Je me souviens que Le Club des Incorrigibles Optimistes était sorti en 2009, la même année que Le Cercle Littéraire des amateurs d’épluchures de patates et que, sans connaître ces deux romans, je les avais mis dans le même sac, les considérant comme des bluettes sans profondeur (je ne sais pas si c’est pareil pour vous mais j’ai souvent un a priori très marqué pour un livre avant même de l’ouvrir…). Il est vrai que je ne m’étais pas trompée pour le livre des Patates mais ce Club des Incorrigibles Optimistes, découvert en livre audio, est d’une qualité autrement meilleure.
Michel Marini est un adolescent vivant à Paris au début des années 60. Passionné de lectures, de musique rock et de baby-foot, il fréquente très régulièrement les bistros de la capitale, en particulier le Balto où il fera, un jour, une rencontre stupéfiante : à l’arrière du café, une pièce est occupée par des exilés politiques jouant aux échecs et des célébrités telles que Sartre ou Kessel se joignent régulièrement à eux. Michel va petit à petit s’intégrer au groupe, au Cercle, se mettant à apprendre à jouer aux échecs et à écouter les histoires farfelues, romanesques ou terrifiantes de ces réfugiés venus de l’Est.
Roman initiatique, Michel s’épanouit dans une amitié très forte avec Cécile, la fiancée de son frère Franck. Il découvre aussi la souffrance de perdre un être cher puisque Pierre, le frère de Cécile, meurt le dernier jour de la guerre d’Algérie. Enfin, il apprend le positif comme le négatif de l’amour dans les bras de la jolie Camille.
Ce roman choral est riche et touffu. De nombreux personnages prennent la parole, racontant un passé souvent lié au stalinisme de près ou de loin, dans un contexte plein de charme : le Paris des années 60. Jean-Michel Guenassia le dit lui-même dans l’entretien qui lui est consacré à la fin du livre audio, c’est une période qui n’a généralement qu’une toute petite place dans la littérature, et c’est bien dommage. Que peut-on retenir de ce long roman (21h30 d’écoute !) ? Michel et sa passion de la lecture (il lit dans la rue à ses risques et périls, il lit au lycée, un bouquin posé discrètement sur ses genoux), le jogging au Luxembourg avec Cécile, Sasha qui truque les photos pendant la guerre froide (l’ennemi ne doit jamais paraître, les chefs doivent toujours sembler beaux et jeunes), Leonid et son histoire d’amour impossible, …
Je situe le livre quelque part entre Le Cercle des poètes disparus et Les Faux-monnayeurs (méga référence pour moi !), plein de tendresse, dense en personnages, en histoires et en anecdotes, il est tout le contraire de ces livres au style minimaliste et sobre (comme Le tort du soldat, par exemple, que j’aime beaucoup aussi !). Il nous emplit, nous gonfle de vie, nous rend nostalgique. Que le livre ait reçu le Prix Goncourt des Lycéens en 2012 n’est pas étonnant. J’ai aimé et Stéphane Ronchewski y est pour beaucoup, sa voix a pris l’accent tour à tour hongrois, russe, tchèque avec une aisance et une justesse vraiment appréciables.