Voilà un bouquin qui traînait dans ma PAL depuis un moment, je l’avais reçu : « Livre offert pour deux Livre de Poche achetés »… est-ce dû à sa gratuité (on est bête parfois, hein ?) mais il ne m’intéressait pas plus que ça. Je n’ai jamais rien lu non plus de cet auteur, pour moi c’était les fourmis et les fourmis, mouarf, bon, non.
Quelle surprise ! Avant d’en parler plus amplement, voilà l’incipit : « Je me présente. Je suis un livre et je suis vivant. Je m’appelle « Le Livre du Voyage ». Je peux, si vous le souhaitez, vous guider pour le plus léger, le plus intime, le plus simple des voyages. Hum… Puisque nous allons vivre quelque chose de fort ensemble, permets-moi tout d’abord de te tutoyer. » Le tutoiement du lecteur, ce n’est pas une nouveauté, mais Werber réussit à nous embarquer dans son voyage. Il nous demande d’abord de nous relaxer, il s’y prend bien… puis il nous prend par la main et nous fait décoller. Certains moments sont vraiment sympa. On se prend pour un aigle aux ailes transparentes et aux pouvoirs immenses.
L’auteur se donne alors pour ambition de survoler l’espace et le temps mais aussi nos rêves et nos angoisses, nos souvenirs et nos faiblesses, nos enfants et nos aïeuls, l’amitié, l’amour, la mort… Tour d’horizon complet !
Commençons par le positif : j’ai été emmenée, vraiment, je suis rentrée dans le jeu docilement et sans résistance, j’ai réussi à me détendre, j’ai découvert de nouvelles contrées, j’ai appris aussi, j’ai été touchée et j’ai souvent eu l’impression que ce livre avait été écrit pour moi seule.
Le négatif ? Le livre m’a fait penser à ces messages qu’on reçoit sur Internet, vous savez, de jolies images, une musique reposante et des leçons de courage, de bonheur de confiance : toi aussi tu es fort, toi aussi, tu peux, etc. Werber joue un peu sur la facilité. Mais ce qui m’a le plus gênée c’est qu’il a réveillé en moi des angoisses profondément enfouies, il nous emmène par exemple au centre de la galaxie, nous fait réfléchir sur le Big-Bang, le vide, l’idée de fin : « Tu te places au-dessus du trou noir. Et toute la galaxie tourne autour de toi. Tu mets tes bras en spirale (…) Au bout du temps, il y a le Big-Bang. Aux confins de l’espace il y a encore le Big-Bang. Est-ce donc la limite de l’univers explorable ? Demande-le directement à la lumière. Elle te répond que tu n’as exploré qu’un seul univers espace-temps », j’avoue que ces idées-là ne m’excitent pas du tout, elles m’effraient, elles m’inquiètent. Je suis donc passée à un état de quiétude et de sérénité à une sorte de malaise qui ne s’est pas dissipé à la fermeture du livre. Le type a beau nous dire « tu n’as rien à craindre », il nous laisse là, avec des interrogations auxquelles, forcément, il ne sait pas plus répondre que le commun des mortels.
Je rajouterais que Werber emploie un ton légèrement hautain (euphémisme) pour nous parler, il est au-delà de Dieu, ses ambitions sont osées et parfois déplacées. La présentation des phrases semblable à celle des versets abonde encore dans ce sens.
Je pense cependant que certains trouveront ce livre sublime et, malgré mes réticences, j’en recommande la lecture. C’est court, 160 pages pour faire le tour de l’univers et de l’Histoire du monde, ça relève de l’exploit…
Les extraits que j’ai trouvé jolis et agréables :
> Rencontre avec un sage : « Il retient une grimace puis, au comble de l’agacement, te traite de "petit imbécile". Signale- lui que tu te sens précisément un "imbécile", mais dans le vrai sens étymologique du terme. Autrefois, "im-bécille" signifiait "qui n'a pas de béquille". Un imbécile est quelqu'un qui n'a aucun tuteur, aucun bâton, aucune béquille pour le faire tenir droit. Il trébuche mais, au moins, il avance, et il avance seul. Imbécile, c'est en fait le plus beau compliment que tu pouvais recevoir. »
> « … cette théorie antique qui prétend que, jadis, les êtres humains avaient deux têtes, quatre bras, quatre jambes et qu’ils ont été séparés. « Depuis, on est tous à la recherche de notre moitié perdue. »
> « Tu sais, vivre des aventures originales, c’est bien. Mais se rappeler qu’on a vécu une aventure, ce n’est pas mal non plus. C’est un peu comme les lasagnes réchauffées le lendemain. C’est encore meilleur. »