Découverte en livre audio.
Il y en aurait à dire sur cette œuvre ! Commençons par le commencement…
J’ai d’emblée été déçue par la voix de la lectrice. Il faut dire que je m’étais habituée à une voix d’homme lors de mes précédentes expériences livraudiesques (néologismons…), n’est-ce dû qu’à cela ? En tous cas, la voix de celle que je ne nommerai pas m’a gênée par ses sonorités légèrement rocailleuses, ses accents âpres. Je m’attendais à plus de douceur. Bon.
Ensuite, j’ai presque immédiatement regretté de ne pas avoir lu le livre, plutôt qu’écouté. Je crois que c’est une grande œuvre d’une indéniable qualité, riche et dense, qui mérite une concentration accrue, une attention plus soutenue que celle que j’ai pu fournir entre deux ronds-points, partagée entre les préoccupations domestiques de mon chez-moi et les tracas professionnels…
Plusieurs mots me sont venus à l’esprit : contemplation du passé d’abord. Cette œuvre ne bouge pas, l’héroïne (elle mérite assez mal cette appellation d’ailleurs) est tournée vers sa vie d’enfant et d’adolescente, elle fait revivre ses souvenirs à l’occasion de l’héritage que lui a légué sa grand-mère Bertha : une maison. Et là, le talent de l’auteur nous apparaît dans toute sa puissance : on y est dans cette maison, son plancher grince sous nos pas, les livres de la bibliothèque sont face à nous. On peut aussi s’asseoir à la petite table de la cuisine avec Iris, la narratrice. L’écriture a un pouvoir d’évocation assez particulier, rare.
« Secrets » pourrait aussi résumer ce livre : la narratrice en déterre une importante quantité, elle fouille, elle creuse dans sa mémoire pour en extraire des tabous et des non-dits familiaux, et c’est la maison elle-même qui permettra cette re-découverte du passé.
« Deuil » : la résurrection des souvenirs permet à Iris de faire son deuil, sans aucun doute. Il paraît même que c’est un processus inévitable. Mais le deuil est aussi un hommage, un hommage à toutes les femmes de la famille, car si l’écriture est féminine, les personnages le sont aussi. Des femmes toutes différentes : la passionnée, la pudique, l’électrique, la honteuse… Le deuil permet aussi à Iris d’assumer pleinement sa vie de femme actuelle dans les bras de Max.
Mon avis est partagé : je ne remets pas en doute les qualités de l’œuvre, l’écriture est ciselée, sublimée, les descriptions et les évocations du passé sont d’une justesse remarquable. Cependant, si je suis en admiration devant ce style pur et exemplaire, un sentiment de malaise m’a envahie à plusieurs moments. Immobilisme - voilà le terme que j’aurais finalement eu envie d’utiliser pour qualifier ces retours incessants dans le passé. Comme une mouche prise au piège dans une toile d’araignée, éternellement prise au piège… Iris, elle aussi est piégée par son passé, elle s’y enferme comme dans cette maison. Et la fin m'a donné le vertige au mauvais sens du terme.
Le livre est un florilège de sentences dédiées à la mémoire et aux souvenirs. A collectionner !
« Les souvenirs sont des îles qui flottent dans l'océan de l'oubli »
« L’oubli partagé est un lien aussi fort que les souvenirs communs, peut-être même plus fort. »
« L'escalier n'était ni en haut ni en bas, ni dedans ni dehors.
Il était là pour assurer en douceur mais avec fermeté la transition entre deux mondes. Ainsi s'explique sans doute la prédilection des adolescents pour ce genre d'endroit, leur penchant à s'installer dans les escaliers comme celui-là, à se tenir dans l'entrebâillement des portes, à s'asseoir sur des murets, à s'agglutiner à des arrêts de bus, à courir sur les traverses d'une voie ferrée, à regarder du haut d'un pont. Passagers en transit, consignés dans l'entre-deux. »