jamais avec Jean Teulé, c’est sûr !
Le marquis de Montespan a la chance d’épouser, plutôt par hasard, la très belle François de Mortemart. Leur amour est passionnel, charnel, exclusif. Teulé en profite pour nous décrire leurs très fréquentes parties de jambes en l’air avec la crudité et l’humour qu’on lui connaît. Tout irait donc pour le mieux chez les Montespan si ce n’est que l’argent vient à manquer. Chance incroyable, le roi Louis XIV a repéré Françoise qui trouve plus chic de se faire appeler Athénaïs, il la trouve jolie et l’invite à la cour. Ce qui devrait être le plus grand des privilèges pour la famille et pour Montespan devient un perpétuel tourment pour notre marquis mordu. Le roi tombe amoureux d’Athénaïs, il en fait sa favorite. Les ruses et les stratégies de Montespan pour reconquérir sa belle sont variées et originales : il fait mettre d’immenses cornes à son carosse, il s’introduit dans la chambre de la femme du roi pour le rendre cocu, il organise une cérémonie d’enterrement de son amour… Louis XIV riposte, bien entendu : Montespan se retrouvera exilé en Espagne puis appauvri et déclassé.
Quels portraits ! au pluriel, oui, car non seulement, Teulé nous peint un homme amoureux, tenace et surtout audacieux parce que défiant le roi, mais il nous offre aussi un tableau pittoresque de la France du XVIIème siècle. Mêlant la réalité historique et la fiction, l’écrivain nous montre un pays gouverné par une monarchie absolue aberrante et dépravée. Le lecteur ne peut avoir qu’une seule consolation : ne pas avoir connu ce siècle de grandeur dégoûtante, de cupidité et de duperie !
On se marre tout le long. L’épisode narrant la rencontre entre le jeune futur roi d’Espagne, complètement con et débile est absolument hilarant. Apprendre en riant, voilà un pari réussi pour ce roman historique léger et bien écrit.
Le spectacle de la guillotine : « La hache d’un bourreau cagoulé s’abat d'un mouvement si net et rebondissant que la tête de Saint-Aignan reste sans tomber du billot. L'exécuteur croit avoir manqué son coup et qu'il faudra frapper une seconde fois lorsqu'elle s'effondre sur cinq autres couvrant le plancher de l'estrade. En tas comme des choux, on dirait qu'enfin réconciliées elles se font toutes des bises partout : sur le front, les oreilles, la bouche (elles auraient dû commencer par là, de leur vivant). »
Lors d’une petite sauterie à l’hôtel particulier des Montausier : « Assise sur une chaise percée garnie de son bassin en étain, elle chie en société tandis que les nobles qui l’entourent font un concours de vents qui les amuse follement. Elle-même lâche des perles. »
Parce que Françoise, désormais très influente à la cour, a reçu une gifle qui lui a laissé l’empreinte des doigts sur sa joue… : « Le lendemain matin, revenant à l’hôtel Montausier en titubant, Montespan découvre que toutes les femmes ont maintenant les deux joues maquillées d’une baffe ».
Et un joli résumé de la personnalité de Montespan : « Il faut avoir une marque du sang échauffé, le cerveau modelé d’une autre manière que le commun des hommes, pour oser, dans cette universelle ruée vers la servitude la plus rampante, élever la tête au-dessus des dos courbés et accuser l’idole en face. »
Lu dans le cadre du challenge Biographie de chez Alinea