Voilà (encore !) un livre que je m’étais empressée d’acheter après avoir lu un billet positif sur un de vos blogs. Ça remonte déjà à plusieurs mois et, avec un titre pareil, j’ai trouvé que les fêtes de fin d’année étaient une bonne occasion de le lire.
Le narrateur est un père de famille, un ancien prof qui se retrouve dans un restaurant gastronomique avec son épouse, son frère et l’épouse de son frère.
Dans une petite première partie du roman, c’est une satire de la Grande Cuisine qui est faite, on rigole bien avec le narrateur devant les assiettes aux trois quarts vides, devant l’auriculaire tendu du serveur qui explique que les « tomates mûries au soleil viennent de Bulgarie » ou que la viande du tournedos provient d’une « ferme biologique où les animaux se promenaient librement ».
Mais si le frère du narrateur, le très réputé Serge Lohman, futur Premier Ministre, a convié sa petite famille dans ce restaurant, c’est surtout pour avoir une discussion sérieuse au sujet de leurs fils. Rick, le fils de Serge, et Michel, le rejeton du narrateur et de Claire ont commis un acte grave et violent. Une nuit, après une fête arrosée, ils ont agressé une clocharde qui dormait devant le distributeur de billets auquel les deux ados voulaient se servir. Ils l’ont frappée et brûlée vive. Le tout a été filmé par les caméras de surveillance, la vidéo a fait le tour du pays (la Hollande) mais on n’a pas su identifier le visage des agresseurs. Surgit donc la délicate question de la réaction à adopter : protéger son enfant et se taire ou le dénoncer ? Les deux couples ne sont pas d’accord … et on découvre que, si Michel est si violent, c’est qu’il a été à bonne école chez son père.
Le glissement de quelques pages d’humour (le début du roman paraît si léger !) à un sujet sérieux et dérangeant, est déstabilisant. On s’attend à un roman drôle et finalement, on se retrouve angoissé face à l’éventualité de voir son propre enfant commettre des actes horribles. L’auteur ne prend pas non plus position pour l’un ou l’autre personnage, point de morale pour ce livre très cynique qui pourrait s’apparenter à un policier où l’enquête est menée, les informations distillées lentement et subtilement. Les retours en arrière dévoilent la vérité sur la personnalité des personnages dans un monde où le manichéisme n’a pas lieu d’être. Assez juste et prenant, donc. Et facile à lire aussi.
"D'autant qu'il y avait cet auriculaire. Pourquoi se servait-on de son auriculaire pour montrer quoi que ce soit? Etait-ce chic? Le geste allait-il de pair avec le costume aux fines rayures bleues et la pochette bleu pâle? Ou l'homme avait-il tout simplement quelque chose à cacher? Il ne montrait d'ailleurs pas ses autres doigts, il les avait repliés dans la paume de sa main, à l'abri des regards - peut-être étaient-ils couverts d'eczéma squameux ou présentaient-ils les symptômes d'une maladie incurable?"